Les médias de gauche (un pléonasme!!) ont relayé avec une jouissance suspecte l’hémorragie énorme dans l’Eglise allemande (en 2022, un demi million de personnes ont cessé de s’acquitter de la Kirchensteuer), liant cette désaffection au Chemin synodal, pour déplorer que les réformes n’allaient pas assez vite (et accessoirement pour encore dénoncer les abus sexuels, ou plutôt leur gestion). Emblématique, le traitement de Bayerische Runfunk, la radio bavaroise, qui verse des larmes de crocodile sur « l’Eglise en crise » (mais qui se réjouit de la perte d’influence de celle-ci), et qui cherche à manipuler l’opinion publique dans un sens politique évident.

Giuseppe Nardi passe les chiffres au crible de la réflexion, et ses conclusions sont assez différentes. En réalité, s’en prendre au Synodal Weg, et même, dans le cas des conservateurs, aux provocations des catholiques (ou qui se disent tels) progressistes allemands, c’est confondre les symptômes et les causes. La crise remonte à bien plus loin, au moins 60 ans. La vraie raison, c’est que la foi a disparu.

Ce qui a changé depuis l’avènement de François, c’est que le Pape n’est pas incriminé, alors que sous Benoît XVI, où les défections existaient déjà, mais étaient bien plus faibles, tout était, au moins aux dires des médias, de la faute du Pape.

Sans oublier l’hypothèse très simple à laquelle personne ne pense, encore aujourd’hui, et que j’émettais dans ces pages en 2010: la raison financière (cf. Je reste ou je pars? )

Départs record de l’église et le framing de BR24

Comment BR24 [Bayerische Rundfunk, la chaîne de la radio bavaroise] rend compte du nombre record de sorties d’Eglise et [se] trompe.

Giuseppe Nardi
katholisches.info
29 juin 2023

La conférence épiscopale allemande a annoncé le nombre alarmant de sorties d’Eglise l’année dernière. Bayerischer Rundfunk en a parlé hier – et l’a fait de manière très tendancieuse. Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres qui pourraient être cités, y compris des agences de presse internationales comme AP.


On a commencé par rapporter les faits. Un demi-million de catholiques ont déclaré l’année précédente qu’ils quittaient l’Eglise, ce qui, en République fédérale d’Allemagne, est lié à l’impôt ecclésiastique, en violation du droit canonique. En Bavière [habituellement flanquée du qualificatif « la très catholique », ndt], ils étaient plus de 150.000, ce qui a fait passer pour la première fois le nombre de catholiques dans l’Etat libre sous la barre des six millions (la Bavière compte 13,5 millions d’habitants, dont 1,9 million d’étrangers).

Mais c’est alors que le reportage de BR24 commence à déraper, car il est immédiatement accompagné de la question de savoir ce que les citoyens doivent penser de ces départs records et comment ils doivent le faire.

Selon BR24, la chaîne d’information de Bayerischer Rundfunk, les départs sont dus au scandale des abus sexuels et à la manière dont ils ont été traités, ainsi qu’au fait que la voie synodale a piétiné et que les « réformes » ont été trop lentes. Jusqu’à présent, BR24 ne s’est toutefois pas fait remarquer en nommant le principal mal du scandale des abus sexuels, l’homosexualité pédophile. En outre, dans le reportage d’hier, BR24 devient lui-même partie prenante lorsqu’il affirme en bloc, ou du moins en donne l’impression, que les sorties d’Eglise n’existeraient pas si l’Eglise mettait en œuvre l’agenda progressiste.

Le reportage de BR24 ne mentionne pas la source pour la « recherche des causes ». L’édition en ligne est un peu plus concrète. On peut donc supposer qu’elle se trouve au sein même de la rédaction : Depuis des années, l’Eglise catholique est présentée sous l’aspect peu favorable d’être « en crise ». On va chercher dans ce but les prises de position appropriées de représentants de l’Eglise sélectionnés. C’est ce que l’on appelle désormais le « framing ». On diffuse une information qui sert en réalité à faire de la politique.

L’intention de manipulation est encore plus claire lorsque la phrase suivante indique – sous une apparence neutre et objective – que le nombre de départs est particulièrement élevé dans les trois diocèses bavarois – dont les évêques courageux ont déclaré il y a quelques jours qu’ils ne financeraient plus la voie synodale, à savoir Ratisbonne, Passau et Eichstätt. Il est pourtant évident qu’en raison de la chronologie, une décision prise il y a quelques jours ne peut pas être la cause des sorties d’Eglise de l’année précédente.

C’est d’autant plus vrai si l’on y regarde de plus près. Ainsi, l’archevêché de Munich-Freising, avec une augmentation de « seulement 38 pour cent », présente la plus « faible » croissance des sorties d’Eglise. Ces chiffres ne reflètent qu’un instantané. A Munich, le déclin a eu lieu plus tôt, ce qui se reflète dans les statistiques. Ceux qui partent d’un niveau plus bas chutent moins.

Le fait que seuls les habituels « catholiques réformateurs » s’expriment, en lançant leurs bulles de paroles tout aussi habituelles, comme la présidente du parlement du Land, Ilse Aigner de la CSU, parle en faveur d’une sélection ciblée des voix correspondant aux intentions des faiseurs de nouvelles. Le reportage radiophonique a donné la parole à un prêtre progressiste qui s’est plaint d’avoir « besoin » de ceux qui sont partis pour « changer » l’Eglise, comme c’est justement le cas avec la voie synodale.

Vraiment ?

L’impression générale, qui n’a pourtant pas droit à la parole, en tout cas pas sur BR24 – on ne peut pas dire si elle a peut-être été exprimée, mais coupée au montage : les raisons et les causes sont déjà connues d’avance. L’Eglise est en crise, ce que tout catholique croyant signerait également, mais qui est entendu différemment dans la bouche des journalistes. On veut manifestement y voir l’Eglise en crise, parce qu’on ne veut pas de l’Eglise.

Et c’est là que nous touchons à la raison principale présumée du nombre élevé de départs. L’Eglise, la foi et Dieu ne sont plus considérés comme importants par une partie des gens. Cela n’a rien à voir avec le scandale des abus et encore moins avec la voie synodale. Ces deux phénomènes ne sont que des conséquences de la crise proprement dite. Il ne faut pas confondre la cause et l’effet.

De l’avis de nombreux contemporains, cette Eglise n’est plus nécessaire. Personne n’a besoin d’une Eglise progressiste, à la traîne de l’esprit du temps [Zeitgeist], qu’elle soit « synodale » ou non. C’est la réponse que les gens signalent en quittant l’Église. Il y a une apostasie de grande ampleur. Dans ce contexte, le fait qu’un nouveau païen sans foi orne sa démission d’une référence à des abus sexuels n’a, au mieux, qu’une importance relative. Le nombre de ceux qui ont quitté l’Eglise parce que la voie synodale est « trop lente » pour eux, ou même le nombre de catholiques vraiment croyants qui ont quitté la « Kirchensteuerverein » [l’association pour l’impôt ecclésiastique] en signe de protestation contre la dégradation de l’Eglise, sont de toute façon des quantités statistiquement négligeables. Personne ne devrait gonfler les choses pour faire sa propre soupe, surtout pas BR24.

De quoi l’Église a-t-elle besoin ? De la voie synodale ? Non, l’Eglise a besoin de retrouver son sérieux. Elle doit s’éloigner de l’appareil vide auquel on l’identifie aujourd’hui. Aucun jugement n’est plus destructeur que celui que cet appareil ecclésiastique prononce lui-même, dans la mesure où, en République fédérale d’Allemagne, l’Eglise compte directement ou indirectement plus d’employés que de fidèles à la messe le dimanche.

Les hommes d’Eglise doivent revenir à la foi apostolique intégrale et non tronquée. Finies les bénédictions des homosexuels, fini le révoltisme de 68, fini les réductions de la doctrine de la foi, fini la déconstruction artificielle.

L’Église a besoin de témoins crédibles, et non pas d’imposteurs du zeitgeist pour qui l’habit religieux n’est qu’un vêtement à temps partiel enfilé par-dessus l’habit séculier de tous les jours, pour qui le sacerdoce n’est qu’un « partenariat d’étape de vie » qui sera échangé dès demain contre une femme/homme/divers, pour qui les vœux, qu’ils soient temporaires ou éternels, ne sont que des mots sans engagement et les sanctions de l’Église ne veulent rien dire, parce qu’on ne croit pas vraiment ou qu’on ne croit que ce qu’on veut. Le calcul consistant à éviter une confrontation avec le zeitgeist ne peut pas fonctionner. Il ne sert à rien de se boucher les yeux, la bouche et les oreilles. Celui qui cherche à éviter l’inévitable en passant à la position opposée, par exemple en bénissant des homosexuels, devient un apostat.

Il en va de même pour les laïcs et leurs promesses de baptême et de mariage. Des témoins crédibles, les clercs et laïcs progressistes de l’appareil en parlent certes beaucoup, mais ce ne sont souvent que des formes d’exercices de rhétorique. Et les gens le sentent. Ils le remarquent. Et les réponses qui y sont apportées par les progressistes ne sont pas la solution au problème, mais font elles-mêmes partie du problème.

Renoncer à enseigner aux gens, c’est capituler sans même avoir tenté le combat. Le Seigneur n’a pas donné à l’Église la mission de se contenter d’écouter les gens et de se laisser enseigner par eux, mais de les enseigner.

Les sorties de l’Eglise sont la conséquence du déclin de l’Eglise qui a été déclenché sans aucune nécessité il y a 60 ans. Cela rappelle l’action actuelle des acteurs politiques et témoigne d’un malaise intérieur.

Dans les milieux cléricaux, le ver était déjà dans le fruit. L’Eglise est constituée de manière hiérarchique, c’est pourquoi c’est le clergé qui la construit, la soutient ou la détruit. Tous les discours sur les laïcs qui devraient « maintenant », « aujourd’hui », « dans cette nouvelle phase », « à notre époque », assumer la tâche principale, ne sont que de la poudre aux yeux qui – aussi bien intentionnée soit-elle – mène à des dérives ou du moins détourne l’attention.

L’Église a été constituée par Jésus-Christ d’une manière bien précise et univoque, cléricale et hiérarchique. Le renouveau vient de bons évêques et de bons prêtres, auxquels les fidèles répondent. La tâche des croyants existe bien sûr, mais elle est la réponse à cela dans une interaction très spéciale, qui ne peut être comprise que spirituellement.

La première tâche des croyants aujourd’hui est donc de prier pour de bons évêques et de bons prêtres et, là où ils existent, de les soutenir de leur mieux et de se laisser guider par eux. De là peuvent naître toutes sortes de bonnes initiatives.

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