Stefano Fontana, sur la Bussola, arrive à son tour à la conclusion que tout le monde, pape compris, fera la sourde oreille face aux provocations des catholiques allemands – « fidèles » et épiscopat: il ne se passera rien au niveau officiel après le 10 mai (d’ailleurs, plus personne ne sait vraiment ce qu’est un schisme, et que peut faire un Pape qui a absorbé sans ciller un processus schismatique en Chine?). Mais le mal sera fait. Le chaos se répandra. « La doctrine sera mise de côté, mais on ne retrouvera jamais ceux qui l’ont mise de côté ». Un crime non résolu, en somme.

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L’Allemagne vers le schisme de velours. Avec le Pape en spectateur

Stefano Fontana
La NBQ
7 mai 2021
Ma traduction

À l’approche du 10 mai, la tension monte autour du schisme allemand redouté et les appels à Rome pour qu’elle intervienne et freine la dérive schismatique se multiplient. Mais la notion de schisme aujourd’hui n’est pas claire dans la réalité en raison du rôle du Pape, de la compétence doctrinale des Conférences épiscopales et de la situation de crypto-schisme généralisé. Le sentiment est que rien ne se passera, mais que les malentendus continueront et que des pratiques schismatiques seront mises en œuvre. Un crime sans coupables.

À l’approche du 10 mai, la tension monte autour du schisme allemand redouté, et les appels à Rome pour intervenir et freiner la dérive schismatique se multiplient. On en appelle au Catéchisme et au Code de droit canonique selon lesquels un schisme se produit lorsqu’une Église particulière n’est plus en communion avec le Pape. La notion de schisme est en soi très claire sur le papier, mais l’est-elle encore dans la réalité aujourd’hui ? La réponse est non : ce qu’est un schisme et quand une Église particulière y tombe est une question plutôt nébuleuse. Quelques observations sur ce brouillard nous aideront peut-être à comprendre comment la question allemande se terminera après le 10 mai.

On peut commencer par l’aspect le moins contraignant mais pas moins important. Selon des informations plutôt fiables rapportées par diverses sources, François n’a pas vraiment apprécié la publication du Responsum de la Congrégation pour la doctrine de la foi qui rejetait la bénédiction à l’église des couples homosexuels. Bien sûr, il peut s’agir de rumeurs incontrôlées, mais la faiblesse de la phrase finale concernant l’approbation du Pape – « le Saint Père a été informé et a donné son consentement » – va également dans ce sens. Il a dû y avoir une certaine tension dans les palais du Vatican, puis une phrase d’approbation du pape ayant peu de valeur d’autorité a été choisie. De plus, si l’on part du principe de cohérence, même dans un pontificat souvent contradictoire avec lui-même, la position exprimée à plusieurs reprises par François sur le problème de l’homosexualité conduirait davantage à la bénédiction des couples à l’église qu’à son interdiction.

Il y a ensuite la question de la compétence doctrinale des Conférences épiscopales. Nous savons que Ratzinger niait cette compétence. Déjà dans la première interview avec Vittorio Messori en 1984, il avait clairement déclaré que les Conférences n’ont qu’une fonction d’organisation et n’ont aucune signification théologique. Alors que François a affirmé dans pas moins de deux documents faisant autorité, et non dans des interviews banales, qu’il faut aller vers une compétence doctrinale des conférences épiscopales. Pour mémoire, les deux documents en question sont les exhortations Evangelii Gaudium et Amoris laetitia.

Or, il semblerait plutôt étrange que le pape qui souhaite décentraliser les compétences doctrinales bloque ensuite les processus souhaités par ces conférences épiscopales, comme c’est précisément le cas en Allemagne. Pour compliquer encore l’affaire – mais, comme nous le verrons plus loin, pour la clarifier aussi, tout bien considéré – il y a eu la prise de distance officielle de la Conférence épiscopale allemande par rapport à l’événement du 10 mai dont elle s’est dissociée. Le Pape n’a donc pas besoin d’intervenir contre les décisions de la Conférence épiscopale parce que celle-ci n’en a pas pris officiellement, et il peut ainsi éviter d’expliciter sa contradiction avec ce qu’il dit de la compétence doctrinale de cette dernière. Les évêques allemands, pour leur part, qui ont commencé le dangereux chemin dans un grand « fracas de cymbales », retirent maintenant la main qui a jeté la pierre, mais n’interdisent pas ce qui se passera le 10 mai. Officiellement, ils ne font pas de nouvelles affirmations doctrinales, mais ils ne réitèrent pas non plus celles de la tradition. Comme on peut le constater, la politique des politiciens a toute sa place dans l’Église.

Au sujet du schisme, il convient aussi de rappeler qu’avec l’accord entre le Vatican et la République populaire de Chine, le pape a admis une Église schismatique dans l’Église catholique romaine. Là s’est produit le contraire de ce que l’on craint en Allemagne. Une question se pose alors : pourquoi François, qui a balayé d’un trait un schisme en Chine, devrait-il s’efforcer d’en éviter un autre sur le sol allemand ?

La conclusion est qu’aujourd’hui les gens ne savent plus ce qu’est un schisme. Les évêques encouragent les processus schismatiques mais ne les officialisent pas, le Pape dit dans ses interviews qu’il ne craint pas un schisme et accuse de crypto-schismatisme les catholiques qu’il qualifie de « rigides », absorbe un schisme comme celui de l’Église officielle chinoise, est évasif et réticent sur les questions à risque de schisme en Allemagne. Il est même possible que ceux qui signent des appels au pape pour empêcher un schisme soient accusés d’être des schismatiques.

Dans la confusion, une chose semble pourtant certaine. Après le 10 mai, il ne se passera rien. Les évêques, après avoir ouvertement promu ces mêmes idées, diront cependant qu’il s’agissait d’une initiative de la base, non officielle. Le pape n’interviendra pas car la Congrégation s’en est déjà chargée. Le chemin synodal se poursuivra dans les malentendus prévus et entre-temps seront mises en œuvre des pratiques schismatiques de facto que le document final du synode ne confirmera pas mais ne condamnera pas non plus. L’Église allemande ne sera plus la même, mais personne ne l’aura dit officiellement. Alors la chose se répandra. Les synodes nationaux se multiplieront – y compris, malheureusement, le synode italien – et là, la même chose se produira : faire sans dire. La doctrine sera mise de côté, mais on ne retrouvera jamais ceux qui l’ont mise de côté. Le crime, comme dans certains films policiers, restera non résolu.

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