Dans l’avion qui le ramenait d’Ukraine, le Pape a répondu comme d’habitude aux questions des journalistes, et il a annoncé que le Saint-Siège était engagé dans une mission de paix pour arrêter la guerre en Ukraine. « Mais je ne peux pas vous en dire plus pour l’instant ». Effectivement. La presse unanime a relancé la nouvelle, mais le plan papal était tellement secret qu’aucune des parties concernées, y compris la diplomatie vaticane, n’était au courant (et franchement, je le regrette, car si la nouvelle avait été vraie, ç’aurait été une « bonne » nouvelle de Rome, pour une fois). C’est cette dernière qui va maintenant gérer les dégâts de l’incontinence verbale papale (sans parler du ridicule). Beaucoup d’articles ont traité le sujet (en particulier Luis Badilla), je laisse à Specola le soin de la synthèse.

Le plan secret de paix que personne ne connaît


Specola

Un nouveau cafouillage pontifical se prépare déjà, fruit, comme tous les autres, de l’incontinence verbale du souverain pontife dans ses émanations en altitude, calculées pour pouvoir offenser et mettre en difficulté plus de monde avec moins de mots.

L’actualité d’aujourd’hui a beaucoup à voir avec celle d’hier, avec de nombreux titres sur le « plan secret » du pape François pour la paix. Aujourd’hui, notre intuition d’hier est pleinement confirmée par les deux parties en conflit, d’abord les Ukrainiens, puis les Russes, et toutes les autres composantes de cette histoire. Demain, nous aurons sûrement des articles de fond sur ce qui se passe et nous verrons comment la diplomatie pontificale décriée tente de se sortir du guêpier que le pape François a mis en place et dont elle ne savait sûrement, bien plus que sûrement, rien.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, dès les premiers instants, le pape François a exprimé urbi et orbi son désir de jouer un rôle de médiateur dans la situation. Pendant tout ce temps, nous avons oscillé entre l’ombre et la lumière, entre des moments où il semblait que quelque chose pouvait être fait et des moments où le pape François lui-même, dans ses interviews continuelles, a irrité les deux parties.

Ce que nous voyons aujourd’hui dépasse tout ce qui précède. La situation est trop délicate et cause trop de morts et de souffrances pour être prise à la légère. Le plan dévoilé par le Pape François n’existe pas, soyons bons et pensons que le plan est… d’inventer le plan secret pour susciter l’adhésion des parties. L’âge et la mémoire jouent des tours et il s’agit peut-être d’un lapsus dû aux limites pontificales, pour l’instant, le Vatican reste officiellement silencieux, espérons qu’il ne sera pas expulsé d’Ukraine. Sainteté, mieux vaut parler du Petit Chaperon Rouge que de faire un tel gâchis !

Dimanche, sur le chemin du retour de Budapest à Rome, lors de la rencontre avec les journalistes dans l’avion, Eliana Ruggiero, journaliste de l’agence AGI, a demandé au Pape si le premier ministre Orbán et le métropolite Hilarion étaient en mesure « d’accélérer le processus de paix en Ukraine et de rendre possible une rencontre entre Poutine et le Pape lui-même ». En bref, a ajouté la journaliste, ces deux-là peuvent-ils « servir d’intermédiaires » ?

Réponse du Pape François :

« Vous pouvez imaginer que dans cette rencontre, nous n’avons pas parlé que du Petit Chaperon Rouge, nous avons parlé de toutes ces choses. Nous en avons parlé parce que tout le monde est intéressé par le chemin de la paix. Je suis prêt, je suis prêt, à faire tout ce qu’il faut. Même maintenant, il y a une mission en cours, mais elle n’est pas encore publique, on verra… Quand elle sera publique, j’en parlerai. »

Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, affirme que Moscou n’est pas au courant des travaux de la mission de paix du Vatican :

« Non, nous ne savons rien ».

De l’autre côté, les Ukrainiens :

« Nous ne sommes pas au courant d’une quelconque médiation du Vatican… Le président Zelensky n’a donné aucun accord à une telle discussion au nom de l’Ukraine : si des pourparlers sont en cours, ils se déroulent à notre insu et sans notre bénédiction. »

Un autre que le pape François a mis en difficulté est Hilarion :

« Des sous-entendus sont apparus dans la presse selon lesquels j’aurais rencontré le pape François pour lui donner des informations afin de parvenir à des accords secrets ou à d’autres fins politiques. Je réponds à ceux que cela intéresse : il n’a été question que des relations bilatérales entre l’Église catholique romaine et l’Église orthodoxe russe. Aucune question politique n’a été abordée. La rencontre était de nature personnelle entre deux vieux amis ».

Le Vatican semble confirmer officieusement que c’est bien le cas :

« Correspondant exactement à ce qui s’est passé, il n’y a rien eu de la part du Saint-Siège d’autre qu’une accolade de courtoisie entre des personnes qui se connaissent et travaillent ensemble depuis plusieurs années ».

De plus, le simple soupçon qu’Hilarion aurait été trop disponible pour les hypothétiques demandes de François pourrait être mortel pour le métropolite.

A prendre également leurs distances, il y a le Premier ministre Viktor Orbán et la présidente Katalin Novák :

« Aucun plan de paix pour l’Ukraine n’a été discuté entre le Premier ministre hongrois et le pontife ».

« Il n’y avait aucune intention de remplacer ou d’entraver ce qui se passe dans les canaux diplomatiques du monde entier. Kiev et Moscou savent tous deux que la table des négociations pourrait être mise en place assez rapidement, mais pour l’instant, malheureusement, il est prioritaire pour l’engagement militaire des deux parties de s’asseoir et de discuter à partir de positions fortes et claires sur le terrain. La question politique sous-jacente est maintenant de savoir ce que Pékin demandera aux Russes et ce que Moscou acceptera. Il en va de même pour l’Ukraine »

Share This