Attention, humour! Mais pas que… Au tour du Wanderer de commenter le passage de l’interview de Tucho par Edward Pentin où il est question du charisme unique du successeur de Pierre, et de l’opposition entre la doctrine de toujours (statique, donc morte), et la « doctrine de François », dynamique donc vivante. Avec la conséquence que tout ce que prononce François est contraignant pour les catholiques, et que ne pas obéir est une attitude schismatique

Mgr Víctor Fernández : de l’Église à un mouvement (*)

(*) Ce titre fait référence à un article publié par le Wanderer il y a dix ans, juste après l’élection. Ici, « mouvement » est à entendre dans le même sens que dans « mouvement politique ». Voir plus bas.

caminante-wanderer.blogspot.com

Il y a une semaine aujourd’hui, un autre des fils les plus aimés de l’Argentine [ndt: !!!], Mgr Victor Fernandez, prenait ses fonctions de préfet du Dicastère pour la doctrine de la foi. Deux Argentins sont désormais à la tête du gouvernement de l’Église catholique. Une fierté pour tous ceux qui sont nés sur cette terre particulièrement bénie….

Et le nouveau préfet, devenu presque cardinal, a eu quelques émanations ces derniers jours sous forme d’interviews accordées au Père Spadaro de La Civiltà Cattolica et à Edward Pentin du National Catholic Register.

Je voudrais commenter brièvement l’une des déclarations du prélat, mais je dois d’abord souligner que les catholiques peuvent être assurés que la formation et la sagesse du nouvel inquisiteur [puiqu’il dirige l’ex Saint-Office!] sont impressionnantes.

Mgr Fernandez affirme que la formation qu’il a reçue était « strictement thomiste » (au séminaire de Rio Cuarto?) [Fernandez a effectivement été formateur au séminaire en question… j’imagine qu’il y a de l’ironie, qui m’échappe] bien que son maître ait été saint Bonaventure, ce qui est très approprié à l’ère franciscaine. Et il reconnaît aussi sa filiation avec Maurice Blondel, sans oublier « la précision argumentative de Karl Rahner, la profondeur spirituelle de Hans Urs von Balthasar, l’ecclésiologie d’Yves Congar et l’œuvre de Joseph Ratzinger-Benoît XVI ». Il ajoute ensuite Étienne Gilson et Réginald Garrigou-Lagrange. Et pour montrer qu’il est ouvert à la réalité latino-américaine, il avoue aussi être un disciple de Gustavo Gutiérrez, Lucio Gera et Rafael Tello, sans oublier Hans-Georg Gadamer [1900-2002, philosophe allemand, disciple de Heidegger, voir plus bas] . Un vide abyssal de sagesse !

Mgr Fernández ne se rend-il pas compte, ou n’a-t-il pas un bon ami pour le lui souffler, qu’en dressant la longue liste de ses professeurs, qui démontre son manque de fidélité à l’un d’entre eux et le pot-pourri théologique qui serpente dans sa tête, il ne fait que documenter son ignorance, son insécurité et son incompétence pour le poste qu’il occupe ?

Mais la chose la plus intéressante et la plus désopilante que le préfet ait dite se trouve dans l’interview de Pentin.

En réponse à une question sur l’acceptation du magistère du pape François, le cardinal-archevêque désigné Víctor Manuel Fernández a déclaré à Edward Pentin, du National Catholic Register (NCR), lors d’un entretien exclusif par mail le 8 septembre, que le pape a non seulement le devoir de garder et de préserver le dépôt « statique » de la foi, mais aussi un second charisme unique, donné uniquement à Pierre et à ses successeurs, qui est « un don vivant et actif ».

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« Je n’ai pas ce charisme, ni vous, ni le cardinal Burke. Aujourd’hui, seul le pape François l’a », a dit Mgr Fernández, qui succède cette semaine au préfet espagnol sortant, le cardinal Luis Ladaria Ferrer, et sera élevé au rang de cardinal lors d’un consistoire le 30 septembre.

Le cardinal Burke a récemment écrit la préface d’un livre qui critiquait vivement le prochain synode sur la synodalité et a souvent exprimé des inquiétudes quant à certains enseignements de ce pontificat.
« Si vous me dites que certains évêques ont un don spécial de l’Esprit Saint pour juger la doctrine du Saint-Père, nous entrerons dans un cercle vicieux (où n’importe qui peut prétendre détenir la vraie doctrine) et ce sera de l’hérésie et du schisme », a-t-il dit.

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(https://www.benoit-et-moi.fr/2020/2023/09/13/tucho-fernandez-interroge-par-edward-pentin-et-le-charisme-unique-de-pierre/)

Je ne suis pas théologien et ceux qui le sont peuvent me corriger. Il existe certainement un « charisme » propre au ministère pétrinien et possédé uniquement par le pape du moment, qui consiste en l’assistance de l’Esprit Saint qui lui confère l’infaillibilité si les conditions suivantes sont remplies :

1) Le pape doit parler ex cathedra, c’est-à-dire depuis sa position d’autorité suprême dans l’Église et dans l’exercice de son magistère extraordinaire.

2) La déclaration doit porter sur une question de foi ou de morale.

3) Le pape doit exprimer clairement son intention de définir une doctrine de manière infaillible.

Ce n’est que lorsque ces conditions sont remplies que l’on parle d’ « inerrance absolue », c’est-à-dire que son enseignement est considéré comme infaillible et exempt d’erreur. Par conséquent, les catholiques sont obligés de l’accepter comme vrai et contraignant pour la foi et la pratique religieuse.

En outre, l’infaillibilité papale établit l’autorité ultime du pape en matière de foi et de morale. Lorsque le pape prononce une déclaration infaillible, les catholiques sont censés l’accepter comme une vérité définitive qui ne peut être ni discutée ni remise en question.

Cependant, il est important de garder à l’esprit que l’infaillibilité papale a des limites spécifiques. Elle n’implique pas que le pape soit infaillible dans tous les aspects de son enseignement ou qu’il soit incapable de commettre des erreurs dans d’autres domaines. Elle ne s’applique qu’à des déclarations spécifiques faites dans les conditions mentionnées ci-dessus.

Il s’agit là d’une doctrine connue de tout catholique bien formé. Elle est énoncée par le Concile Vatican I dans Pastor Aeternus et réaffirmée par le Concile Vatican II dans Lumen Gentium §25, lorsqu’on parle du Pontife romain « résidant singulièrement dans le charisme de l’infaillibilité de l’Église elle-même », mais uniquement lorsqu’il s’exprime en tant que maître universel, c’est-à-dire lorsque les conditions susmentionnées sont remplies, et non lorsqu’il s’exprime en tant que maître privé.

Cependant, Mgr Fernandez – peut-être à la suite de Gadamer – semble faire une herméneutique étendue des dispositions des deux derniers conciles : le pape François aurait une « inerrance absolue » et donc une « autorité définitive » dans tous ses enseignements, qu’ils soient ou non prononcés ex cathedra. Même ceux prononcés ex aerea nave ou ex latrina seraient aussi des enseignements certains avec obligation d’être acceptés, sous peine de tomber dans l’hérésie.

Je n’exagère pas. Je ne fais que suivre le raisonnement de Mgr Fernandez.

  • Prémisse majeure : Le Pape doit non seulement garder le dépôt « statique » de la foi, mais aussi enseigner la doctrine de l’Eglise en vertu d’un charisme « vivant et actif » qu’il possède et qui est un don de l’Esprit Saint.
  • Prémisse mineure : Ni les évêques ni les fidèles laïcs ne possèdent ce don « vivant et actif », puisqu’il est exclusif au Pontife romain.
  • Conclusion : Tous les évêques et les fidèles laïcs doivent accepter non seulement le dépôt « statique » de la foi, mais aussi tous les enseignements du pape sur l’Église. Et s’ils ne le font pas et le critiquent, ils tombent dans le schisme et l’hérésie.

On peut d’ores et déjà prévoir ce que sera la gestion du nouveau préfet. Le dicastère prononcera quotidiennement des sentences d’hérésie urbi et orbi et l’Église où il y a de la place pour tout le monde, tout le monde, tout le monde [dixit François au Portugal, ndt] finira par n’être plus qu’une Église pour les inconditionnels. Il s’avère donc désormais que nous, catholiques, sommes obligés de suivre non pas la doctrine de l’Église, mais la doctrine du pape. C’est un non-sens, une absurdité inconcevable dans la bouche de celui qui devrait être le chef théologique de l’Église. C’est une chose d’affirmer que le Magistère a son propre charisme dans la mission de garder infailliblement la foi donnée une fois pour toutes à l’Église, et c’en est une autre d’affirmer que le Pape a un charisme qui protège sa propre doctrine.

Le nouveau préfet de la doctrine de la foi a exprimé d’une voix officielle ce contre quoi nous avions mis en garde dans ce blog il y a un peu plus de deux ans, et plus qu’il n’en fallait. Nous disions alors que la Tradition avait été dévorée par le Magistère et que Mgr Fernandez promettait de dévorer aussi l’Écriture. Car selon lui, le « charisme vivant et actif » dont est doté le pape François est supérieur au « dépôt statique », c’est-à-dire à l’Écriture et à la Tradition. Les hérétiques ne seraient plus ceux qui nient les enseignements contenus dans le depositum fidei, par exemple que les adultères ne peuvent pas recevoir l’Eucharistie ou que les relations sexuelles entre personnes du même sexe sont un péché grave, mais ceux qui remettent en cause le « charisme vivant et actif » dont est investi le pontife romain.

Qu’est-ce que Pie IX aurait donné pour avoir un préfet de la trempe théologique de Tucho Fernandez ! Il est curieux de constater que la galerie de personnages qui habitent le Vatican sous ce pontificat, ouvertement progressiste et dénigrant les temps passés, assume sans rougir les attitudes les plus réactionnaires que même Joseph de Maistre ou l’ultramontain le plus inébranlable n’aurait pas osé soutenir.

Ces déclarations montrent que Mgr Fernandez a fini par faire du pape François une sorte d’oracle, une hypostase particulière de l’Esprit Saint, dont la parole EST le magistère authentique et ne contient donc aucune erreur et doit être obéie par tous les catholiques. Et, par conséquent, elle a également transformé l’Église en une institution qui suit un chef, qui n’est pas le Christ mais le pape du moment, qui a les pleins pouvoirs pour la modeler à son goût et à sa fantaisie. Comme le disait notre ami Ludovicus [une des « plumes » – brillante! – du blog, ndt] en 2013 :

« Le pape commence à se configurer comme un chef, et le catholicisme comme la religion du pape ».

Son article [cf. caminante-wanderer.blogspot.com/2013/10/neopopulismo-papal-y-movimientismo], montrait comment le pontificat romain des dernières décennies a été compris comme la direction d’un « mouvement » [ndt: d’où le titre de l’article] sur la base d’un programme et d’un « charisme » particulier fourni par le nom choisi par le pape.

Comme je l’ai déjà dit en d’autres occasions, la meilleure chose à faire est de laisser Mgr Fernández parler et agir. Dans son dicastère, dit-on, on l’attend avec le couteau et la fourchette [est-ce un idiome argentin?..]. Sa fatuité assumée lui fera commettre d’innombrables erreurs, qui feront certainement des victimes, mais qui seront son passeport pour une retraite anticipée dès que le prochain pontife s’assiéra sur le trône de Pierre.

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