Je poursuis ma revue (qui va sans doute bientôt s’épuiser, faute de matériel) des réactions à la promotion de Tucho Fernandez à un poste-clé de la curie par la seule faveur du chef. Celle d’un contributeur récurrent au blog de Marco Tosatti qui signe « Mastro Titto » est particulièrement originale et éclairante: un brin provocatrice, elle ne se focalise pas sur les détails « techniques » (qui passeront, et très vite!), mais élargit la réflexion, dans un sens bien résumé par son titre.

Sur le plan institutionnel, il n’y a plus ni doctrine, ni encore moins de foi. Que le pape nomme Fernandez ou Sfera Ebbasta, ça ne change rien.

La foi et la doctrine survivent dans des lieux cachés, auprès d’âmes insoupçonnées, loin des clameurs du monde. Des lieux connus seulement de Dieu et d’une poignée d’hommes assez avisés pour avoir compris que la publicité est l’âme de la régression.

Fernandez ou Sfera Ebbasta (*) à la Doctrine, ça change quoi?

(*) Rappeur italien

J’avoue avoir appris la nomination du préfet de la doctrine de la foi sur cet honorable blog – depuis un certain temps, je fais passer mon jugement avant les faits : une forme de préservation quelque peu claudicante, qui devient essentielle à une époque où les faits sont livrés avec un jugement incorporé.

Malgré cela, j’ai cru qu’il s’agissait d’une « fake news ». Après avoir constaté que ce n’était pas le cas, j’ai dû récupérer mes déjà maigres facultés intellectuelles réduites en cendres par la confirmation. Dire quoi que ce soit de sensé relève de l’exploit.

Bien sûr, il est injuste de réduire Fernandez à son divertissement sur les propriétés thaumaturgiques du baiser, une pratique dont il admet lui-même qu’il n’a guère d’expérience directe. Et c’est là que se pose un premier problème non négligeable : la contrainte du clergé à parler de choses qu’il ignore, avec la circonstance aggravante qu’il s’agit de bagatelles.

Ceux qui disent que l’Église ne doit pas se préoccuper des questions de sexualité humaine ont-ils raison ? En fait, ils sont les premiers à servir de caisse de résonnance au clergé accommodant lorsqu’il s’agit de fournir un rivage soi-disant catholique à leur obsession personnelle pour les parties basses. En ce sens, ils se trompent comme d’habitude.

En revanche, ils ont raison dans la mesure où l’Église devrait se garder d’aborder ces sujets de la manière brute et grossière dont la sexualité est traitée. L’Église a tort d’en parler sur le ton qui plaît aux gens qui plaisent.

La deuxième observation qui me vient à l’esprit est un conseil : de nombreuses voix s’élèveront contre cette nomination inadaptée à la Doctrine. Elles se trompent elles aussi : sur le plan institutionnel, il n’y a plus ni doctrine, ni encore moins de foi. Que le pape nomme Fernandez ou Sfera Ebbasta, ça ne change rien. La foi et la doctrine survivent dans des lieux cachés, auprès d’âmes insoupçonnées, loin des clameurs du monde. Des lieux connus seulement de Dieu et d’une poignée d’hommes assez avisés pour avoir compris que la publicité est l’âme de la régression.

Fernandez peut-il faire des catastrophes ? Et quand le très sage Ladaria légitimait l’utilisation de fœtus avortés dans la fabrication de vaccins en parlant de coopération éloignée au mal ? Comment l’appellerons-nous ?

Peut-être que Tucho Mucho Fernandez, moins raffiné que Ladaria, Müller, Levada ou Ratzinger lui-même, aurait du mal à trouver des formules aussi raffinées dans un sens ou dans l’autre. Il les sortirait si grosses qu’elles seraient indigestes même pour les libéraux. Indigestes ou dysfonctionnelles.

Parce que ces gens qui écrivent et parlent du baiser ou du Christ par ouï-dire, et certainement pas par expérience directe, ont du mal à comprendre un principe très simple : je ne vais pas jouer au football contre Maradona, ou aux échecs contre Kasparov. Je préfère jouer aux échecs contre Maradona, et au football contre Kasparov.

Enfin, il s’agit d’une nouvelle provocation d’un pape faible – il l’a toujours été, comme tous les tyrans – possédé par des phobies indicibles qui l’obligent à choisir des personnes en qui il peut avoir confiance ou qu’il peut faire chanter. Des gens qu’il croit connaître et qui ne lui font pas d’ombre.

Les personnes dévorées par une ambition pathologique et la folie des grandeurs deviennent souvent structurellement incapables de reconnaître la valeur des autres : en fait, elles les craignent comme les chats craignent l’eau. Soit vous êtes moins qu’eux, soit vous êtes un ennemi mortel.

Pour finir, il devrait être clair que Bergoglio a engagé une bataille désespérée contre l’Église. Presque chaque acte, presque chaque nomination est une attaque frontale non pas contre telle ou telle faction, mais contre l’institution elle-même. Je peux penser que Bergoglio, comme Porsenna [roi étrusque] ou Gengis Khan, veut être enterré avec les deux ou trois objets de valeur qu’il n’aura pas donnés aux visiteurs, qui auront survécu à sa sacroclastie [destruction du sacré], afin qu’on ne les retrouve jamais, et avec eux ce qu’il reste de l’Église.

Le message que Bergoglio envoie aux initiés et aux fidèles les plus attentifs au sort de la Sainte Mère l’Église est le mantra obsessionnel habituel : tout est faux. C’est un théâtre, une farce.

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