Je reprends tel quel, illustration comprise, un article que j’avais écrit il y a neuf ans, en partant d’une réflexion elle-même antérieure (2012), du philosophe et historien français Alain Besançon (disparu ces jours ci, je viens de m’en apercevoir, et dans le silence total des médias) – et en toute modestie, l’article pourrait avoir été écrit hier, sans parler évidemment du texte magnifique d’Alain Besançon. A l’époque, on était à la veille du funeste Synode sur la famille, aujourd’hui, on attend avec un mélange d’impatience et d’angoisse ce qui va bien pouvoir sortir du prochain Synode sur la synodalité, dont beaucoup attendent rien de moins qu’une révolution dans l’Eglise, donc, vraisemblablement, le point final d’un schisme rampant et voulu.

L’Eglise à la veille…

mais à la veille de quoi? Réflexion à la veille du Synode (23/9/2014)


Vincent Van Gogh, « Champ de blé aux corbeaux » (1890)
Tableau peint quelques jours avant le suicide du peintre

Le monde à la veille… C’était le titre d’une réflexion d’Alain Besançon, elle-même inspirée d’une nouvelle de Tourgueniev, parue dans l’OR du 10 janvier 2012 et que j’avais traduite quelque part dans ces pages.
L’intellectuel français (membre, comme Joseph Ratzinger, de l’Académie des sciences morales et politiques) méditait sur l’atmosphère d’inquiétude indéfinissable, d’autant plus étrange qu’elle n’était pas vraiment justifiée par des faits objectifs, qui pesait sur le monde en ce début d’année.
J’en extrais ces quelques lignes:

Je pense à un roman de Tourgueniev, qui s’intitulait « A la veille ». Nous avons nous aussi l’impression d’être « à la veille », mais nous ne savons pas de quoi….
Nous sentons que notre monde est en danger..
Si nous avons la chance d’être chrétiens, nous avons appris à distinguer l’attente de l’espérance. A l’attente, nous ne pouvons échapper, mais il ne faut pas oublier que nous savons très peu de choses. Nous ne savons pas si notre appréhension anxieuse est exagérée. Nous craignons quelque chose d’imminent. …

Le même sentiment étreint beaucoup de catholiques en ce mois de septembre 2014, à la veille du Synode tant attendu (et tant redouté) par certains. Aujourd’hui aussi, « nous sommes ‘à la veille‘, mais nous ne savons pas de quoi »… et nous sentons que « l’Eglise est en danger ».
C’est bien cette même peur diffuse qui fait peser sur nous son poids invisible, mais non moins oppressant.
Certains vont jusqu’à parler de schisme. D’autres affirment contre toute évidence que la barque de Pierre avance sur une mer d’huile, qu’il ne se passe rien, mais on sent bien que leur optimisme de façade n’est destiné qu’à se convaincre eux-mêmes.
Peut-être nous dirons-nous encore dans un an (où, selon un cycle constamment renouvelé, nous serons évidemment à nouveau « à la veille » de quelque chose) qu’il ne s’est rien passé, en ce mois d’octobre 2014.
Ou bien, plus probablement, comme Alain Besançon (parlant à l’époque du printemps arabe qui avait commencé un an plus tôt):

Un an après, nous prenons conscience d’être en quelque sorte au centre d’un vaste mouvement dont nous ne connaissons pas la conclusion et dont nous ne savons même pas exactement en quoi il consiste. Ce que nous devons faire, en attendant d’y voir clair, c’est de réduire notre déficit cognitif. Avant d’agir ou de ne pas agir, nous devons d’abord comprendre.

Essayons, comme lui, de conclure sur une note positive:

Quant à l’espérance, nous devons la considérer comme un don précieux, un trésor à aimer. Nous ne savons pas, en effet, si, à côté de tout ce qui meurt, ne va pas naître quelque nouvelle merveille. Comme si d’autres merveilles, tout aussi inattendues, ne s’étaient pas produites à l’improviste dans le cours de notre histoire, en ces temps qui, de toutes façons sont «les derniers».

Share This