Car c’est bien de cela qu’il est question, n’en déplaise à ceux qui répètent comme des perroquets depuis dix ans que le pontificat bergoglien est dans la continuité directe de celui de Benoît XVI (il y a malheureusement parmi eux des hauts prélats estimables, mais naïfs et mal informés, qui parlent des « différents charismes de Pierre » comme d’une chose naturelle, voire un bienfait). C’est en réalité une rupture énorme et dramatique. Matteo Matzzuzzi, vaticaniste de « Libero » rappelle que tant que Benoît XVI était en vie, François avait les mains liées. Maintenant qu’il est mort, il se lâche. Et il se dépêche, car le temps lui est compté, et ses sponsors sont impitoyables.

[Quand] Joseph Ratzinger vivait encore à Rome, la nomination d’une personnalité comme Fernández aurait peut-être été de trop pour le vieil émérite retiré dans les jardins du Vatican.

.

Après la mort de Benoît XVI, les scrupules et les délicatesses à l’égard du grand-père sage sont tombés, et la nomination du théologien argentin, qui entrera en fonction à la mi-septembre, peut maintenant être faite .

Le pape nomme un théologien argentin controversé au Saint-Office: Víctor Manuel Fernández est le nouveau préfet du Dicastère pour la doctrine de la foi.

Une nomination qui clôt à jamais la longue saison ratzingerienne

Curriculum pauvre, mais fidélissime de François, qui l’a nommé évêque dès son élection.
.
Une ascension non-stop, entre publications, conseils demandés et travail de ghostwriter
.

…..

Matteo Matzuzzi
Il Foglio,
1er juillet 2023

Le pape a choisi l’archevêque argentin Victor Manuel Fernández, titulaire du diocèse de La Plata, comme nouveau préfet du dicastère pour la doctrine de la foi. Il y a quelques années, au début du pontificat, Fernández était l’une des étoiles qui brillaient au firmament bergoglien : il fut la première nomination épiscopale du Pontife nouvellement élu, qui guérissait ce qu’il avait considéré des années auparavant comme un affront personnel (envers lui et envers Fernández) : le Vatican, en effet, avait rejeté la nomination du théologien comme recteur de l’Université catholique d’Argentine, mais avait ensuite cédé en 2009 : c’est encore le cardinal primat du grand pays d’Amérique du Sud qui le proposa.

La raison ? Il n’avait pas les qualifications requises, et les publications énumérées scrupuleusement dans le communiqué publié samedi matin par le Bureau de presse du Saint-Siège aident certainement à comprendre les raisons de ce refus (son Sáname con tu boca. El arte del besar, curieusement absent de la longue liste des essais, pamphlets et thèses documentés par le Vatican).

Ce n’est pas que la théologie de Fernández soit faible, ont commenté des théologiens renommés de l’époque au CV bien rempli, c’est qu’il n’en a tout simplement pas. De l’eau de rose, dirait-on sans ambages : de petites pensées bonnes à accompagner le croyant déboussolé à la recherche de quelque chose : un baiser, en fait.

En réalité, Fernandez n’a jamais été un naïf : à Aparecida, lors de la fameuse Conférence de l’épiscopat américain dont le cardinal Bergoglio était le protagoniste (il était le secrétaire général de l’assemblée), en 2007, il a contribué de manière substantielle à la rédaction du texte final. Il a été l’un des protagonistes « occultes » du Synode sur la famille de 2014-15, ouvertement disposé à aller même au-delà de la médiation finale sur la communion des divorcés remariés, il est la main derrière Amoris laetitia, mais surtout il est la plume qui a mis sur papier le grand programme du pontificat : Evangelii gaudium est son œuvre, naturellement avec les conseils qui lui sont parvenus de François.

Dans la presse, il était décrit comme le conseiller théologique de référence du pape et l’appel au Saint-Office lui était prédit dès que le mandat de Gerhard Ludwig Müller prendrait fin (ou serait résilié). Il n’en a pas été ainsi, puisqu’en 2017 le choix s’est porté sur le jésuite Ladaria, secrétaire sortant au profil conservateur – mais, contrairement à son prédécesseur, moins médiatique et très économe en propos publics, interviews et publications – et Fernandez a dû se consoler avec le deuxième diocèse le plus important d’Argentine, La Plata, où il est allé prendre la place de Mgr Héctor Ruben Aguer, grand adversaire de Bergoglio à l’époque où tous deux faisaient partie de la Conférence épiscopale de ce pays sud-américain. En effet, Joseph Ratzinger vivait encore à Rome et la nomination d’une personnalité comme Fernández aurait peut-être été de trop pour le vieil émérite retiré dans les jardins du Vatican.

Après la mort de Benoît XVI, les scrupules et les délicatesses à l’égard du grand-père sage sont tombés – et indubitablement de manière légitime [???] – et la nomination du théologien argentin, qui entrera en fonction à la mi-septembre, peut maintenant être faite.

Il ne s’agit pas d’une nomination comme les autres, même si la nouvelle constitution apostolique Praedicate evangelium a rendu le rôle de l’ex Suprema moins important, ne serait-ce que sur le plan formel. Il s’agit d’une nomination qui marque la fin d’une très longue ère, celle marquée par la présence de Joseph Ratzinger. Depuis 1981, il était le détenteur incontesté de l’orthodoxie catholique en tant que préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, puis pape de 2005 à 2013. Et même après sa démission, François s’est d’abord assuré la collaboration de Müller, puis – lorsqu’il a décidé de ne pas renouveler le mandat du cardinal allemand en 2017 – celle du jésuite espagnol Luis Ladaria, que Benoît XVI avait nommé secrétaire de la congrégation.

A présent, le tournant, clair et décisif, comme le dénote la lettre que François a écrite au nouveau préfet, publiée par le Bureau de presse du Saint-Siège:

« Sache que l’Église a besoin de grandir dans l’interprétation de la Parole révélée et dans la compréhension de la vérité, sans que cela implique l’imposition d’une seule façon de l’exprimer. En effet, les différentes lignes de pensée philosophique, théologique et pastorale, si elles se laissent harmoniser par l’Esprit dans le respect et l’amour, peuvent aussi faire grandir l’Église. Cette croissance harmonieuse préservera la doctrine chrétienne plus efficacement que n’importe quel mécanisme de contrôle ».

Mots Clés :
Share This