Comme l’indique le titre de son article, Giuseppe Nardi veut ouvrir un débat sur une question qui, dit-il, rassemble de nombreux catholiques (personnellement, je ne suis pas sûre qu’ils sont si nombreux que cela, le fidèle lambda n’est pas informé et donc pas intéressé, et de toute façon, l’ « opinion » est largement façonnée par les médias, massivement en faveur de François). Il n’y répond donc pas directement, et se contente d’ouvrir des pistes.
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En théorie, cela semble faisable, mais en pratique, il y aurait tellement d’obstacles qu’un destitution éventuelle serait vouée à l’échec, voire au chaos.

Rappelons que le cardinal Müller, dans la fameuse interview à éclipse (L’interview retrouvée du cardinal Müller) a lui-même ouvert la question: selon lui, « Si quelqu’un devait contester [la validité de] l’élection maintenant, ce serait un énorme chaos. Ce serait encore pire que ce que nous avons aujourd’hui ».

Précision: Il va sans dire que Giuseppe Nardi est seul responsable de ses opinions, le fait que je les publie ici ne signifie pas qu’elles sont les miennes. A chacun de se faire sa propre opinion

De plus en plus de catholiques s’interrogent : pourquoi le pape François n’est-il pas destitué ?

LE PAPE ET SA DESTITUTION

Quelques réflexions de Giuseppe Nardi

katholisches.info/2023/11/13/immer-mehr-katholiken-fragen-sich-warum-wird-papst-franziskus-nicht-abgesetzt/

Parmi les catholiques du monde entier, la conviction se répand que François est un successeur indigne du siège de Pierre. On a parlé de « pape dictateur ». Mais on parle désormais de « pape hérétique ». Il ne s’agit pas d’un manque de dignité, mais de la question de savoir si un « faux pape » réside à Rome. Ainsi, de plus en plus de voix s’élèvent pour réclamer sa destitution, au motif qu’il aurait perdu sa papauté. Mais un pape peut-il être destitué ? C’est une question que nous souhaitons aborder en raison de l’actualité.

Nous allons présenter quelques réflexions et ouvrir une discussion à ce sujet. Il ne s’agit pas d’une présentation exhaustive, mais seulement d’un examen de certains aspects, qui restera donc incomplet. Il est conçu comme une incitation à ce que d’autres s’expriment également et proposent des réflexions complémentaires. Il s’agit avant tout de montrer que la question est beaucoup plus compliquée dans la pratique que dans la théorie, et pourquoi.

La question centrale d’une destitution est la preuve qu’un pape trahit la doctrine de la foi ou viole gravement l’ordre ecclésiastique. De nombreuses études approfondies ont été publiées sur les raisons pour lesquelles un pape peut être déchu de sa charge. La faute la plus grave commise par un pape est l’apostasie, c’est-à-dire le fait d’enseigner obstinément une hérésie.

Nous nous contenterons ici de mentionner, à titre d’exemple, les documents pontificaux Laudato si‘ (2015), Laudate Dominum (2023) et Ad theologiam promovendam (2023). Ces trois documents peuvent être lus comme une invitation papale à l’humanité (et pas seulement aux catholiques) à s’approprier une religion naturelle unifiée comme nouvelle religion. Ils sont en même temps une publicité pour la création d’un nouvel ordre mondial avec un gouvernement mondial qui doit être accepté par les catholiques quand il n’y a pas d’alternative. Le salut et la délivrance ne viennent plus de Jésus-Christ, mais de l’ONU et d’autres groupements politiques internationaux. En d’autres termes, François exige que l’Église se mette au service d’un establishment mondialiste éloigné de l’Église.

Si les conditions extrêmes mentionnées sont réunies, un pape perd ipso facto sa fonction. La tradition est largement d’accord sur ce point. La question concrète de sa destitution n’est toutefois pas seulement une question de droit canonique et de coutumes, mais aussi de circonstances concrètes. Qu’est-ce que cela signifie ?

Tout d’abord, il convient de préciser que si nous, laïcs, pouvons prendre une part active aux bouleversements actuels de l’Église, nous n’avons pas, quand nous sommes laïcs, voix au chapitre en raison de notre statut. L’Église est organisée de manière hiérarchique. L’influence des laïcs n’est donc qu’indirecte. Il est important d’en être conscient. Le rôle des laïcs est de suivre le double commandement d’amour du Seigneur, d’observer ses commandements en s’efforçant de mener une vie chrétienne et, dans des cas concrets, de soutenir en particulier les bons prêtres, évêques et cardinaux.

Il est tout aussi important que tous les participants soient conscients à tout moment que l’Église n’est pas une association démocratique. Il ne peut y avoir ni majorité, ni négociation, ni compromis sur la vérité de la foi, sur la vérité de l’ordre de la création et sur la vérité de l’homme.

Selon les règles électorales en vigueur, ce sont toutefois les cardinaux qui élisent le pape. Ce sont donc, en règle générale, les cardinaux qui doivent réprimander un pape et, dans les cas extrêmes, le destituer.

C’est là que la théorie et la pratique commencent à diverger. Les cardinaux élisent le pape selon un code électoral spécifique. Si l’on se base sur ce règlement, seule une majorité qualifiée pourrait déposer un pape, éventuellement une majorité absolue en cas de difficultés et après plusieurs votes.

Dans la situation concrète, une telle approche n’a pas de sens. Le pape François a remanié le collège cardinalice de manière frénétique.

Toutefois, la limite d’âge de 80 ans ne s’applique pas à une destitution. Tous les cardinaux sont sollicités et habilités de la même manière.

Les évêques pourraient également se substituer aux cardinaux ou prononcer une destitution avec eux.

Mais que signifierait une telle révocation ?

Indépendamment de qui, parmi les hiérarques catholiques qui se trouvent dans la succession apostolique, déclarerait le pape déchu, il n’existe aucune instance qui pourrait imposer la perte de la fonction. Au-dessus du pape, il n’existe aucune instance terrestre qui pourrait juger un pape dans le cadre d’une procédure régulière.

Nous devons donc nous livrer à un jeu de l’esprit : Si la majorité du Collège des cardinaux déclarait le pape déchu, il faudrait s’attendre à ce que le droit légitime de représenter sede vacante l’Église de Jésus-Christ soit transféré au Collège des cardinaux. Celui-ci pourrait alors élire un nouveau pape.

Toutefois, François ne serait pas obligé de reconnaître ces décisions. Il pourrait persister à être le pape légitime et appeler son successeur un usurpateur. Au moins cette situation, bien que dans un contexte différent et surtout non hérétique, s’est produite il y a 600 ans. Mais dans ce cas, le pape nouvellement élu résiderait au Vatican, démontrant ainsi sa légitimité, tandis que le pape déchu devrait trouver refuge chez d’éventuels partisans. Un schisme ne pourrait toutefois pas être évité si le pape déposé ne se soumettait pas. Chaque évêque, prêtre et laïc devrait décider pour lui-même quel pape il suit.

Ce n’est que si le collège des cardinaux décidait de la déposition à la majorité et pouvait compter sur un soutien suffisant au Vatican, ce qui n’est pas assuré, qu’il serait possible d’arrêter le pape déposé et de l’assigner à résidence au Vatican afin d’éviter un schisme dans l’Église. C’est ce qui s’est passé avec Célestin V, auquel Benoît XVI a fait référence à plusieurs reprises. Il ne peut y avoir qu’un seul pape. Mais si le pape déchu parvient à quitter le Vatican, aucun État au monde ne le livrera au Saint-Siège, ce qui, s’il est encore en état, entraînera très probablement un schisme.

Toutefois, rien ne permet actuellement d’affirmer qu’une telle option puisse être mise en œuvre.

Quelle est la situation actuelle ?

Actuellement, on ne pourrait compter que sur une petite partie du collège des cardinaux qui se réunirait et constaterait une destitution, tandis que les porteurs de la pourpre bergogliens se rallieraient à François. Sans autorité au Vatican, ce groupe de cardinaux se trouverait dans une position désavantageuse, car impuissante. On pourrait l’accuser d’attenter à l’autorité pontificale et à l’unité de l’Église. François resterait très probablement en poste, continuerait à contrôler le Vatican et condamnerait la nouvelle élection d’un pape quand il s’agirait d’une usurpation. C’est le pape nouvellement élu qui, dans ce cas, devrait trouver refuge auprès de partisans, puisqu’il resterait interdit de séjour au Vatican. Il revendiquerait avec raison d’être le chef légitime de l’Eglise de Jésus-Christ, mais, aux yeux du monde, il ne serait guère plus qu’un pape en puissance et un sectaire, puisque le « vrai » pape continuerait de résider à Sainte-Marthe et de célébrer dans la basilique Saint-Pierre et les autres basiliques papales.

Pour la question de la vérité, les majorités au sein du Collège des cardinaux et de l’épiscopat mondial ou après le contrôle du Vatican peuvent ne pas avoir d’importance. Mais pour la question de savoir qui représente visiblement l’Église de Jésus-Christ aux yeux du monde, cela jouerait un rôle.

Cela explique aussi en grande partie la réticence des cardinaux. Quand François a destitué le Grand Maître de l’Ordre de Malte avec la même arrogance de pouvoir qu’il a maintenant destitué l’évêque Joseph Strickland, bafouant ainsi la souveraineté de l’Ordre, il n’y a eu aucune conséquence. Quand les quatre premiers cardinaux Dubia ont exprimé leurs doutes sur Amoris laetitia en 2016, mais que François les a simplement ignorés, il n’y a pas eu de conséquences. Quand la Correctio filialis a dénoncé les fautes du pape accumulées jusqu’alors et rectifié des aberrations doctrinales, il n’y a pas eu de conséquences pour François.

Cela montre la force du fait que la tradition ecclésiastique ne dispose d’aucun instrument ni d’aucune procédure juridique pour traiter la situation d’un pape hérétique (et non indigne). Par conséquent, toute critique du pontificat actuel se heurte à un mur. Aucun moyen de le franchir n’a été indiqué jusqu’à présent, car le seul moyen connu est d’obtenir une majorité suffisante pour pouvoir revendiquer la légitimité, non seulement en théorie mais aussi en pratique.

En clair, le pape pourrait être déclaré déchu à tout moment par des cardinaux et des évêques, si cela est bien fondé. Les conséquences concrètes d’une telle mesure sont toutefois incertaines, si le groupe en question ne veut pas subir – du moins en apparence – le sort de l’Eglise chrétienne palmarienne [église indépendante issue d’un schisme avec l’Église catholique romaine ; elle est fondée en 1978 par Clemente Domínguez y Gómez. Son siège est établi à El Palmar de Troya en Espagne, wikipedia] et être stigmatisé comme une secte par une Rome définitivement usurpée.

Enfin, il ne faut pas oublier que la question se poserait pour chaque État du monde de savoir lequel des deux camps est le représentant légitime de l’Église catholique romaine, avec laquelle de nombreux États ont contracté des obligations de droit international ou de droit public par le biais d’un concordat ou d’accords bilatéraux. Celui qui contrôle le Vatican contrôle cette prétention vis-à-vis des États. Il appartiendrait à chaque État de trancher la question en fonction de ses intérêts (politiques, géopolitiques, idéologiques, religieux, économiques). Il ne fait aucun doute que de nombreux dirigeants d’États sont plus proches d’une Église bergoglienne que de l’Église catholique romaine. Dans le cadre d’un tel schisme, la véritable Eglise de Jésus-Christ pourrait se retrouver dans la situation d’être physiquement exclue de ses propres églises.

En théorie, il est facile de constater l’existence d’un pape hérétique et de trouver le moyen de le destituer (ce qui, comme nous l’avons dit, n’est possible que s’il renonce lui-même à sa fonction). Mais dans la pratique, la même situation s’avère très difficile.

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