En 2014 paraissaient les mémoires posthumes de Louis Bouyer (1913-2004), dans lesquels le théologien ex-luthérien converti au catholicisme et l’un des protagonistes de Vatican II, racontait entre autre comment il avait rencontré le jeune Joseph Ratzinger lors des travaux du Concile, et la sympathie mutuelle qu’ils avaient spontanément ressentie [Annexe]. Nous en avions un peu parlé à l’époque, et Sandro Magister lui avait consacré un article qui vaut la peine d’être relu (cf. Les Mémoires enflammés du converti que Paul VI voulait faire cardinal).
Le blog argentin The Wanderer rappelle ici les propos prophétiques de Louis Bouyer. A la veille du synode sur la synodalité, pas un mot n’est à changer. Ou presque (à l’époque, Bouyer parlait de « conciliarité », mais c’est exactement la même idée)

Bouyer sur la farce de la synodalité

La géniale illustration de The Wanderer
Fernando Botero,
Le séminaire, 2004, HST (collection privée)

caminante-wanderer.blogspot.com

Voilà ce qu’écrivait Louis Bouyer, un homme de génie, à propos de sa participation frustrante aux commissions du Concile Vatican II.

Ce qui est curieux, c’est que ces mêmes mots, un par un, pourraient s’appliquer au synode de synodalité qui s’ouvre. Des évêques, des prêtres, des religieuses et des laïcs se réuniront dans des dizaines de commissions, invoqueront l’Esprit Saint, recevront son inspiration et émettront des paroles prophétiques sur l’Église et tous les changements nécessaires. Et le pape François écoutera avec admiration les paroles que le Paraclet a prononcées par l’intermédiaire de ceux qu’il a lui-même choisi d’inspirer.

C’est une farce indéniable, et comment peut-elle être justifiée par ceux dont c’est le devoir ? Certes, Tucho Fernandez, préfet de la doctrine de la foi, n’aura aucun mal à signer toutes les inepties qui en sortiront, et à les aggraver si nécessaire. Mais qu’en est-il des autres, des cardinaux qui ont la foi catholique et des évêques ? Je crains qu’ils ne restent silencieux, même si une comédie comme celle à laquelle nous assisterons en octobre se joue sous leurs yeux et sous les yeux du monde entier.

 » Après ces diverses expériences, on comprendra que je n’ai pas conservé beaucoup de mon enthousiasme juvénile pour la « conciliarité » en général, et encore moins pour cette conciliarité de pacotille qu’on appelle abusivement aujourd’hui « collégialité » [synodalité, dirions-nous actuellement], dans laquelle quelques méchants, par ruse, font croire aux « grands personnages » qui composent ces instances collégiales qu’ils ont pris des décisions qu’en réalité, d’autres ont prises à leur place « 

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(Mémoires, Cerf, Paris, 2014, p. 204).

Annexe

DEUX THÉOLOGIENS DU CONCILE: JOSEPH RATZINGER ET LOUIS BOUYER
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Ils siégèrent tous deux, dans les années soixante-dix, à la Commission pontificale internationale de théologie créée par Paul VI.
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Que dit Joseph Ratzinger de Louis Bouyer dans « Ma vie » (éd. Fayard, p. 128)?

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«Louis Bouyer, un converti (ndlr. du protestantisme luthérien), était une personnalité particulièrement marquante, avec son extraordinaire connaissance des Pères de l’Eglise, de l’histoire liturgique, des traditions juive et biblique».

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Et que dit Louis Bouyer de Joseph Ratzinger dans « Mémoires » (éd. Cerf, p.202)?

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«Le pape nous demanda de réfléchir sur certains thèmes d’actualité, comme le ministère sacerdotal ou le pluralisme théologique dans l’Eglise. Nous produisîmes là dessus, à tout le moins, quelques digests des plus sérieuses recherches contemporaines.
La clarté de vision, la très large information, le courage intellectuel en même temps que le jugement pénétrant de Joseph Ratzinger s’y distinguèrent très spécialement… comme aussi son humour plein de gentillesse, mais pas facile à duper.
Assis pendant les séances généralement entre lui et Hans Urs von Balthasar, j’avoue que nos a parte m’aidèrent singulièrement à supporter les discours intempérants de certains de nos collègues et les disputes sur des pointes d’aiguille de quelques autres».

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https://benoit-et-moi.fr/2014-II-1/benoit/lestime-mutuelle-de-deux-theologiens.html
(Merci à mon amie Monique, que je salue)

L’HUMOUR DE JOSEPH RATZINGER

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Louis Bouyer, assis entre Joseph Ratzinger et Hans Urs von Balthasar (que Jean Paul II créera cardinal), s’apprête à écouter une intervention que Karl Rahner vient tout juste de commencer. Tout d’un coup il entend Joseph Ratzinger chuchoter :

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« Nous allons entendre encore un monologue… sur le dialogue !! »

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https://benoit-et-moi.fr/2014-II-1/benoit/lhumour-de-joseph-ratzinger.html
(et merci à Marie-Anne)
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