Deux articles récents que j’ai traduits pour ce site (il y en a beaucoup d’autres plus anciens) nous invitent à réfléchir sur l’après-François: comment allons-nous (nous) en sortir? Le premier, de Giuseppe Nardi, constatait qu’en théorie il n’était pas impensable de déposer un Pape pour hérésie (Peut-on destituer le Pape?), mais que dans la pratique, c’était quasiment irréalisable. Le second article, encore en cours de publication, est la conférence donnée par Edward Pentin à Pittsburgh, le 30 septembre 2023 , qui finalement voyait dans l’accession de François au trône papal « le plan de Dieu », dont il pourrait émerger un bien, ou au moins une clarification, permettant de trier le bon grain et l’ivraie. Ce troisième article, sous la plume du Maestro Aurelio Porfiri – invité récurrent de Marco Tosatti -, partant du principe que « Rome a une mission pour le bien de l’humanité » nous dit que la papauté, aussi indigne que soit le pape, reste le katechon évoqué par Saint Paul dans la seconde lettre aux Thessaloniciens.

Rome et le pape, le pape et Rome : la ruine de l’un est la ruine de l’autre. Si le pape tombe, Rome tombe et le monde tombe.

C’est un avertissement, qui mérite effectivement réflexion, et nous invite peut-être, comme catholiques, à la prudence. C’est du moins son avis.

Ce que je pense du Pape

Aurelio Porfiri

Jamais, comme ces dernières années, la figure du pape n’a été aussi fortement polarisée : aimée et détestée, louée et vilipendée. Des millions de mots ont été dits et écrits autour de la figure du pape. Je n’ai pas l’habitude d’en parler, mais en y réfléchissant ces jours-ci, il m’a semblé important de dire quelques mots qui pourraient définir où se situe pour moi le cœur du problème. Cela m’attirera d’autres critiques, mais dans ce cas, je vais utiliser le grand Dante et dire « non ti curar di loro, ma guarda e passa » [« ne te soucie pas d’eux, mais regarde et passe »].

Je garde toujours à l’esprit une distinction entre le pape et la papauté. La papauté est l’institution, le pape est la personne concrète qui l’occupe, qui peut être plus ou moins digne mais qui n’invalide pas la papauté elle-même. Je considère que la papauté et Rome sont étroitement liées, et je considère la première comme le destin de Rome, parce que je continue à penser que Rome a une mission pour le bien de l’humanité.

La première partie de cette mission a été imposée par la force, la seconde par la foi.

Et même si Rome devient spirituellement de plus en plus pauvre, la présence de la papauté est celle du katékon, celui qui empêche, comme nous le lisons dans un passage célèbre de la deuxième lettre de saint Paul aux Thessaloniciens :

« Que personne ne vous séduise d’aucune manière ! Car l’apostasie viendra d’abord, et l’homme d’iniquité sera révélé, le fils de la perdition, l’adversaire, celui qui s’élève au-dessus de tout ce qui est appelé et adoré comme Dieu, jusqu’à s’installer dans le temple de Dieu, en prétendant être Dieu. Ne vous souvenez-vous pas que, lorsque j’étais encore parmi vous, je vous disais ces choses ? Vous savez maintenant ce qui le retient, afin qu’il ne se manifeste qu’en son temps. Le mystère de l’iniquité est déjà en place, mais il faut que celui qui le retient jusqu’à présent soit mis hors d’état de nuire. Alors l’impie sera révélé, et le Seigneur Jésus le détruira par le souffle de sa bouche et l’anéantira par la splendeur de son avènement. La venue de l’impie se fera par la puissance de Satan, avec toutes sortes de miracles, de signes et de prodiges mensongers, et avec toutes les séductions de l’iniquité, au détriment de ceux qui vont à la ruine parce qu’ils n’ont pas accepté l’amour de la vérité pour être sauvés. C’est pourquoi Dieu leur envoie une puissance de séduction, afin qu’ils croient au mensonge, et que soient condamnés tous ceux qui, au lieu de croire à la vérité, ont pris plaisir à l’iniquité ».

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www.aelf.org/bible/2Th/2

Il se trouve que la papauté est mystérieusement cette force qui freine la pleine manifestation du mal, et ce en dépit du fait que certains papes peuvent être indignes de la position qu’ils sont appelés à occuper.

Rome et le pape, le pape et Rome : la ruine de l’un est la ruine de l’autre. Si le pape tombe, Rome tombe et le monde tombe.

Ainsi, lorsque nous faisons des considérations sur le pape, nous devons certes manifester notre opposition quand certains papes se montrent clairement incapables d’assumer la très haute tâche qui leur a été confiée, mais nous devons toujours veiller à ce que la critique, même légitime, ne vienne pas miner le rôle de la papauté dans le destin de Rome et, par conséquent, de l’humanité.

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