Une lettre de Mgr Agüer, archevêque émérite de La Plata. Parole de pasteur. A partir de considérations linguistiques (savantes), il nous explique comment le Synode sur la synodalité, en se déroulant selon des procédures et un timing totalement inhabituels, trahit et contredit le concept originel de synode. S’il voulait être vraiment prophétique, au lieu de faire des clins d’oeil complaisants, il devrait dénoncer l‘Agenda 2030, « un projet mondialiste des Nations unies » qui, sous couvert de protection de l’environnement et de « développement durable » veut imposer des politiques d’avortement et d’ ‘éducation sexuelle complète’  » contraires au magistère de toujours de l’Eglise.

Le synode serait vraiment prophétique s’il dénonçait l’Agenda 2030 de l’ONU, au lieu de cela il le fait sien et approuve le péché

+ Mgr Héctor Aguer
Archevêque émérite de La Plata

« Synode » est la traduction exacte du substantif grec synodos. Il est intéressant de noter les éléments à partir desquels le mot est formé : syn, comme adverbe, signifie « ensemble, tous ensemble, en même temps », et comme préposition, il peut être traduit par « avec », « au moyen de ». Le substantif synodos indique une réunion, une assemblée et aussi un compagnon de route. Le syn se compose avec hodos, « voie, chemin, guide » (il est féminin en grec).

Historiquement, dans l’antiquité chrétienne, le synodos était appelé convocation et réunion des évêques, selon les provinces ecclésiastiques, chacune présidée par le métropolite, qui se réunissaient en assemblée pour discuter des questions de la plus haute importance, pour définir les doctrines et pour condamner et réfuter les hérésies, en notant l’hétérogénéité de ces erreurs, en contradiction avec la didachè, dont le fondement se trouve au début de l’époque apostolique. Deux caractéristiques principales sont à retenir : les protagonistes sont toujours les évêques, successeurs des apôtres de Jésus, et la durée est déterminée dans le temps, sans excès.

L’histoire de l’Église offre de nombreux témoignages de l’échange entre synode et concile, nom lui aussi dérivant du latin.

Aristote affirmait à juste titre que le chemin, en tant que mouvement, s’identifie au but ; le but est ce qui nous permet de reconnaître la route qui y mène, en l’identifiant au lieu auquel elle conduit. Pour donner un exemple banal, si l’on veut aller à Mar del Plata, on ne prendra pas la route qui mène à Cordoue.

Concilium est une voix purement cicéronienne. Selon Cicéron, la nature nous réconcilie, nous unit avant tout aux dieux, aux pères et à la patrie. Concilium est l’équivalent d’assemblée, de congrès. L’histoire a réservé à concilium le sens de convocation universelle de l’Église ; les synodes, en revanche, sont des réunions partielles, d’un pays, d’une région, d’un groupe de nations. Concile et synode sont synonymes. La référence à Dieu et aux Pères bibliques – c’est-à-dire à la Tradition – identifie l’Église et ses conciles. Synode ou synhodos, transcription latine du nom grec, est d’usage classique et se retrouve dans les écrits des saints Pères de l’Occident.

La référence linguistique sur laquelle je me suis attardé n’est pas vaine ; elle nous rapproche de la nature des réalités abordées. Le nom est la chose.

Le synode proposé par Rome présente des caractéristiques nouvelles et inhabituelles. Il est en cours depuis deux ans, avec une consultation élargie, à travers les diocèses, à toute l’Église.

Le tout est une amplification, impossible à réaliser:

  • La prétendue démocratie cache la réalité : les résultats seront décidés par le Pontife, et il renoncera difficilement à la gestion volontaire des orientations qu’il souhaite. A ce stade du pontificat, on sait déjà quelles inclinations seront enregistrées dans le synode. Que « c’est moi qui décide » soit d’une démocratie, qui peut être dupe ?
  • Le temps du synode est de plusieurs années.
  • Une autre nouveauté est la participation des laïcs et, selon la « perspective de genre », également des femmes. C’est la première fois que cela se produit ; les évêques ne sont pas les seuls protagonistes.

Il est à craindre que ce synode universel ne subisse la contagion du synode allemand, qui sent l’hérésie. Rome se tait, et l’on peut soupçonner que le silence est consentement. Le synode allemand est obsédé par deux questions principales : la communion des divorcés ayant contracté une seconde union et la demande d’une plus grande inclusion des homosexuels dans la communion ecclésiale. Je ne parle pas ici des nombreux membres du clergé qui sont homosexuels. En outre – et il s’agit déjà d’une question historique – l’opposition à l’encyclique Humanae vitae de Paul VI. Et comme le rappelle le journal La Prensa de Buenos Aires, « François a fait de la crise climatique l’un des piliers fondamentaux de son leadership décennal ». Il est très probable que le synode actuel reprenne également ce thème et insiste dessus.

Il est inquiétant qu’il y ait des signaux de bienveillance de Rome à l’égard de l’Agenda 2030 de l’ONU. A l’inverse, l’Église devrait annoncer prophétiquement l’opposition de ce programme à l’anthropologie chrétienne et à l’ordre naturel. Je m’attarde sur cette question, qui est de la plus haute importance. L’Agenda 2030 est un projet mondialiste des Nations unies et des agences partenaires qui font pression sur les États pour qu’ils adoptent des politiques d’avortement et d’ « éducation sexuelle complète ». Les objectifs de cet agenda sont liés à la « perspective de genre » ; en réalité, il s’agit d’une idéologie, qui est le fondement éducatif par excellence. Il y a une véritable obsession à adopter la question sexuelle comme base de toute discussion. Cela a des répercussions sur la politique démographique, comme nous l’avons vu lors de la Conférence internationale sur la population et le développement (Bucarest, 1974). Lors de l’édition 1994 de cette même conférence, convoquée au Caire, il a été demandé aux États d’approuver la légalisation de l’avortement et des mesures éducatives pour réduire le taux de natalité. En réalité, il est devenu difficile de s’opposer à cette demande.

Le philosophe argentin Agustín Laje Arrigoni, dans son livre Generación idiota. Una critica dell’adolescentismo , affirme que « l’idéologie du genre est ainsi devenue un dogme scolaire ». L’auteur décrit comment, contre la volonté des familles et en violation de leurs droits, de leurs croyances et de leurs valeurs, les enfants sont endoctrinés au nom de l’éducation sexuelle complète. Les faits sont inconvenants, répugnants. Je cite les pages 217 et 218 du livre:

« Des enseignants bien formés par l’État sont obsédés par l’idée de leur apprendre à se masturber, à utiliser des jouets sexuels, à se déguiser en drag queens, à pratiquer le sexe oral, à se préparer à la pénétration anale, à croire que l’identité sexuelle est un concept ouvert à des possibilités infinies, à recourir à l’avortement de différentes manières si elles le souhaitent, à accéder à des bloqueurs d’hormones et à des hormones synthétiques si elles veulent changer de sexe. Tout en leur parlant des droits de la femme et en les confrontant à l’oppression du patriarcat, on insiste sur le fait que la biologie ne détermine en rien leur identité. Les organisations internationales comme l’Unesco produisent des manuels à imposer aux États ».

Le pape et le synode devraient dénoncer de manière prophétique les excès de l’Agenda 2030. Leur réaction serait une véritable prophétie, un exercice apostolique de vigilance et de reconnaissance du mal qui se cache dans l’agenda mondialiste. Mais il y a quelque chose de plus élémentaire encore : le concept de péché est écarté, il serait une atteinte à la bonté de Dieu et à la dignité de l’homme créé à son image et à sa ressemblance.

Où mène la voie synodale ? Il conduit à l’approbation implicite du péché et à une tolérance vicieuse. Le Catéchisme de l’Église catholique est très clair sur les déviations qui menacent l’ordre de la Vérité et de la Bonté. Le monde a besoin que l’Office apostolique soit exercé avec prudence : le but ne doit pas être confus, le chemin ne doit pas être erroné.

Il existe une autre interprétation, qui identifie dans l’erreur de parcours une composante d’ordre préternaturel : le piège de l’Ennemi de Dieu, de l’Église, de l’homme. Il est opportun de rappeler le discernement auquel Paul VI est parvenu de manière inattendue au milieu du chaos des années 70 : « Par quelque fissure, la fumée de Satan s’est infiltrée dans l’Église d’aujourd’hui ».

J’exclus tout millénarisme ; la fin approche analogiquement à divers moments historiques de la vie de l’Église. Les apparitions mariales du siècle dernier mettent en garde contre l’administration empoisonnée du mal, du péché qui ruine l’œuvre de Dieu. Le témoignage des saints nous permet également de reconnaître cette administration empoisonnée du mal. Ce n’est pas nous qui approchons de la fin de l’histoire, c’est l’histoire qui s’approche de nous, et c’est ainsi que se réalise le principe motus in fine velocior : le mouvement s’accélère vers la fin. Le progressisme de l’actuel pontificat réapparaît au milieu des ruines qu’il a produites et déploie ainsi ses dernières ressources.

C’est dans cette perspective que l’on peut interpréter la vie de l’Église, dans laquelle se manifeste aussi la Providence de Dieu.

Restons humbles devant le Mystère des desseins insondables du Seigneur de l’Histoire.

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