Le dernier rescrit du Pape, signé le 13 février mais publié hier et mettant fin aux « privilèges » des employés au sens large du Vatican en matière de logement (cf, Un nouveau rescrit du Pape dictateur) s’ajoute à celui du 20 février, « Diritto nativo », établissant qu’il n’y a pas de propriété privée au Vatican, et que tout appartient au Saint-Siège, c’est-à-dire au Pape. Une nouvelle illustration de la concentration des pouvoirs (ici temporels) entre les mains d’un seul homme, qui invite à réfléchir au sacro-saint principe de subsidiarité, et qui contraste avec l’attitude du Pape pour ce qui concerne la nature plus profonde de l’Eglise, lorsqu’il tolère les écarts et même délègue la Doctrine aux « périphéries », comme dans le cas du Chemin synodal allemand. Réflexion de Stefano Fontana.

Ce qui est surprenant, c’est le contraste de ces dispositions avec ce qui se passe dans le domaine doctrinal de la foi et des mœurs, où le processus synodal semble plutôt retirer des compétences au centre pour les accorder à la périphérie, au point de remettre en question la nature même de l’Église et la hiérarchie de ses rôles.

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Le pape ne semble pas vouloir respecter le principe de subsidiarité dans certaines sphères organisationnelles et économiques, alors qu’il semble vouloir l’appliquer dans des domaines plus liés à la nature profonde de l’Église. On peut se demander : mais ne devrait-on pas aller dans le sens inverse ?

Maisons et propriétés, le pape « je-me-mêle-de-tout » (pigliatutto) : la doctrine à l’envers

Stefano Fontana
https://lanuovabq.it/it/case-e-proprieta-papa-pigliatutto-dottrina-rovesciata
2 mars 2023

Avec deux documents en quelques jours, le pape François centralise en lui tous les biens du Vatican et exige des cardinaux un loyer. Dans le même temps, en matière doctrinale et morale, il pousse à la  » déconcentration « . Exactement le contraire de ce que le Magistère a toujours exigé : la subsidiarité doit être appliquée à la société et à la politique, mais pas à l’Église.

Deux récentes mesures de François invitent à réfléchir sur un principe cher à la Doctrine sociale de l’Eglise, celui de la subsidiarité, et sur la manière dont il est compris dans l’administration vaticane par rapport à son contraire, à savoir la centralisation.

Le 20 février dernier, par le motu proprio « Droit originaire » [diritto nativo], François établissait que les propriétés des entités et des institutions relevant du Saint-Siège ne doivent pas être comprises comme la propriété privée de ces dernières, et gérées comme telles, mais comme la propriété du Saint-Siège. La raison est indiquée dans la supériorité du principe de la destination universelle des biens sur celui de la propriété privée, comme l’atteste la Doctrine sociale de l’Église. Alors que la propriété entre les mains des différentes entités ecclésiastiques du Saint-Siège serait fondée sur la primauté de la propriété privée, sa concentration entre les mains du Saint-Siège garantirait la primauté de la destination universelle des biens.

Ces derniers jours, en outre, a été rendu public un nouveau rescrit du pape, qu’il a signé le 13 février lors d’une audience accordée au secrétaire à l’économie, Caballero Ledo, et dans lequel il est établi que les appartements du Vatican seront concédés aux cardinaux par les entités propriétaires contre paiement d’un loyer aux conditions du marché, c’est-à-dire aux « mêmes prix applicables à ceux qui n’ont pas d’office au Saint-Siège », les éventuelles exceptions devant être décidées par le pape lui-même.

Ces mesures s’ajoutent à deux autres qui, bien que provenant de domaines différents, semblent confirmer la tendance « centralisatrice » actuelle du pape : la réduction de la compétence des évêques pour autoriser la messe en rite ancien et la nouvelle configuration organisationnelle du diocèse de Rome.

Ce qui est surprenant, c’est le contraste de ces dispositions avec ce qui se passe dans le domaine doctrinal de la foi et des mœurs, où le processus synodal semble plutôt retirer des compétences au centre pour les accorder à la périphérie, au point de remettre en question la nature même de l’Église et la hiérarchie de ses rôles.

Pour en revenir au principe de subsidiarité : le pape ne semble pas vouloir le respecter dans certaines sphères organisationnelles et économiques, alors qu’il semble vouloir l’appliquer dans des domaines plus liés à la nature profonde de l’Église. On peut se demander : mais ne devrait-on pas aller dans le sens inverse ?

Dans le passé, d’éminents canonistes ont clairement indiqué que le principe de subsidiarité, que l’Église applique à la société et à la politique depuis le paragraphe 80 de Quadragesimo anno (1931) [encyclique de Pie XI quarante ans après Rerum Novarum, la grande encyclique sociale de Léon XIII], n’est pas applicable à l’Église elle-même, comprise dans son mystère et dans sa réalité profonde, instituée par le Christ et animée par l’Esprit. L’Église universelle a la primauté sur les diverses articulations de l’Église locale et des chrétiens individuels. Alors que, dans la société civile, la famille et les corps intermédiaires sociaux et territoriaux viennent en premier, puis vient le pouvoir politique central, dans l’Église, c’est l’inverse qui se produit : ce ne sont pas les chrétiens qui font l’Église, mais c’est l’Église qui fait les chrétiens. Ce ne sont pas les sarments qui font la vigne, en se rejoignant, mais c’est la vigne qui fait les sarments. Ce n’est pas nous qui avons choisi le Christ, mais c’est le Christ qui nous a choisis.

À l’opposé de cette vision, et par déférence pour un principe de subsidiarité peut-être mal compris, on envisage aujourd’hui de déléguer des compétences de l’Église universelle et du Souverain Pontife à des synodes continentaux, nationaux ou diocésains, de confier des tâches de définition doctrinale à des conférences épiscopales et, à l’avenir, d’associer à l’évêque un synode permanent composé de prêtres et de laïcs ayant des tâches de décision. Au nom du principe de subsidiarité, on voudrait faire passer la structure de l’Église de « monarchique » à « démocratique ».

En même temps, le principe de subsidiarité n’est pas appliqué dans la gestion ordinaire, administrative et économique, où il pourrait l’être, puisque le Vatican a aussi ses propres nécessités. Dans ces domaines, la Doctrine sociale de l’Eglise n’a jamais vu d’un bon œil la centralisation. Les dernières décisions prises par François à cet égard peuvent avoir des raisons que nous ignorons. Par exemple, elles peuvent être dues à la nécessité de faire face à une situation économique ou financière difficile, même si elles ne semblent pas décisives à cet égard : comment les revenus provenant de la location d’appartements aux cardinaux peuvent-ils contribuer à cette finalité disproportionnée ?

C’est un fait qu’il est pour le moins exagéré d’entendre la propriété privée entre les mains des entités ecclésiastiques dépendant du Saint-Siège comme subsidiaire par rapport à la destination universelle des biens, laquelle serait garantie uniquement par la propriété des biens entre les mains du Saint-Siège.

Les deux principes de propriété et de destination universelle sont sur le même plan et il n’est pas correct de considérer le premier comme subordonné au second. Je sais bien que certains passages des encycliques sociales peuvent être lus de cette façon, mais d’autres complètent le tableau, en affirmant que Dieu a donné les biens à tous pour qu’ils soient travaillés et non pas simplement utilisés de façon immodérée. Et le travail rappelle la propriété, sans laquelle aucun bien n’est une ressource.

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