Dans le registre de l’humour, AM Valli nous propose un catalogue des « exploits » du futur préfet de la foi, et un florilège de ses déclarations, notamment les perles de son chef-d’oeuvre Saname con tu boca. Son vrai chef-d’œuvre, en fait, c’est sa vie: quand on parcourt la carrière « mirobolante » qui le voit atteindre, avec un bagage académique pour le moins modeste, les plus hauts sommets de la hiérarchie de l’Eglise, on se dit qu’à défaut d’être brillant, le Tucho est très habile. C’est tellement dingue, ahurissant, sidérant, impensable, scandaleux qu’il faut se pincer pour s’assurer que ce n’est pas un rêve… euh, un cauchemar, mais l’effarante réalité. Pauvre Eglise.

Embrasser s’apprend. Ou la mirobolante carrière de Tucho besame mucho (*)

(*) Tucho-embrasse-moi beaucoup

Un ami argentin me dit : « Je connais Bergoglio et je sais à quel point il se désintéresse de la doctrine catholique. Mais je n’aurais jamais imaginé qu’il oserait placer son ami et associé Tucho Fernández à la tête de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Fernández occupera la place qu’occupaient, entre autres, les cardinaux Carafa, Merry del Val, Ottaviani, Šeper, Ratzinger. Inconcevable ».

Inconcevable ? Au royaume de Bergoglio, il ne faut jamais dire jamais. Et qu’importe si aujourd’hui un site affirme qu’en 2019 Fernández aurait enterré l’affaire d’un prêtre abusant de jeunes garçons dans son diocèse. Ne pinaillons pas.

Comme nous l’avons déjà écrit , les mérites de Tucho Fernández sont grands. Tout d’abord, avoir écrit un livre sur l’art du baiser, Saname con tu boca, qui lui a valu le surnom de Besuqueiro, l’Embrasseur, et que Tucho lui-même a présenté ainsi :

« Je vais raconter ce que les gens ressentent lorsqu’ils s’embrassent ».

Ce n’est pas rien, il faut le reconnaître :

« Pour ce faire, j’ai longuement parlé avec de nombreuses personnes qui ont une grande expérience en la matière, et aussi avec de nombreux jeunes qui apprennent à embrasser à leur manière… J’espère que ces pages vous aideront à mieux embrasser, qu’elles vous motiveront à libérer le meilleur de votre être dans un baiser… ».

Il est certain que Tucho a beaucoup pratiqué un certain type de baiser : celui des pieds de Bergoglio. Il a bien fait. Bergoglio l’a placé à la tête de l’Université catholique de Buenos Aires (malgré les perplexités de Rome), l’a nommé archevêque de La Plata et l’a maintenant propulsé à la tête de ce qui était le dicastère le plus important de la Curie romaine, ce qui implique automatiquement sa nomination en tant que président de la Commission biblique pontificale et de la Commission théologique internationale.

En ce qui concerne l’Université catholique, les étudiants de l’époque se souviennent encore du jour où Tucho, lors de la messe de rentrée 2013, leur a recommandé de célébrer le jour où leurs parents, en faisant l’amour, les avaient conçus. Une fixation ? Mais non, ne soyez pas indietristes. C’est de la nouvelle théologie.

Un autre trait caractéristique de Tucho, dit-on en Argentine, est qu’il a toujours été, selon ses compagnons de séminaire et ses confrères prêtres, un grand bavard, toujours déterminé à tirer un avantage de diverses situations.

Il était toujours du côté des puissants, mais jouait le rôle de la victime. Il allait voir le recteur et lui disait : « Cher Père Recteur, je suis inquiet pour mes camarades. Ils n’ont aucun sens de l’Eglise. Regardez ce qu’ils disent de vous ! ». Il allait voir l’évêque et se plaignait : « Monseigneur, quelle peine j’éprouve pour ces prêtres qui critiquent l’évêque, c’est-à-dire vous. Comme je voudrais qu’ils aient plus le sens de l’unité ! »

Singulier que François, toujours prêt à dénoncer le bavard, récompense le bavard. Mais qui sommes-nous pour juger ?

Sur la méthode Fernández, on peut interroger Carlos María Galli qui, un beau jour, eut l’idée de faire de Tucho son second à la faculté de théologie. Après cela, il s’est retrouvé au placard. Et le doyen, avec la bénédiction de Bergoglio, est devenu, comme par hasard, Fernández lui-même.

Et que dire de la lettre de Tucho aux catholiques qui critiquent le pape François ? Il écrit :

« Ne plaisantons pas. S’il vous plaît, nous qui voulons être avec le peuple, ne manquons pas de reconnaître les valeurs que le pape François incarne. Aujourd’hui, ces valeurs ne sont pas si courantes. Arrêtons les pinaillages. Nous pouvons nous arrêter pour chercher le cheveu dans l’œuf et nous le trouverons. Mais dans ce monde, la pureté absolue n’existe pas et je pense que nous avons une énorme opportunité de remettre Jésus-Christ et le peuple que Dieu aime au centre ».

Puis, à propos du rôle de Bergoglio pendant la dictature militaire :

« Bergoglio n’a calomnié personne, il n’a pas été complice de la dictature, il n’a pas manqué d’aider ceux qui lui demandaient de se cacher ou de fuir, et il a intercédé pour certains dans la mesure de ses possibilités, parce qu’il n’était même pas évêque ».

Courir au secours du vainqueur. C’est une autre particularité de Tucho. Qui, en tant que ghostwriter de François, a non seulement rédigé une grande partie d’Amoris laetitia (Les amours de Letizia, comme on l’appelle à Buenos Aires), mais y a inclus des passages entiers de ses propres articles, notamment sur la question des divorcés remariés. Un bel exploit magistral : le pape a plagié Tucho et Tucho s’est plagié lui-même.

The Wanderer, responsable du site argentin caminante-wanderer, explique :

« Mgr Víctor Tucho Fernández est un personnage mineur. Dans les couloirs du Vatican, il est connu comme l’enfant choyé ou gâté. Tant Oltretevere qu’à Rio de la Plata, tout le monde sait qui il est ».

Un personnage mineur, peut-être. A succès, certainement. Il écrit également dans La Nación, le vaillant Tucho. C’est de là qu’il prêche une société plus inclusive sous la bannière de l’égalité. Ne regardons pas les idées, les orientations sexuelles. Fratelli tutti. En d’autres temps, conclut The Wanderer, ces thèses auraient conduit l’auteur tout droit à la déposition. Dans les circonstances actuelles, elles l’ont conduit tout droit à la chaire de gardien de la doctrine catholique.

Valoriser un talent, on le sait, exige quelques sacrifices. Ainsi, lorsqu’il s’est agi de confier à Tucho la direction de l’université catholique d’Argentine, alors que Rome s’y opposait, Bergoglio a pris l’avion et s’est rendu en personne pour plaider la cause. L’homme même qui cherchait à ne pas mettre les pieds à Rome. Puis, deux mois à peine après être devenu pape, il l’a nommé archevêque et père synodal. Un camouflet pour les rétrogrades.

Théoricien du gradualisme, Tucho a dit un jour :

« Le mariage chrétien est un bel idéal, mais quand nous parlons de gradualisme, nous voulons dire que nous devons tenir compte de la réalité concrète des personnes qui ne peuvent pas atteindre cet idéal, et nous devons donc nous rappeler cette catégorie du « bien possible » évoquée par le pape François dans Evangelii gaudium, à laquelle nous devons aspirer même au risque de nous salir dans la boue de la rue ».

Commentaire de The Wanderer :

« Tucho le théologien semble confus. La grâce ne s’acquiert pas graduellement : on y arrive ou on n’y arrive pas ; on la possède ou on ne la possède pas ; on la trouve ou on la perd. Le chrétien est soit en état de grâce, soit en état de péché. La théologie catholique n’a jamais dit que l’on pouvait être progressivement en état de grâce : une demi-grâce ou un quart de grâce ne sont pas des mesures courantes, jusqu’à présent ».

Certes, mais tout cela, c’est le passé. Et l’avenir sera plein de surprises.

Lorsque les évêques argentins se sont rendus à Rome pour la visite ad limina apostolorum, Tucho a tenu un journal. Il y rapportait avec bonheur que lors de la visite à la Congrégation pour la doctrine de la foi, le cardinal Ladaria a déclaré :

« Ce qui nous préoccupe aujourd’hui, ce ne sont pas tant les erreurs doctrinales que l’absence d’une plus grande réflexion en dialogue avec le temps présent ».

Bien. Et si un jour Tucho, maintenant qu’il est aux commandes, décidait de changer le nom de l’ancien Saint-Office pour en faire le Dicastère pour le dialogue ? Que personne ne mette de limites à la providence!

Mais revenons à l’art du baiser. Le livre de Mgr Fernández semble introuvable, mais quelqu’un en Argentine l’a lu et s’en souvient. Par ailleurs, comment oublier cette taxonomie des baisers (« Selon la façon de faire, le baiser s’appelle piquito, chupón, taladro ?) ou ces recommandations (« Quand les choses ne vont pas entre vous, au lieu de prétendre les arranger au lit, il faut suivre les chemins qui mènent au baiser ») ?

Le théologien ne néglige pas les détails :

« Il peut arriver que l’un de vous ait mauvaise haleine, ce qui peut être profondément désagréable et ôter tout le charme du baiser. Mais on peut y remédier en prenant la précaution de se brosser les dents et de mâcher du marc de café, ou de se rincer au bicarbonate de soude ».

Et il ne lésine pas sur les conseils d’experts :

« Il peut aussi s’agir d’une question de position du corps, et vous pourrez trouver à deux la position la plus confortable pour vous deux ».

Les témoignages ne manquent pas non plus. Comme celui-ci, d’un homme :

« Il me semble que lorsque vous commencez à embrasser avec la langue, vous risquez fort de perdre le contrôle et de vouloir déjà vous prendre la fille ».

Ou ceci, d’une femme :

« C’est beau de faire le tour de la joue et de se retrouver dans la bouche. C’est une promenade merveilleuse ».

Et une enseignante de lycée, du haut de son expérience, se souvient :

« Le baiser centripète, c’est quand on suce et qu’on aspire avec les lèvres. Le baiser centripète, c’est quand on entre avec la langue. Faites attention aux dents ».

Mais Tucho n’est pas seulement un froid taxonomiste. En véritable poète, il fulmine à un moment donné :

« Alors ne me demandez pas / ce qui ne va pas avec ma bouche / tuez-moi maintenant / au prochain baiser / saignez-moi / rendez-moi la paix / sans pitié ».

Pointilleux, The Wanderer, toujours lui, stigmatise une homélie prononcée il y a quelque temps, dans laquelle Tucho déclarait :

« Sans s’en rendre compte, l’Église a développé pendant des siècles une doctrine pleine de classifications qui affirmait : a) seuls les baptisés qui sont dans la grâce de Dieu peuvent recevoir la communion et ceux qui sont en état de péché mortel ne le peuvent pas ; b) seuls ceux qui se repentent de leurs péchés et manifestent l’intention de s’amender peuvent recevoir l’absolution sacramentelle. C’est quelque chose de terrible… Mais heureusement cela s’est produit dans le passé, et maintenant il y a le Pape François ».

Des mots « extrêmement graves », « une hérésie claire », dit le commentateur argentin.

Mais aujourd’hui, il faut le répéter, s’éloigner de la bonne doctrine n’est pas une faute mais un mérite. Et Tucho l’a très bien compris. Car

« Tucho n’est pas un imbécile. Il sait que ce qu’il dit est une hérésie et il sait qu’il ne sera pas réprimandé. Selon certains qui le connaissent, il veut recevoir autre chose et c’est pour cela qu’il essaie de plaire au souverain ».

C’est vrai.

Et vive Tucho. Embrasser, ça s’apprend..

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