Grâce à Nico Spuntoni, on en apprend un peu plus sur le livre « Le Successeur » à paraître le 2 avril (cf. Et maintenant, un livre-interview …) : il s’agit comme c’était prévisible d’un ouvrage de commande de Jorge Bergoglio en réponse au livre de Georg Gänswein « Nient’altro che la verità », pomme de discorde qui a définitivement scellé la disgrâce du secrétaire de Benoît XVI (dossier ici: Disgrâce de Mgr Ganswein): tout de suite après la mort du Saint-Père, JM Bergoglio a « convoqué » un journaliste (complaisant) pour l’aider à concocter LA réponse conforme à sa volonté. En soulignant que finalement, l’acte le plus grand qu’a accompli Benoît XVI est d’avoir démissionné, ce qui est une curieuse façon de lui rendre hommage. Mais qui le croira? Car les faits démentent son interprétation.

La pique du pape à Gänswein : « Je vous parle de mon rapport avec Benoît XVI… »

Bergoglio donne sa version des années de « voisinage » avec Ratzinger dans un livre en espagnol et « tacle » l’ancien secrétaire qui avait raconté sa vérité.

Nico Spuntoni
www.ilgiornale.it
11 février 2024

El sucesor. Mis recuerdos de Benedicto XVI… François a choisi de donner sa version de la relation avec son prédécesseur allemand, disparu le dernier jour de l’année 2022. Il le fait dans un ouvrage qui sera publié en avril par l’éditeur espagnol Planeta et qui pourtant, tant dans le choix du titre que de la couverture, le place toujours au centre, lui : Jorge Mario Bergoglio.

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Curieux, en effet, le choix de se concentrer sur une photographie souriante du pontife argentin, seul, alors qu’il existe plusieurs portraits des deux derniers papes pris en près de dix ans de « voisinage » au Vatican.

La version de Gänswein

Le premier à briser le mur du silence sur les relations entre François et Benoît XVI a été le secrétaire de ce dernier, Mg Georg Gänswein, qui a publié peu après les funérailles Nient’altro che la verità. La mia vita al fianco di Benedetto XVI, écrit avec le journaliste Saverio Gaeta et dans lequel le récit sur l’existence d’une harmonie totale dans la gouvernance de l’Église entre Bergoglio et Ratzinger était définitivement réfuté. Gänswein avait raconté, par exemple, à quel point Benoît XVI avait peu apprécié Traditionis Custodes, qui abrogeait de fait la libéralisation de la « messe en latin » qu’il avait accordée en 2007 avec Summorum Pontificum.

En outre, l’archevêque allemand avait expliqué que Ratzinger avait tenté de convaincre son successeur de réadmettre Gänswein dans ses fonctions réelles de préfet de la maison pontificale après qu’il lui eut été demandé de rester chez lui et de ne plus revenir au bureau suite au scandale entourant le livre écrit sur le sacerdoce par le pape émérite avec le cardinal Robert Sarah. La demande de Benoît XVI, présentée dans une lettre datée du 13 février 2020, a été ignorée par François.

Le contenu du livre de l’ex-préfet de la maison pontificale n’a pas dû plaire au pape, qui l’a renvoyé du Vatican peu après la mort de Benoît XVI, l’invitant à retourner dans son diocèse d’origine, Fribourg, sans aucune affectation.

La thèse de la continuité réfutée

François n’apprécie manifestement pas le message selon lequel ses relations avec son prédécesseur n’ont pas été aussi idylliques que la communication officielle du Saint-Siège a souvent tenté de le prétendre.

Un cas flagrant s’est produit en 2018 avec l’altération de la lettre que le pape émérite d’alors avait écrite à Mgr Dario Edoardo Viganò, à l’époque préfet du Secrétariat pour la communication du Vatican, en réponse à une demande de ce dernier de rédiger une contribution théologique à publier dans la série La théologie du pape François éditée par Libreria Editrice Vaticana.

Lors de la présentation de la série, seule une partie de la lettre de Benoît XVI avait été rendue publique, la plus opportune. Mais dans les jours qui ont suivi, le vaticaniste Sandro Magister publia l’intégralité de la lettre et on avait découvert que non seulement Ratzinger avait décliné la demande de Viganò, faisant savoir qu’il ne lirait pas les ivres de la collection – définis, non sans ironie, comme des « petits volumes » – mais qu’il exprimait également son agacement face à la présence parmi les auteurs de Peter Hünermann qui, écrivait-il, « au cours de mon pontificat s’est mis en évidence pour avoir mené des initiatives anti-papales ». Un embarras retentissant pour le service de communication du Saint-Siège, manifestement désireux de présenter à l’opinion publique la thèse de la continuité théologique entre les deux derniers papes, et qui avait coûté son poste à Mgr Dario Viganò, laissé de toute façon dans ce dicastère dans le rôle ad hoc d’assesseur  [cf. benoit-et-moi.fr/2019/dossier-lettergate]

Le pape parle

Plus d’un an après les funérailles de Benoît XVI, qui sont restées dans l’histoire pour la très brève homélie de François, sans citation, et pour l’absence du pape dans la basilique Saint-Pierre pendant les (courts) jours d’exposition de la dépouille, la décision a été prise de publier un livre de mémoires sur l’étrange « cohabitation » qui a duré près d’une décennie et aussi sur les années précédentes.

Bergoglio en a parlé avec le vaticaniste espagnol Javier Martinez Brocal et dans les anticipations du livre qui ont filtré, il est difficile de ne pas voir une pique à Mgr Gänswein, l’homme qui avant lui avait parlé – en mal – de cette relation. « Benoît et moi avons eu une relation très profonde, je veux qu’elle soit connue et je veux qu’elle soit connue sans intermédiaire », affirme François.

Gänswein était l’intermédiaire par antonomase entre les deux papes, et justement sur ordre de Benoît XVI : c’est lui, en effet, qui l’a nommé préfet de la maison pontificale une fois qu’il avait pris la décision de démissionner précisément avec l’espoir, comme on peut le lire dans Nient’altro che la verità. La mia vita al fianco di Benedetto XVI que dans ce rôle et en conservant celui de secrétaire particulier de l’émérite, il aurait pu être « un lien entre lui et son successeur ».

Un espoir vain car Gänswein a révélé que « déjà après quelques mois, j’ai eu l’impression qu’un climat de confiance approprié ne pouvait pas être créé entre moi et le nouveau pontife ».

« Son » Benoît

Dès la publication des premières anticipations des mémoires de François, l’idée se confirme que l’exemple positif de Benoît XVI est en substance lié à la décision de renoncement. Dans le passé aussi, à part quelques références à la lutte contre les abus et à l’effort de transparence en matière financière, on ne trouve pas d’éloges sur des aspects spécifiques du pontificat de Ratzinger de la part de son successeur. Le jugement positif, par contre, porte principalement sur le renoncement.

Toujours dans ce dernier livre, François déclare :

« C’est un homme qui a eu le courage de démissionner et qui, depuis lors, a continué à accompagner l’Église et son successeur ».

Une affirmation véridique car Benoît XVI, même dans la retraite du monastère Mater Ecclesiae, n’a jamais dérogé à sa promesse de révérence et d’obéissance inébranlables à son successeur faite lors de son salut d’adieu au collège des cardinaux le 28 février 2013.

Bergoglio confie à Martinez Brocal :

« Nous avons parlé de tout, très librement. Lorsque je lui présentais une difficulté, il me répondait : ‘Eh bien, il faut aussi tenir compte de cet élément et de cet autre’. Il élargissait toujours la perspective ».

Parlant toujours de Benoît XVI, le pape argentin a ajouté :

« Il ne disait jamais : ‘Je ne suis pas d’accord’. Je me souviens qu’il disait plutôt : ‘C’est bien. Mais nous devrions aussi considérer cet autre élément…’. Il élargissait la perspective, il l’élargissait toujours ».

Pourtant, les occasions de désaccord n’ont pas manqué, comme en témoignent Gänswein mais aussi le biographe historique de Ratzinger, le journaliste Peter Seewald, qui, dans une interview accordée à la Nuova Bussola Quotidiana, a accusé François d’avoir « voulu annuler l’héritage de Benoît XVI » (cf. Une (magnifique) interview de Peter Seewald).

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