Ce n’est plus la mafia de Saint-Gall, mais la mafia argentine (et jésuite) qui tire désormais les ficelles au sommet de l’Eglise (jusqu’où, jusqu’à quand?). En plus de Fernandez (et de beaucoup d’autres, sur le terrain), il y a Zanchetta, nommé lui aussi évêque par François, protégé coûte que coûte, tout en étant « le premier évêque argentin à se retrouver en procès pour abus sexuels suite à une accusation de deux séminaristes que les juges ont cru, le condamnant à quatre ans et demi de prison« . Le commentaire de Nico Spuntoni.

X Factor argentin

De Zanchetta à Fernandez : tous les hommes de Bergoglio

Nico Spuntoni
lanuovabq.it
3 juillet 2023

Le fidélissime et ghostwriter du pape débarque au Saint-Office : c’est la dernière d’une longue série de nominations dans lesquelles l’amitié personnelle avec le pontife ou l’appartenance aux Jésuites semble être décisive.

« Il serait capable de nommer Tucho » était une plaisanterie assez répandue au Vatican en ces mois de toto-nomi [paris sur les noms] pour la succession du cardinal Luis Francisco Ladaria Ferrer à la tête du Dicastère pour la Doctrine de la Foi. Le sujet sous-entendu, bien sûr, était le Pape.

Finalement, c’est exactement ce qui s’est passé : l’hyperbole est devenue réalité et Víctor Manuel Fernández est le nouveau préfet du Dicastère pour la doctrine de la foi, ainsi que le président de la Commission biblique pontificale et de la Commission théologique internationale, prêt à prendre ses fonctions à la mi-septembre. Une nomination qui peut être interprétée comme un défi lancé aux membres du Sacré Collège qui avaient exprimé en privé leur opposition à l’hypothèse de la nomination de Mgr Heiner Wilmer, évêque de Hildesheim et grand partisan de l’agenda de la Voie synodale allemande.

La NBQ peut révéler que la bataille pour empêcher la nomination de l’évêque dehonien à l’ancien Saint-Office a été la dernière bataille menée par le Cardinal George Pell avant sa mort soudaine. Ne pas lire le nom de Wilmer dans le bulletin serait cependant une victoire à la Pyrrhus pour le cardinal australien, puisque le choix s’est porté sur un profil encore plus controversé.

« Ce n’est pas toujours un mal quand il y a un conflit dans l’Église », a écrit Mgr Fernández dans le livre Les Papes des Conciles de l’Époque Moderne. Art, histoire, religion et culture. En le choisissant pour remplacer Joseph Ratzinger avec un discours programmatique de rupture claire avec le passé, mis noir sur blanc dans une lettre publique, Bergoglio semble avoir montré qu’il pense de la même manière puisqu’il est conscient de mécontenter encore plus les prélats qui lui avaient écrit ces derniers mois pour le supplier de ne pas nommer Wilmer et de laisser le Dicastère pour la Doctrine de la Foi entre des mains plus équilibrées.

Mgr Fernández arrive au Palais du Saint-Office fort de la réputation de fidélissime du Pape, dont il a été le ghostwriter lors de l’expérience décisive de la Conférence d’Aparecida en 2007.

Se souvenant de ces journées passées côte à côte, Fernández a raconté qu’il avait admiré chez son mentor la conviction que « plus que d’obtenir des résultats immédiats, il est nécessaire d’enclencher des processus » (Clarín).

La nomination de Tucho dans le dicastère le plus important de la Curie semble suggérer l’idée que le pontificat bergoglien durera suffisamment longtemps pour passer directement de la mise en route de processus à l’obtention de résultats immédiats. Pour ce faire, le pontife s’appuie de plus en plus sur des loyalistes.

Ces derniers temps, il est devenu de plus en plus évident que la connaissance personnelle du pape ou l’appartenance à la Compagnie de Jésus représente désormais une sorte de facteur X pour accéder à des postes à haute responsabilité dans l’Église.

La première nomination de son pontificat concernait son successeur à Buenos Aires, pour lequel il désigna naturaliter son auxiliaire d’alors, Mario Aurelio Poli, qui fut ensuite nommé cardinal. Dix ans plus tard, ce dernier a été mis à la retraite à l’âge de 75 ans et remplacé par Jorge Ignacio García Cuerva, un jeune prêtre que le cardinal Bergoglio a appris à connaître et à apprécier pour son activisme dans les bidonvilles du diocèse voisin de San Isidro, suffragant de Buenos Aires. Bergoglio l’a nommé évêque à l’âge de 49 ans seulement, en même temps qu’un autre cura villero, Gustavo Oscar Carrara, devenu auxiliaire de l’archidiocèse de Porteña mais auquel il a ensuite préféré un profil très similaire à celui de García Cuerva. Des dynamiques qui permettent d’imaginer à quel point la préférence papale est un critère décisif pour l’attribution ou non d’un poste.

S’exprimant sur l’émission Che tempo che fa de Fabio Fazio, François a déclaré qu’il avait peu d’amis, mais de vrais amis.

En Argentine, le pontife a montré au cours de son pontificat qu’il comptait surtout sur eux pour remodeler l’épiscopat national qu’il juge trop conservateur. Il suffit de rappeler que le président de la Conférence épiscopale est depuis 2017 Mgr Oscar Vicente Ojea Quintana, un homme très proche de Bergoglio qui l’a consacré évêque, l’a eu comme auxiliaire à Buenos Aires puis comme voisin lorsqu’il est devenu évêque de San Isidro. Ce n’est pas un mystère que la volonté papale a été décisive pour l’élection d’Ojea Quintana à la tête des évêques argentins, étant donné les nombreuses résistances sur son nom.

Mgr Gustavo Oscar Zanchetta, rencontré par Bergoglio en 2001 et nommé sous-secrétaire exécutif de la CEA en 2008, pendant sa présidence, est lui aussi argentin.

Comme Manuel Fernández, Zanchetta a également reçu l’ordination épiscopale quelques mois après l’élection de François, mais à la tête du diocèse d’Orán, il a été le protagoniste de l’une des pages les plus discutées de l’actuel pontificat avec sa démission soudaine en 2017 et sa nomination à l’APSA du Vatican, dans le rôle créé ad hoc pour lui d’assesseur, jusqu’en 2021. Alors qu’il se trouvait à Rome pour cette mission, Zanchetta est devenu le premier évêque argentin à se retrouver en procès pour abus sexuels suite à une accusation de deux séminaristes que les juges ont cru, le condamnant à quatre ans et demi de prison.

Parmi les compatriotes amis du pape, il n’y a pas que des consacrés : laïc, il y a par exemple l’homme politique d’extrême gauche Giovanni Grabois qui est actuellement candidat aux élections présidentielles de 2023 et en même temps membre du Dicastère pour le service du développement humain intégral dont il était déjà consultant depuis 2016.

François n’a pas mis les pieds en Argentine depuis 2013, mais les relations, les déceptions et les convictions acquises au cours de son expérience dans son pays natal ont fortement conditionné les décisions de ce pontificat. La nomination d’une personnalité comme Fernández à la tête de l’organisme même qui a retardé de deux ans sa nomination (souhaitée par le cardinal Bergoglio de l’époque) à la tête de l’Universidad Católica Argentina en raison de doutes, est un signe tangible de la manière dont ce processus – ainsi que le recours aux hommes de confiance de la Compagnie de Jésus – pourrait être encore accéléré.

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