A l’occasion du 15 août, Mgr Gänswein a célébré la messe dans un sanctuaire marial bavarois récemment restauré dans le style rococo d’origine, Maria Vesperbild, (qui doit son nom à un tableau représentant la Pietà au-dessus de l’autel), près d’Augsbourg – « la plus russe des villes de Bavière » par sa population. Un chemin de croix conduit de l’église à une Grotte de Fatima, ce qui explique les questions du journaliste. Les propos paraissent anodins, ou du moins peu polémiques à part le jugement sévère sur les abandons dans l’Eglise allemande, mais les goûts liturgiques et les images parlent d’eux-mêmes. Et l’Eglise de Georg Gänswein est très loin de l’Eglise en sortie de François.

GÄNSWEIN : LES ABANDONS DANS L’ÉGLISE ALLEMANDE ? « SIGNE QU’IL Y A QUELQUE CHOSE DE POURRI ».

L’archevêque Gänswein parle de la Russie, de Fatima, de l’orientation des autels et de l’Église allemande.


Silere non possum

Le nombre élevé d’abandons dans l’Église catholique allemande est un signe que « quelque chose est pourri à l’intérieur de l’Église » a affirmé Mgr Georg Gänswein, préfet émérite de la Maison pontificale, à l’hebdomadaire allemand Die Tagespost.

Mgr Gänswein a souligné que « lorsque la foi n’est plus proclamée avec force et joie, et qu’il y a beaucoup d’autres choses qui ne contribuent pas du tout à la transmission de la foi, ce n’est qu’une question de temps avant qu’une branche qui n’est plus nourrie ne se dessèche et ne pourrisse ».

À l’occasion de la solennité de l’Assomption de la Vierge Marie au ciel, l’archevêque a présidé une messe au sanctuaire Maria Vesperbild, près de Ziemetshausen, en Bavière.

À propos de la récente restauration du sanctuaire, l’archevêque a souligné qu’il appréciait beaucoup l’autel « ad orientem » car « il favorise le recueillement intérieur et n’entrave pas la prière de ceux qui participent à la célébration de la Sainte Messe. Le regard commun vers le Seigneur ne dérange pas, mais contribue à la rencontre ».

Voici l’interview que l’archevêque a accordée à un hebdomadaire allemand.

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Interview de l’hebdomadaire Die Tagespost avec S.E.R. l’archevêque Georg Gänswein

Excellence, le sanctuaire de Maria Vesperbild a conservé sa structure rococo après sa restauration. De votre point de vue, dans quelle mesure la décision de ne pas moderniser un tel lieu est-elle justifiée ? Ou auriez-vous souhaité une touche plus moderne ?

Je connais Maria Vesperbild depuis 1988 et elle a toujours été pour moi un lieu qui m’invitait à prier, où je me sentais à l’aise et où je pouvais m’épancher, même de manière sacramentelle. J’en suis toujours ressorti rafraîchi et revigoré. À mon avis, la rénovation a été très efficace. En ce qui concerne la « restauration », le charme de Maria Vesperbild n’a pas besoin d’être renouvelé. Au contraire, je suis convaincu que le renouveau intérieur de l’être humain reçoit une grande impulsion de la restauration extérieure, telle qu’elle apparaît dans le Vesperbild [l’image de la Pietà]. À cet égard, pour moi, rien ne manque et je ne moderniserais ni ne changerais quoi que ce soit.

Dans Maria Vesperbild, on a délibérément décidé de ne pas avoir d’autel coram populo. Quelle signification revêt pour vous la célébration sur le maître-autel ?

Oui, j’aime beaucoup célébrer sur cet autel. L’orientation vers l’Est ou ‘versus Dominum‘ – vers le Seigneur – donne aussi un recueillement intérieur qui, à mon avis, ne nuit pas à la prière des participants à la célébration de la Sainte Messe. Le regard commun vers le Seigneur ne dérange pas, mais contribue à la rencontre. Et c’est là le sens de la Sainte Messe : être orienté vers le Seigneur, prier le Seigneur et recevoir le sacrement du Seigneur.

Quel est le message de la Pieta sur le maître-autel ? Qu’est-ce que les gens peuvent en apprendre ?

Pour moi, la Pieta n’est pas seulement un symbole de maternité, de confiance et de dévotion. Elle nous invite à faire confiance à la maternité de Marie. Elle n’exprime aucun manque et ne représente pas non plus quelque chose de désuet qui n’est plus en phase avec notre époque. La maternité s’adapte à toutes les époques, même si certains ne la considèrent plus comme telle. L’image de la Pieta est en définitive le signe que le Christ est en sécurité dans le sein de sa Mère. Il est sorti de son sein et gît comme un cadavre sur ses genoux après la crucifixion. C’est un signe du début de la vie et de la fin de la vie. Sur le plan spirituel, la contemplation de la Pieta m’apporte toujours beaucoup ; elle me fortifie et me donne une force intérieure. Les gens ont besoin d’un lieu géographique où ils peuvent s’agenouiller pour avoir un contact plus direct avec la Vierge. Les lieux de pèlerinage nous invitent à séparer l’essentiel du non-essentiel et à en prendre conscience. Nous ne sommes pas orphelins. Là où il y a la Mère, il y a toujours le Fils.

Le nombre élevé de personnes qui quittent l’Église en Allemagne a mis en lumière la crise de la foi. Quelle contribution un lieu comme Maria Vesperbild peut-il apporter à la guérison de la crise de l’Église ?

Puis-je répondre par une formule tranchante ? Maria Vesperbild est un antidote au poison du Zeitgeist (l’esprit du temps). On a beaucoup parlé des abandons de l’Église. Pour moi, ils sont le signe qu’il y a beaucoup de pourriture dans cette Église. Si la foi n’est plus proclamée avec force et joie et qu’il y a beaucoup d’autres choses qui n’aident pas du tout à la transmission de la foi, alors ce n’est qu’une question de temps avant qu’une branche qui n’est plus nourrie ne se dessèche et ne meure. Ou, pire encore, que l’on en arrive au point où les racines ne nourrissent plus l’arbre.

Comment évaluez-vous l’image de Marie 2.0 ?

Si l’on écarte la Vierge de la vitalité de la foi parce que l’on a une certaine image d’elle, il en résulte une image déformée de Marie. Marie elle-même n’a pas besoin d’être réformée.

Que signifient les sanctuaires mariaux pour vous personnellement ?

Maria Vesperbild et d’autres lieux sont des « stations de ravitaillement » pour ma foi personnelle. Les nombreuses personnes qui viennent, jour après jour, montrent qu’elles apportent ici quelque chose à leur vie qu’elles ne reçoivent manifestement pas ailleurs. Il s’agit de découvrir les sources intérieures de la foi, de les laisser couler et d’y puiser force et confiance.

Maria Vesperbild est située à proximité de la « ville la plus russe de Bavière » : Augsbourg. Près de 12 % des habitants d’Augsbourg sont des rapatriés ou des migrants originaires des anciens États du bloc de l’Est. Des personnes de toutes nationalités se rencontrent à la Grotte de Fátima. Comment lisez-vous le message de Fatima dans le contexte de la guerre russe contre l’Ukraine ?

Le fait que la Vierge attire des gens de nations en guerre qui se rassemblent pacifiquement devant la Vierge est un signe clair que la Vierge est une médiatrice de paix. Ce que beaucoup s’efforcent de faire à grande échelle depuis longtemps est déjà pratiqué à petite échelle devant la Vierge. La question de savoir dans quelle mesure le message de Marie peut s’infiltrer dans les grandes décisions politiques est une autre question, mais il est évident que c’est possible. Cela donne de l’espoir.

Une partie du message de Fatima est l’annonce de la conversion de la Russie. Beaucoup espéraient que cela se produirait avec la chute du rideau de fer. Devons-nous continuer à prier pour la conversion de la Russie ?

On a beaucoup prié pour la conversion de la Russie et le pays a été consacré à plusieurs reprises au Cœur Immaculé de Marie. La conversion de la Russie est toujours une mission d’actualité, mais cette mission n’est évidemment pas réservée à la Russie. Le message de Fatima inclut la conversion de tous les cœurs. Cela est vrai aujourd’hui plus que jamais.

Lors de son pèlerinage à Fatima en 2010, le pape Benoît XVI a déclaré que la mission prophétique de Fatima n’était pas encore terminée. Entre-temps, le pape François a également consacré à nouveau le monde au Cœur Immaculé. Comment les fidèles doivent-ils comprendre cela ?

Il est évident que la consécration au Cœur Immaculé de Marie n’est pas un automatisme avec lequel se termine une mission ou le dernier acte d’un jeu. Ce n’est pas non plus une question de dates. La mission prophétique de Fatima n’est pas quelque chose de ponctuel, mais de permanent. On a beaucoup parlé de cette parole du pape Benoît, mais à mon avis, on n’en a pas encore donné une interprétation claire.

À cette occasion, le pape Benoît a également parlé dans son homélie du triomphe du Cœur Immaculé, qu’il appelait de ses vœux. Qu’y a-t-il d’eschatologique ici ?

L’eschatologie s’étend à la vie terrestre, bien que nous ne sachions pas exactement dans quelle mesure. Je suis convaincu qu’il y a bien une sorte d’anticipation eschatologique dans le message de Fatima, mais elle n’est pas encore devenue une réalité aussi convaincante que beaucoup l’espéraient et continuent de l’espérer.

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