Nico Spuntoni a fait un travail considérable de compilation de la liste des futurs nouveaux cardinaux. Nous ne connaissons pas (en tout cas, moi) la plupart d’entre eux, et la lecture de leurs cv est un peu fastidieuse, mais elle revêt un intérêt spécial du fait que parmi eux, il y a peut-être le futur pape – sans compter que, vu leur « jeune » âge, ils resteront électeurs encore longtemps et donc façonneront durablement la physionomie de l’Eglise. Leur orientation ne laisse aucun doute: ce n’est plus un collège électoral, c’est la cour d’un Roi, qui récompense ou punit selon son bon plaisir! Quid de l’universalité de l’Eglise? Le message est clair:

Ce pontificat doit durer aussi après la mort du pape.

François et les 21 nouveaux cardinaux, une hypothèque pour l’avenir

Nico Spuntoni
lanuovabq.it

Le pape annonce son dixième consistoire pour le 30 septembre. Son critère personnaliste, qui ne tient pas compte du prestige des diocèses, est confirmé. Ce qui ressort c’est le jeune âge de nombreux cardinaux à venir et l’intention d’influencer le futur pontificat.

Vingt-et-un nouveaux cardinaux, dont dix-huit sont électeurs et trois ont plus de quatre-vingts ans. Lors de l’Angélus d’hier, François a annoncé que son dixième consistoire se tiendrait le 30 septembre, avant la session d’ouverture du synode tant attendu et tant discuté sur la synodalité.

En parcourant la liste des noms des nouveaux cardinaux, on constate que le pape a encore privilégié des choix non traditionnels, ne récompensant pas les titulaires de diocèses considérés comme historiquement cardinalices.

Ainsi, l’archevêque de Milan, Mario Delpini, reste en dehors du Sacré Collège, tandis que la pourpre revient à un autre Lombard, le patriarche latin de Jérusalem, Pierbattista Pizzaballa.

Un Consistoire où il y aura peu d’Italie : aucun évêque diocésain, alors que le curial Claudio Gugerotti, préfet du Dicastère pour les Églises orientales, dont le nom a initialement tourné pour la mission du Saint-Siège à Moscou, et Mgr Agostino Marchetto, nonce apostolique et éminent spécialiste du Concile œcuménique Vatican II ainsi que partisan de l’herméneutique de la réforme dans la continuité, qui, à 82 ans, n’entrera cependant pas au Conclave, deviendront cardinaux.

Outre l’augustinien Robert Francis Prevost, que François a voulu à la place du cardinal Marc Ouellet à la tête du Dicastère pour les évêques, le nouveau préfet du Dicastère pour la doctrine de la foi, le fidèle argentin Víctor Manuel Fernández, lié à Bergoglio depuis son passage à Buenos Aires, entrera lui aussi dans le Sacré Collège.

Un autre nom qui ressort de la liste des cardinaux dont la création a été annoncée par le pape est celui de Stephen Chow Sau-yan, le jésuite devenu évêque de Hong Kong en 2021 après une longue impasse pour ce rôle et qui a gagné l’estime de son prédécesseur, le cardinal Joseph Zen Ze-kiun.

Autre Asiatique, le Malaisien Sebastian Francis, évêque de Penang. À 57 ans seulement, José Cobo Cano, le nouvel archevêque de Madrid, devient lui aussi cardinal. La NBQ avait parlé de lui il y a peu, le donnant comme l’un des favoris pour succéder au cardinal Osoro Sierra, précisément en raison d’un profil très en phase avec l’actuel pontificat.

François regarde à nouveau vers l’Europe de l’Est et en particulier vers la très catholique Pologne, mais il ne récompense pas l’archidiocèse qui était celui de son prédécesseur Jean-Paul II : Cracovie, en effet, reste sans la pourpre qui va en revanche à Łódź avec la création de l’archevêque Grzegorz Ryś comme cardinal. L’archidiocèse de Łódź est celui dont est originaire un autre cardinal polonais, l’aumônier Konrad Krajewski, dont Ryś est un grand ami.

Le pape a ensuite honoré deux nonces apostoliques actuels : Mgr Christophe Pierre, successeur de Carlo Maria Viganò à la nonciature apostolique aux États-Unis, et le Suisse Emil Paul Tscherrig, nonce en Italie et à Saint-Marin. Tous les nonces apostoliques en Italie, à l’exception d’Adriano Bernardini et de Romolo Carboni, ont été créés cardinaux, mais généralement à la fin de leur mandat.

Beaucoup d’Amérique du Sud dans les choix du premier pontife non-européen de l’histoire.

L’Argentin et jésuite Ángel Sixto Rossi est un autre représentant de la génération Bergoglio, comme son compatriote Fernández. Leur connaissance est plus longue que celle de Tucho : à l’occasion de son ordination épiscopale en 2021, après que le pape l’a voulu archevêque de Córdoba, Rossi l’a remercié, rappelant qu’ « un jour, alors qu’il était Jorge Bergoglio, il m’a ouvert les portes de la Compagnie de Jésus et maintenant, malgré mes faiblesses qu’il connaît, il m’invite à franchir ce seuil ». Lorsqu’il était supérieur provincial des jésuites argentins, François avait de nombreux ennemis, mais aussi un groupe de fidèles dont le cardinal élu faisait partie, se retrouvant formateur au séminaire et travaillant ensuite avec lui dans l’église du Sauveur à Buenos Aires.

(…)

Parmi les plus de 80 ans, il y a un autre Argentin, le père Luis Dri, 96 ans, confesseur capucin au sanctuaire de Notre-Dame de Pompei à Buenos Aires, et souvent cité par François dans ses discours pour son « habitude » de trop pardonner. Un symbole de la conception que le pape a du sacrement de pénitence, puisqu’aux confesseurs qu’il rencontrait, encore récemment, il disait : « Pardonnez tout, pardonnez toujours, sans mettre le doigt sur votre conscience ».

En ce qui concerne l’Afrique, François inclut dans le club le plus exclusif du monde le Sud-Africain Stephen Brislin, archevêque du Cap, le Soudanais Stephen Ameyu Martin Mulla, archevêque de Juba, et le Tanzanien Protase Rugambwa, archevêque coadjuteur de Tabora.

Martin Mulla, qui a eu l’occasion d’accueillir le Pape au Sud Soudan en février dernier, a fait l’objet d’une vive protestation de la part d’un groupe de prêtres locaux à l’annonce de sa nomination comme archevêque de Juba en 2019. Ses opposants ont pris la plume pour écrire une lettre au Vatican, avançant des accusations sur la conduite morale du prélat, dénonçant des motivations tribales et menaçant de le boycotter.
Face à cette levée de boucliers, François n’a pas reculé et a confirmé son choix. Aujourd’hui pour Mulla, c’est même l’annonce de la pourpre selon un schéma réparateur qui avait déjà été vu dans le cas du Nigérian Peter Ebere Okpaleke qui n’avait jamais réussi à prendre possession du diocèse d’Ahiara qui lui avait été initialement attribué. Ce nouveau cardinalat donne l’image d’un pape déterminé à ne pas tolérer les querelles tribales dans les nominations épiscopales au point de « dédommager » ceux qui en sont victimes en les faisant entrer au Sacré Collège.

Stephen Brislin, quant à lui, est l’un des évêques les plus progressistes d’Afrique et a déploré que l’Église ne soit toujours pas un foyer pour les homosexuels et les divorcés.

L’archidiocèse de Paris reste lui aussi privé de la pourpre, malgré le changement entre Michel Aupetit et Laurent Ulrich. En revanche, le diocèse d’Ajaccio pourra s’enorgueillir d’un cardinal, Mgr François-Xavier Bustillo, que François a apprécié en remettant aux prêtres présents à la messe chrismale de 2022 son livre intitulé « Témoins, pas fonctionnaires ». Mgr Bustillo, né en Espagne mais naturalisé français, n’a que 54 ans.

Le Portugais Américo Aguiar, que François a nommé auxiliaire de Lisbonne il y a trois ans, est encore plus jeune. Ancien militant écologiste, bras droit de l’actuel patriarche de Lisbonne, le cardinal Manuel Clemente, lorsqu’il dirigeait le diocèse de Porto, Aguiar est chargé d’organiser la nouvelle édition des JMJ à Lisbonne, en précisant que le but de l’événement n’est pas de « convertir les jeunes au Christ, ni à l’Eglise catholique, ni à quoi que ce soit d’autre ». L’Espagnol Don Angel Fernandez Artime, 62 ans, est quant à lui le recteur principal des Salésiens, qui recevra également l’ordination épiscopale.

Une fois de plus, François choisit d’utiliser un critère personnaliste pour la création de nouveaux cardinaux, sans tenir compte de la taille ou du prestige des diocèses.

A propos de cette méthode, il n’y a plus l’effet de surprise du premier consistoire, celui de 2014, mais l’imprévisibilité de l’affectation des cardinaux demeure. Mgr Rino Fisichella est confirmé à la tête du département sans pourpre, tout comme l’exclusion déjà évoquée de l’archevêque de Milan, Mario Delpini, n’est pas surprenante, tandis que celle de ses  » collègues  » de Naples, Turin et Gênes Domenico Battaglia, Roberto Repole et Marco Tasca est moins prévisible.

L’Océanie qui, après la mort du cardinal George Pell, ne peut compter que sur quatre cardinaux, dont trois électeurs, est ignorée. En revanche, pas de pourpre pour Mgr Anthony Colin Fisher, archevêque métropolitain de Sydney et primat d’Australie ainsi que disciple du Cardinal Pell.

Quoi qu’il en soit, le fait le plus marquant du nouveau Consistoire est le jeune âge de nombreux cardinaux élus, ce qui peut être interprété comme un message : ce pontificat doit durer même après la mort du pape.

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