Le commentaire de Sandro Magister (qui se fait rare…) sur l’Instrumentum laboris du prochain synode reste incontournable. Evidemment, quand un article s’ouvre sur la comparaison entre le bavardage stérile, pompeusement intitulé « Conversation dans l’Esprit », sur lequel vont devoir plancher les mères et pères (honneur aux dames!) synodaux à l’automne prochain, et la scène « sublime » représentée par un maître du Cinquecento italien, Piero della Francesca, sous le titre « Sainte conversation », on peut s’attendre à une dose de sarcasme. Magister reste assez mesuré, il souligne surtout qu’ « aucune hypothèse concrète de réforme à discuter n’a été prévue à l’avance. L’ Instrumentum laboris ne donne pas de réponses, il ne fait que poser des questions« . Laissant l’Esprit souffler là où il veut (traduire: lui faire dire n’importe quoi). Soit au final un beau chaos (le fameux fare casino si cher à François) dans l’Eglise en perspective.


Piero della Francesca, Retable de Brera
(Sacra Conversazione con la Madonna col Bambino, sei santi, quattro angeli e il donatore Federico da Montefeltro),
1472-1474
Huile sur bois, Milan 

Extraits (à savourer)

Il y a un abîme entre la sublime « Conversation sacrée » peinte par Piero della Francesca en 1472 et la « conversation dans l’Esprit » qui est le nouveau mot d’ordre du synode sur la synodalité.
Autant la première est limpide, avec des anges et des saints en dialogue spirituel avec le Fils de Dieu sur les genoux de Marie, autant la seconde est vague.

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La formule « conversation dans l’Esprit » a été lancée comme fil conducteur de la prochaine session plénière du synode, programmée en octobre, par les deux cardinaux qui en dirigent le déroulement, le maltais Mario Grech et le luxembourgeois Jean-Claude Hollerich. Dans l’Instrumentum laboris qui servira de trame aux assises, et qui a été rendu public le 20 juin, la formule apparaît à plusieurs reprises. Et dans la conférence de presse de présentation elle a même été identifiée comme le modus operandi du synode lui-même.

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Ce synode sur la synodalité est en cours depuis 2021 à différents niveaux, local, national, continental, et se poursuivra par deux sessions plénières en octobre 2023 et octobre 2024. Aucune proposition contraignante ne sera votée, car c’est le pape seul, à la fin, qui en tirera les décisions qu’il souhaite.

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Mais ce synode aura-t-il vraiment une fin ? Vu la façon dont François l’a piloté jusqu’à présent, et tant qu’il sera pape, on peut en douter. François s’intéresse avant tout à une chose : mettre en route des « processus ». D’une durée indéterminée. Peu lui importe qu’ils soient confus et déroutants, car l’Esprit Saint saura où conduire l’Église (…)
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Dans le dernier numéro de « La Civiltà Cattolica », la revue jésuite de Rome imprimée sous le contrôle préalable des autorités vaticanes, on trouve un article d’un jésuite de l’université de Louvain, Jos Moons, qui dit tout dès le titre : « Le pape François, l’Esprit Saint et la synodalité. Vers une reconfiguration pneumatologique de l’Église ».
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La très vague « conversation dans l’Esprit » décrite par l’ Instrumentum laboris est la mise en œuvre de cette « reconfiguration ». Où tout est permis, dans un triomphe de la liberté d’opinion et dans une déférence ostentatoire à l’Esprit qui « souffle là où il veut ».

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http://magister.blogautore.espresso.repubblica.it/2023/06/28/buona-conversazione-in-un-sinodo-senza-capo-ne-coda/
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