Le 8 juin, cela a fait tout juste un mois que le cardinal Prevost est devenu Léon XIV. Les médias adorent les « anniversaires », fussent-ils mensuels, et c’est pour eux l’occasion de titres comme « Un mois comme Pape », annonçant un premier « bilan » (bien prématuré, quand même, en l’absence de toute décision, mais il faut le prendre comme un « instantané »)
Le commentaire de Franca Giansoldati (Il Messagero) revient sur les premiers « signaux » envoyés par le nouveau pape, relevant les éléments de continuité et éventuellement ceux de rupture et illustrant comment « Léon XIV, avec son propre style de gouvernement calme et réfléchi, esquisse une ligne médiane saine ». Mais sa prudence, qui le fait se tenir à une distance sage des deux camps, ne le protégera pas du dur contact avec la réalité. Au premier rang, le rôle des femmes. Et surtout le Chemin Synodal allemand, avec la démission, avant-hier, d’un évêque qui s’oppose au cours suivi par la majorité de l’épiscopat de son pays. Le Pape va devoir agir, et ce sera pour lui un premier test décisif.
Premiers écarts par rapport à Bergoglio
Franca Giansoldati (Il Messagero)
ilnuovosismografo.blogspot.com
8 juin 2025
La musique a changé. Au-delà des tifoserie [ndt: « fans », admirateurs. Les tifosi, dans le vocabulaire du sport, particulièrement du football et du cyclisme, sont les supporters d’une équipe ou d’un champion] existants qui restent le miroir évident d’une image générale fortement polarisée – un héritage difficile du pontificat de Bergoglio – Léon XIV, avec son propre style de gouvernement calme et réfléchi, esquisse une ligne médiane saine.
Jusqu’à présent, il a montré qu’il avait des idées très claires, ainsi que les priorités à traiter, y compris la restauration et le respect des règles existantes. Bien que certains le tirent à droite et d’autres à gauche, que certains voient en lui un continuateur congénital de la ligne réformatrice tracée par François et d’autres, au contraire, pensent qu’il imposera un virage sain à l’Église, la ramenant sur une voie plus traditionnelle, au cours de ces trente premiers jours de gouvernement, la boussole de Prevost n’a jamais dévié du Code, du Magistère, de la tradition et du Concile Vatican II.
Pour l’avenir, il sera donc difficile d’imaginer une voie différente, marquée par des déchirures musclés de la doctrine ou d’autres nouveautés de circonstance. Il y aura une certaine continuité avec François sur certains sujets (par exemple le climat, les pauvres, les migrations, l’universalité) mais pas sur les symboles. C’est d’ailleurs ce qui avait été demandé au nouveau pape lors du conclave par les cardinaux électeurs, qui lui avaient fait part de l’urgence de restaurer l’unité au sein du Vatican et même la sérénité.
Bien sûr, il ne s’agit pas seulement des vêtements liturgiques portés, comme la décision de reprendre le port de la mozette rouge et du pantalon blanc sous la soutane. Ou encore le désir de retourner vivre dans le Palais apostolique, de passer ses vacances à Castelgandolfo (cette fois à la Villa Barberini), d’utiliser des voitures plus imposantes et de redonner un rôle central à la Secrétairerie d’État, l’organe curial vidé et malmené par Bergoglio au travers d’une réforme pleine d’anomalies juridiques.
« Le pape a besoin de vous », a dit Prevost, il y a quelques jours aux fonctionnaires de la première section de la Secrétairerie d’Etat [ndt: « Affaires générales », cf. wikipedia] et de la seconde [« Relations avec les états », équivalent du ministère des affaires étrangères], accompagnés du cardinal Parolin et du substitut Pena Parra [cf. Les papes passent, la curie reste].
Des paroles plus qu’emblématiques.
Léon XIV, dans le même temps, a remis en ordre l’Institut de la Famille Jean-Paul II, rétabli la procession du Corpus Christi (supprimée par François), relancé la clôture du mois marial dans la grotte de Lourdes au sommet de la colline du Vatican.
Et encore : il a immédiatement donné audience à deux entités ecclésiales particulièrement maltraitées, l’Opus Dei et les Néocatéchuménaux.
Enfin, il a lancé une grande opération de raccommodage avec les Etats-Unis et répété au monde que l’avenir de l’humanité ne passe que par la protection de la famille fondée par un homme et une femme (« nous avons besoin d’alliances conjugales »).
Les appels à la défense de la vie humaine, de sa conception à sa fin naturelle n’ont pas manqué non plus. En pratique, ces valeurs non négociables qui, sous le pape François, avaient souvent été reléguées au second plan.
Le jubilé des mouvements
Hier, lors du Jubilé des mouvements, Léon XIV a répété que les différentes entités ecclésiales nées de l’élan du Concile sont fondamentales pour donner l’idée d’une Église multiforme et unie. « Nous sommes un peuple en mouvement dans un monde déchiré et sans paix ».
Un passage de son discours a concerné tout ce qui pollue les relations humaines « comme les malentendus, les préjugés, les instrumentalisations ». « Mais je pense aussi – avec beaucoup de douleur – au cas où une relation est infestée par le désir de dominer l’autre, une attitude qui aboutit souvent à la violence, comme le démontrent malheureusement les nombreux et récents cas de féminicides [!] », a-t-il ajouté.
En ce qui concerne les femmes, le nouveau pape a offert, au cours de ces trente jours, un signal significatif qui suggère qu’il veut continuer à nommer des figures féminines au sommet de la curie : sa première nomination a été celle d’une sous-secrétaire canoniste au Dicastère des religieux. Cependant, il lui est très difficile d’accepter la très forte poussée venant d’Allemagne, où le vent réformateur souffle fort avec des demandes explicites pour le sacerdoce féminin. Un test pour Prevost sera de parvenir à maintenir la cohésion entre les forces réformatrices et le Magistère, qui est très clair sur la question : pas d’ordination, même si elles peuvent aspirer à des rôles gouvernementaux quand l’ordre sacré n’est pas impliqué.
Entre-temps, un premier contentieux a déjà émergé.
Prevost a dû accepter la démission de l’évêque allemand Hanke, qui s’en va [il a démissionné de sa charge d’évêque le 8 juin, ndt] parce que lui et trois autres collègues (Oster, Voderholzer, Woelki) se sont retirés du Synodaler Weg en signe de protestation, estimant que la synodalité serait réduite à un mécanisme de prise de décision de type parlementaire [voir fsspx.news].
Un nouveau test pour Léon XIV en attendant de voir comment il va gérer le casse-tête allemand.