Dans la biographie de complaisance « El Sucesor » dont un site espagnol publie une anticipation des bonnes pages, il revisite à sa convenance les les étapes du conclave qui a porté Benoît XVI sur le siège de Pierre, se donnant le rôle flatteur de « faiseur de pape ». Contredisant des révélations qu’il avait faites il y a quelques années sur ce sujet (MAIS BENOÎT XVI ETAIT ALORS ENCORE EN VIE, cela change tout!). Une autre question se pose: en admettant qu’il dise la vérité, ce dont on peut légitimement douter, a-t-il le droit de rompre un serment sacré, celui du secret absolu sur le déroulement d’un conclave? Oui, répond-il, car il est le Pape!! (*).

(*) François ne doute de rien. On se souvient peut-être qu’après la mort de Benoît XVI et la parution urticante (pour lui!) des mémoires de Georg Gänswein, « Nient’altro che la verità », il avait menacé le secrétaire du défunt pape de poursuites canoniques pour avoir, justement, révélé des secrets du conclave (sur la mafia de St Gall, une histoire connue de tous et révélée bien avant par l’un des protagonistes, Danneels himself!): malheureusement pour lui, Gänswein n’était pas pape.

Voir sur ce thème:

« C’est moi qui l’ai fait élire » : révélation de Bergoglio sur Ratzinger.

Dans un livre-interview, François révèle des détails sur le conclave de 2005. Mais les nouveaux souvenirs contredisent ses précédentes déclarations

Nico Spuntoni
31 mars 2024
www.ilgiornale.it

François continue de révéler des détails sur le conclave. Il l’a fait dans un nouveau livre-entretien intitulé « Papa Francisco. El sucesor » écrit avec le journaliste Javier Martinez-Brocal et dont une anticipation a été publiée dans le quotidien ABC.

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Le nouveau livre est dédié à Benoît XVI mais affiche une photographie de François sur la couverture. Le conclave dont le souverain pontife parle ouvertement dans l’interview n’est toutefois pas celui de 2013. Ses révélations, en fait, sont liées à l’élection de Benoît XVI en 2005, quand son nom était le deuxième le plus voté, comme cela a été divulgué à plusieurs reprises et comme le confirme aussi implicitement l’intéressé dans cette énième sortie publique.

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La version de Bergoglio

Nous savons qu’en 2005, Joseph Ratzinger a été élu après quatre tours de scrutin. Selon diverses reconstitutions, l’Argentin Bergoglio aurait obtenu jusqu’à 40 préférences au troisième tour de scrutin, contre plus de 70 pour l’Allemand. Dans une interview accordée il y a quelques années à « La Voz del Pueblo », François avait abordé le même sujet en déclarant qu’

« en interne, il était clair que Benoît devait être élu et qu’il y avait une quasi-unanimité pour cela, et j’en étais heureux. Sa candidature était claire, derrière lui il n’y avait pas de candidat. Il y avait plusieurs candidats, mais pas de candidats forts ».

Dans le nouveau livre-interview, cependant, le pape dément cette version antérieure et se présente comme l’homme qui a débloqué le jeu du conclave en permettant à Ratzinger d’être élu par un prétendu pas en arrière.

François confirme avoir recueilli 40 voix, précisant qu’

« elles étaient suffisantes pour retenir la candidature du cardinal Joseph Ratzinger car s’ils avaient continué à voter pour moi, il n’aurait pas pu atteindre les deux tiers nécessaires pour être élu pape ».

Contredisant donc la thèse de la quasi-unanimité sur le doyen du collège de l’époque et l’absence d’autres candidatures, Bergoglio affirme :

« Ce n’était pas l’idée de ceux qui étaient derrière les votes. La manœuvre consistait à mettre mon nom en avant, à bloquer l’élection de Ratzinger et à négocier ensuite un autre troisième candidat. Ils m’ont dit, longtemps après, qu’ils ne voulaient pas d’un pape « étranger » « .

Une version doublement opposée à la précédente puisque le pontife argentin a affirmé qu’

« ils m’utilisaient, mais derrière, ils pensaient déjà à proposer un autre cardinal. Ils n’étaient pas d’accord sur qui ce serait, mais ils allaient lancer un nom ».

Ainsi, parmi les cardinaux qui n’auraient pas voulu du préfet historique de l’ancien Saint-Office, il y avait non seulement une candidature construite – celle de Bergoglio – mais même une autre vraie candidature pour sortir de l’impasse.

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La solution ?

En donnant à Martinez-Brocal sa reconstitution du Conclave d’il y a dix-neuf ans, François s’est présenté comme le faiseur de pape. Après le troisième tour de scrutin, en effet, le cardinal argentin d’alors aurait dit à son confrère colombien Darío Castrillón Hoyos de ne pas

« plaisanter avec ma candidature, parce que maintenant je vais dire que je ne l’accepte pas, hein ? Laissez-moi tranquille. Et c’est ainsi que Benoît a été élu ».

Il reste à comprendre pourquoi le cardinal Castrillón Hoyos, opposant notoire à la théologie de la libération et plus tard principal collaborateur de Benoît XVI dans le dialogue avec la Fraternité Saint-Pie X, aurait dû faire partie d’une faction visant à bloquer l’élection de Ratzinger.

Il faut d’ailleurs préciser que selon les notes du journal d’un cardinal anonyme publiées dans ‘Limes’ par le vaticaniste Lucio Brunelli, il n’y a pas eu de pas en arrière après qu’il soit apparu clairement au troisième tour de scrutin que le bloc des partisans de Bergoglio aurait pu empêcher l’élection du favori Ratzinger. Au quatrième tour de scrutin, en effet, le nom de l’Argentin a chuté en termes de soutien à 26, tandis que celui de l’Allemand est monté à 84. Par conséquent, si ces données étaient vraies, elles sembleraient plus compatibles avec une candidature qui s’est dégonflée.

Quoi qu’il en soit, selon ce que François a déclaré dans le livre-interview, à son avis,

« Ratzinger était le seul qui pouvait être pape à ce moment-là parce qu’après la révolution de Jean-Paul II, qui avait été un pontife dynamique, très actif, avec des initiatives, des voyages… il fallait un pape qui maintienne un équilibre sain, un pape de transition. Ce n’était pas le moment pour moi, d’être élu sur le trône pontifical : S’ils avaient élu quelqu’un comme moi, quelqu’un qui fait beaucoup de bruit, il n’aurait rien pu faire. À ce moment-là, cela n’aurait pas été possible. Je suis sorti satisfait ».

La figure de Martini et le serment

Les révélations de Bergoglio confirment que Carlo Maria Martini n’était pas le candidat le plus voté par les progressistes lors du conclave de 2005, malgré le fait qu’il était probablement le cardinal le plus connu et le plus autorisé de ce camp. Le rôle de Martini dans l’élection de Ratzinger a été très discuté ces dernières années et différentes reconstitutions ont circulé. Silvano Fausti, un jésuite décédé il y a quelques années et compagnon spirituel de l’ancien archevêque de Milan, avait affirmé que Martini était allé voir Ratzinger pendant le conclave et lui avait dit :

« Accepte demain de devenir pape avec mes voix… accepte toi, qui es à la Curie depuis trente ans et qui es intelligent et honnête : si tu réussis à réformer la Curie, tant mieux, sinon, pars ».

De nombreuses versions, cependant, redimensionnent le consensus recueilli par Martini lors de ce conclave. Il se trouve qu’une source autorisée comme Andrea Riccardi a rapporté le contenu d’une conversation privée dans laquelle le cardinal bibliste aurait confié sa froideur face à la perspective de voir son confrère jésuite Bergoglio en blanc.

Bien que la constitution apostolique Universi Dominici Gregis empêche les cardinaux électeurs de « révéler à toute autre personne les nouvelles qui concernent directement ou indirectement le vote, ainsi que ce qui a été discuté ou décidé au sujet de l’élection du pontife dans les réunions des cardinaux, aussi bien avant que pendant le temps de l’élection », François continue de révéler dans la presse des détails sur les deux derniers conclaves, ceux auxquels il a assisté.

Peut-il le faire ? Oui, et c’est Bergoglio lui-même qui explique pourquoi à Javier Martinez-Brocal : « Les cardinaux jurent de ne pas révéler ce qui se passe au Conclave, mais les papes ont une licence pour en parler« , lit-on dans l’anticipation.

C’est effectivement le cas car le pape est legibus solutus.

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