Quel est l’état de l’Eglise à la veille de l’ouverture des travaux? Stefano Fontana fait une sorte de « pré-bilan » et ce qui en émerge n »est pas propre à rassurer: le « peuple » ne s’y intéresse pas, façon polie de dire qu’il s’en fiche, le Synode apparaît comme une affaire d’initiés qui concerne une frange négligeable de nostalgiques du passé et /ou d’excités. La presse mainstream n’en parle pas, l’information ne concerne qu’un public de niche. Les revues spécialisées (comme ce blog lui-même en témoigne jour après jour) multiplient les analyse qui montrent une volonté définitive de NE PAS écouter l’autre. Les évêques, tant au niveau collectif (conférences épiscopales) qu’individuel semblent prêts à s’écharper, au point que parler de « frères dans l’épiscopat » résonne comme une sinistre farce: on est très loin de la « correction fraternelle ». Sans parler de la direction elle-même qui a décidé de verrouiller les débats et de ne donner la parole qu’à un seul courant, au mépris de la notion de synodalité pourtant brandie comme synonyme de démocratie .
Bref, on assiste à une polarisation massive inédite. L’Eglise n’a jamais été aussi divisée. Que va-t-il sortir de ce « lío » gigantesque voulu par le Pape venu du bout du monde?
Merci QUI???!!

LA RÉVOLUTION D’OCTOBRE

L’Eglise se prépare au Synode entre silence et division

Stefano Fontana
La NBQ
27 septembre 2023

A la veille de l’assemblée qui s’ouvrira le 4 octobre, le déficit d’information prévaut dans le « peuple » (pourtant glorifié) et la polarisation parmi les initiés. Il reste une semaine exactement, mais les effets sont déjà visibles et ils ne sont pas bons.

La première assemblée du Synode sur la synodalité s’ouvrira le 4 octobre : la seconde se tiendra en 2024. On se demande ce que sera ce synode et ce qu’il adviendra de l’Église. A cette question, on lit de nombreuses réponses. En plus de se demander à juste titre ce qu’il adviendra du synode, il est peut-être utile de considérer l’état de l’Église face à lui : comment l’Église se présente-t-elle à l’appel du synode ? Est-elle confiante ? A-t-elle des idées claires ? Est-elle sûre d’elle-même? Se présente-t-elle avec une théologie solide ? Se présente-t-elle avec un magistère clair ? Si ces conditions étaient réunies, un synode ne serait pas nécessaire, diront certains. Si ces conditions n’étaient pas réunies, un synode serait très dangereux, diront d’autres. Quoi qu’il en soit, essayer de clarifier préventivement la situation de l’Église à la veille du Synode n’est pas du temps perdu.

La première observation à faire est le silence sur le Synode. Entendons-nous bien, les initiés en ont beaucoup parlé et en parlent encore. Des numéros de revues spécialisées sont sortis, entièrement consacrés au Synode. Mais on peut se demander si les catholiques, dans leur grande masse, savent qu’il y aura un synode, s’ils savent de quoi il sera question et, surtout, s’ils sont conscients des graves problèmes qui se posent. La participation du peuple chrétien à la phase préparatoire d’écoute est très faible. Il y a un déficit d’information (et donc de participation) qui va à l’encontre de l’accent mis sur la synodalité. Dans les paroisses, on n’entend pas parler du synode. Les homélies n’en parlent pas. On dit que le sujet est systématiquement évité dans les conversations entre prêtres et dans les réunions diocésaines. Même les évêques, du moins dans leur majorité, sont silencieux sur le sujet et personne ne sait ce qu’ils en pensent.

Ce silence est tout à fait inquiétant et nous parle d’une Église incertaine et hésitante, avec une grande masse grise, qui subit l’événement sans comprendre et sans conviction. Si des choix déconcertants devaient sortir du Synode, peut-être qu’une grande partie de ce « peuple du silence » ne dirait rien, comme elle n’a rien dit après Amoris laetitia, mais il se pourrait aussi que ce silence prélude à une résistance passive et qu’il puisse déjà être considéré comme tel. Cette ‘Eglise du silence’ pourrait alors parler, au moins par des actes si ce n’est par des paroles.

Nous pouvons également inclure dans cette zone de silence la prolifération des mots-slogans qui couvrent les questions synodales d’un manteau d’habitudes fatiguées et répétitives. Les expressions sont toujours les mêmes, depuis le discours de François en 2015 à l’occasion du cinquantième anniversaire de la constitution du Synode des évêques jusqu’à l’Instrumentum laboris de cette année : processus, style de vie, cheminer ensemble, écouter, consensus… Ce sont des mots qui ne parlent pas, à force d’en abuser.

Si, parlant de silence, nous avons mentionné une Église incertaine et hésitante, en regardant plutôt le monde des « compétents », nous trouvons une Église très divisée. Par compétents, je me réfère aux cardinaux et aux évêques qui interviennent publiquement sur le sujet, pour ou contre l’esprit du Synode, aux théologiens, aux journalistes, aux intellectuels catholiques et à tout le monde qui publie constamment sur les blogs et les médias sociaux. Ici, l’opposition est très forte et confirme que le Synode, tel qu’il a été conçu, ne sera pas seulement un synode, mais qu’il est proposé comme un changement radical dans la vie de l’Église. C’est comme si nous étions devant un aut aut . Ce qui frappe et anime l’affrontement, c’est la conviction réaliste que ce Synode, traitant non pas de thèmes particuliers mais de la synodalité en tant qu’aspect de l’Église tout entière, pourrait être révolutionnaire et allumer un grand feu au détriment de la tradition.

Ainsi, nous avons des conférences épiscopales qui se rappellent mutuellement à l’ordre, comme les conférences polonaise et allemande. Nous avons des cardinaux qui considèrent la synodalité comme un « cauchemar toxique » (Pell), qui disent prier chaque jour pour que le synode n’ait pas lieu (Burke) ou que l’Église est au bord du précipice (Müller). D’autres cardinaux, en revanche, annoncent qu’ils béniront déjà les couples de même sexe à l’église (Marx), espérant que le synode prévoira cette possibilité comme stable. Il y a des cardinaux qui se retirent du synode, se désistant de la nomination (Ladaria), et des évêques qui annoncent qu’ils n’appliqueront pas les décisions du synode qui sont contraires à la tradition (Strikland) et, menacés, déclarent qu’ils ne démissionneront pas de leur propre volonté, suscitant l’appréciation de hauts prélats (Müller, Viganò). Il y a aussi des groupes de fidèles qui écrivent au pape pour lui demander d’arrêter.

Pendant ce temps, la guerre fait rage entre les revues théologiques. Celles des Jésuites, pas seulement italiens, poussent à la réforme. Celles du « centre modéré » se consacrent à l’approfondissement du concept de synodalité, estimant qu’il n’a pas été clarifié jusqu’à présent. Ils tentent ainsi de ralentir le processus. Les tenants de la tradition approfondissent de manière critique la relation entre synodalité, collégialité et conciliarité, remontant ainsi jusqu’à Vatican II.

Il faut reconnaître que le prochain synode a déjà produit des effets, avant même d’avoir commencé. Les codes de communication sont devenus plus compliqués, les esprits se sont échauffés et les oppositions se sont accrues. L’Église est plus divisée. Ce n’est pas un bon résultat préventif.

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