Luc Terlinden, né en 1968, est emblématique de cette « génération Bergoglio », des hommes jeunes (ce n’est pas un défaut, évidemment), au profil plutôt « pastoral », nommés dans des sièges clé (après Buenos Aires et Madrid), dont l’âge assure qu’ils resteront en place suffisamment longtemps pour rendre pérenne le modèle d’Eglise souhaité par François. Il se trouve d’un seul coup catapulté à la tête du plus important diocèse belge (potentiellement cardinalice, mais avec François, on ne sait jamais), nommé archevêque dans la foulée (en bon courtisan, il a choisi pour devise Fratelli tutti). Une belle carrière, donc (rappelons que François passe son temps à dénoncer le carriérisme dans l’Eglise). Giuseppe Nardi dresse un état des lieux de l’Eglise en Belgique, après le calamiteux de Kesel.

Le nouvel archevêque de Bruxelles et le modèle de nomination dans les évêchés clé
.

BUENOS AIRES, MADRID, BRUXELLES : FRANÇOIS PRÉPARE L’AVENIR

Giuseppe Nardi
katholisches.info

Msgr. Luc Terlinden wurde gestern von Papst Franziskus zum neuen Erzbischof von Mecheln-Brüssel und Primas von Belgien ernannt.

Mgr Luc Terlinden, le (très photogénique) nouvel archevêque de Malines-Bruxelles et primat de Belgique.
Il est issu d’une grande famille de la noblesse belge

(Rome) Le pape François a nommé un nouvel archevêque de Malines-Bruxelles. Il s’agit déjà du deuxième primat de Belgique que François installe dans sa fonction. Cette nomination révèle une tendance.

….

Avec Buenos Aires, Madrid et maintenant Malines-Bruxelles, François a nommé en peu de temps les évêchés clés de trois Etats dont les pasteurs resteront probablement au moins 20 ans en fonction en raison de leur âge.

Le bureau de presse du Vatican a annoncé hier que la démission du cardinal Jozef De Kesel de son poste d’archevêque de Malines-Bruxelles et de primat de Belgique avait été acceptée par François. La nouvelle nomination a été annoncée en même temps :

« Le Saint-Père a nommé le révérend Luc Terlinden, du clergé du même archidiocèse, jusqu’ici vicaire général, archevêque de Malines-Bruxelles ».

En guise de curriculum vitae, le Saint-Siège a publié ce qui suit :

« Mgr Luc Terlinden est né le 17 octobre 1968 à Etterbeek (Bruxelles). Après des études d’économie et d’ingénierie industrielle, il a effectué son service militaire, a eu une brève expérience professionnelle en tant que professeur de lycée et, après son entrée au séminaire du diocèse de Malines-Bruxelles, a obtenu une licence en philosophie à l’UCLouvain et une licence en théologie au Centre d’études théologiques et pastorales (CETEP).

.

Il a été ordonné prêtre le 18 septembre 1999 pour l’archidiocèse de Malines-Bruxelles et a ensuite suivi des études de théologie morale à l’Académie pontificale Alfonsiana à Roe.

.

Il a exercé les fonctions suivantes : Vicaire de Saint-François d’Assise à Louvain-la-Neuve et fondateur de l’Oratoire à l’italienne (depuis 2003) ; directeur du service diocésain des vocations (2005-2014) ; curé de Sainte-Croix à Ixelles (depuis 2010), directeur de l’aumônerie et fondateur de Pôle Jeunes XL (depuis 2013) ; Régent du séminaire archiépiscopal, membre du conseil épiscopal et chanoine titulaire de la cathédrale Saint-Rombaut de Malines (depuis 2017) ; professeur de théologie morale au grand séminaire francophone de Namur ; jusqu’à présent vicaire général de l’archidiocèse, modérateur du conseil épiscopal et directeur du vicariat à la formation francophone. « 

Le curriculum vitae du Vatican ne mentionne pas que le nouvel archevêque appartient à la famille Terlinden, anoblie en 1676 dans les Pays-Bas habsbourgeois. Cette noblesse a été reconnue par la royauté belge après 1830. La famille a donné à l’État belge de nombreux magistrats, dont un procureur général à la Cour suprême, et des officiers de haut rang. Le grand-père du nouvel archevêque était lieutenant-général, son oncle major-général. Le père de Mgr Luc Terlinden était colonel. Un arrière-grand-oncle était député, un autre sénateur. Son grand-oncle Charles-Alexis Terlinden, professeur d’histoire à l’Université catholique de Louvain, était membre de l’Ordre de la Toison d’or, l’ordre le plus élevé en grade qui soit, décerné par le chef de la maison des Habsbourg.

Le nouvel archevêque de Malines-Bruxelles a immédiatement exprimé son attachement au pape François en choisissant comme devise pour ses armoiries « Fratelli tutti », d’après l’encyclique du même nom de 2020.


Cathobel, le site Internet officiel de l’Eglise en Belgique wallonne, a publié cette image montrant le cardinal De Kesel avec son successeur Luc Terlinden – et, opportunément, une photo du pape François en arrière-plan.

Le cap fixé par le pape François dans l’archidiocèse de Malines-Bruxelles

L’archidiocèse de Malines-Bruxelles s’est retrouvé dans le collimateur de François peu après son élection, car l’un des quatre membres de la Team Bergoglio qui avait préparé et forcé son élection lors du conclave de 2013 était le cardinal Godfried Danneels, ex-archevêque de Malines-Bruxelles. Pour succéder à Danneels, Benoît XVI n’avait pas nommé en 2010 le candidat de son choix, Mgr De Kesel (alors évêque de Bruges), mais l’évêque de Namur de l’époque, Mgr André-Joseph Léonard, qui faisait figure d’exception isolée dans l’épiscopat progressiste belge. Cette intervention n’a jamais été pardonnée à Benoît XVI.

Mgr Léonard a immédiatement été la cible des attaques les plus virulentes, entre autres à plusieurs reprises par le groupe politique mercenaire ukrainien des Femen. Alors que Benoît XVI avait maintenu Danneels, devenu métropolite, dans ses fonctions jusqu’à l’âge de 77 ans, François a émis un avis d’éméritat à l’encontre de l’ « intrus » Léonard, méprisé dans les milieux progressistes, dès qu’il a eu 75 ans. Il a également refusé à Léonard la dignité de cardinal, qu’il a attribuée à un ami de Danneels, le nonce apostolique en Belgique Karl-Josef Rauber, qui s’était opposé à la nomination de Léonard par Benoît XVI, en accord avec Danneels.

Pouvait-on être encore plus démonstratif ? Absolument. En 2015, François a nommé De Kesel comme successeur de Léonard à l’archevêché de Malines-Bruxelles, l’homme qui était déjà le candidat préféré de Danneel en 2010. Le mandat de Mgr Léonard devait être stigmatisé aux yeux de tous comme un intermède conservateur de courte durée et indésirable.

Le bilan de De Kesel

Mgr de Kesel a répondu aux attentes placées en lui. En 2019, en tant que président de la Conférence épiscopale belge, il a présenté une étude de 400 pages sur les abus, qui faisait semblant d’être l’arbre qui cache la forêt : Le problème principal des abus sexuels commis par des membres du clergé, la pédophilie homosexuelle, n’a pas été mentionné. De manière générale, l’archevêque, comme d’autres évêques belges, s’est montré aveugle à l’infiltration homosexuelle dans l’Eglise. Rien d’étonnant à cela, puisque Mgr De Kesel, que François a immédiatement paré de la dignité de cardinal – contrairement à Mgr Léonard -, a demandé à plusieurs reprises la reconnaissance de l’homosexualité en tant que défenseur de l’hérésie homosexuelle.

En 2018, De Kesel a autorisé l’appel du muezzin dans sa cathédrale pour la prière islamique.

En 2017, lorsque de jeunes priants ont manifesté leur opposition à la « commémoration de la Réforme » dans la cathédrale, De Kesel les a fait évacuer par la police.

En 2017, il a conduit les évêques belges sur la nouvelle voie tracée par le pape François avec le texte post-synodal controversé Amoris laetitia, en autorisant tous les divorcés remariés à communier.

De même, il a cité en 2022 les évêques de Flandre qui, en tant que « précurseurs », ont présenté des directives liturgiques pour la « bénédiction des couples homosexuels », malgré le refus explicite de la Congrégation romaine pour la doctrine de la foi. L’indignation a été grande, mais Rome s’est murée dans le silence. François avait d’une part approuvé la clarification de la Congrégation pour la doctrine de la foi, qui constatait qu’une bénédiction du péché était impossible pour des raisons compréhensibles, et d’autre part, il a empêché toute réaction de Rome à la rébellion en Flandre et ne s’est pas non plus opposé lorsque l’évêque d’Anvers a fait savoir triomphalement à la voie synodale allemande, il y a peu, que la bénédiction des homosexuels qu’ils pratiquent a été introduite « avec l’approbation du pape François ».

Il n’y a guère d’autre mesure qui exprime de manière plus frappante l’abandon après un demi-siècle de déclin progressif que la fermeture de 36 des 110 églises de Bruxelles ordonnée par De Kesel. Mgr Léonard, qui a gouverné trop peu de temps et qui a été sévèrement boycotté de l’intérieur, n’a pas pu renverser la vapeur pendant les cinq ans à peine de son mandat, d’autant moins que De Kesel a fortement accéléré le rythme après son entrée en fonction, comme s’il voulait rattraper les années « perdues ».

Il a notamment expulsé de son archevêché des communautés conservatrices qui avaient mis en place un apostolat particulièrement vivant. Il a démantelé la Fraternité sacerdotale des Saints-Apôtres, reconnue par son prédécesseur, et a mis à la porte les communautés monastiques de Jérusalem.

Construire est difficile, mais démanteler est facile. Au cours des huit années de son mandat, l’ancien évêque de Bruges a apparemment répondu aux espoirs placés en lui. Pendant quatre années supplémentaires, De Kesel sera éligible dans un conclave afin d’assurer une succession adéquate à François.

Un modèle pour l’occupation des évêchés clés

Le 26 mai, François avait nommé Mgr Jorge Ignacio García Cuerva, 55 ans, nouvel archevêque de Buenos Aires et primat d’Argentine.

Le 12 juin, François a nommé Mgr José Cobo Cano, 56 ans, archevêque de Madrid.

Les prédécesseurs émérites, également nommés par François ces dernières semaines, avaient déjà 68 ans (Jozef De Kesel à Malines Bruxelles), 69 ans (Carlos Osoro Sierra à Madrid) et 65 ans (Mario Aurelio Poli à Buenos Aires) au moment de leur nomination.

La nomination de Mgr Luc Terlinden illustre un modèle que le pape actuel applique lorsqu’il nomme des évêques clés. Il prend des dispositions pour l’avenir qu’il souhaite : François nomme des archevêques relativement jeunes, dont on peut prévoir qu’ils resteront en fonction pendant au moins deux décennies et qu’ils lui survivront eux-mêmes longtemps.

Share This