Ayant pris acte qu’après des années de provocations et de conflits larvés (systématiquement « couverts » par les médias et la cour bergoglienne), la guerre ouverte est finalement déclarée, Riccardo Cascioli relève qu’ « en l’espace de trois jours, le Saint-Siège a concentré des événements et des décisions qui pourraient suffire à plusieurs mois ». Et ceci, selon lui, il y a « un objectif précis : ouvrir plusieurs fronts à la fois afin d’empêcher le débat. Il est impossible de réfléchir sérieusement à un sujet, d’en saisir toutes les implications, d’en évaluer le sens si l’on doit s’occuper de plusieurs choses à la fois ».

Au Vatican, c’est la stratégie de la confusion

Riccardo Cascioli
lanuovabq.it
5 octobre 2023

Synode, réponses (ou présumées telles) aux Dubia, exhortation apostolique sur le climat : autant d’événements importants qui se télescopent pour empêcher le débat et les évaluations approfondies. Et pendant ce temps, un conflit ouvert se profile autour du Synode.

Les événements de ces derniers jours concernant les sujets qui émergeront au Synode, mais qui concernent plus généralement la nature même de l’Église et sa place dans le monde, suggèrent plusieurs considérations. Deux en particulier.

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1- D’abord l’avènement du néo-cardinal Victor Manuel Fernandez à la tête du Dicastère pour la Doctrine de la Foi a clairement ouvert une nouvelle phase du pontificat de François, celle du choix d’une guerre ouverte contre ceux qui osent seulement avancer des doutes ou des perplexités sur telle ou telle déclaration du Pape ou, pire, sur la direction prise par l’actuel pontificat.

Non seulement Fernandez a parlé et jacassé [parlato e sparlato] avant même d’entrer officiellement en fonction comme préfet, mais dès son entrée en fonction, il a immédiatement fait savoir qu’il n’avait pas l’intention de « faire des prisonniers ». Dans une interview accordée au National Catholic Register le 11 septembre, il a qualifié d' »hérétiques et schismatiques » les évêques qui prétendent « juger la doctrine du Pape », inventant un charisme qui n’a jamais existé, selon lequel seul le Pape possède « un don vivant et actif » qui lui permet d’interpréter le dépôt « statique » de la foi. En d’autres termes, le Pape peut décider ce qu’il veut et personne ne peut s’y opposer.
Et le 2 octobre, le même Fernandez a cru bon de publier coup sur coup la réponse du Pape aux premiers Dubia de juillet des 5 cardinaux (en les faisant passer pour une réponse actuelle et définitive) et les réponses à l’archevêque émérite de Prague, le cardinal Dominik Duka, sur la question de la communion aux divorcés remariés , suite à la confusion générée par l’Exhortation post-synodale Amoris Laetitia.

Si l’objectif était de clore certains sujets et de régler les comptes avec ceux qui résistent à la subversion de l’Église, puis de poursuivre tranquillement, selon le plan, l’agenda déjà prêt pour le Synode, les calculs étaient sans doute erronés. En témoigne la réaction vigoureuse du cardinal Raymond Leo Burke qui, lors de la conférence organisée le 3 octobre à Rome par La Bussola, a répondu du tac au tac aux déclarations de Fernandez, revendiquant le devoir de défendre « la doctrine pérenne et la discipline de l’Église », et démontant les inventions théologiques de Fernandez :

« Il faut réfléchir à la gravité de la situation ecclésiale lorsque le préfet du Dicastère pour la doctrine de la foi accuse d’hérésie et de schisme ceux qui demandent au Saint-Père d’exercer l’office pétrinien pour sauvegarder et promouvoir le depositum fidei ».

Et le cardinal Burke ne s’exprime pas seulement à titre personnel, pas plus que les quatre autres cardinaux qui ont signé le sDubia avec lui. Le colloque de Rome « La Babele synodale » a justement montré qu’une partie importante de l’Église est sur la même longueur d’onde et se prépare à « résister ». Le cardinal Gerhard Ludwig Müller et d’autres évêques ont également exprimé publiquement leur soutien aux Dubia et de nombreux autres pasteurs suivront certainement.

Il s’agit donc d’un affrontement ouvert, après des années d’usure et de tactiques sournoises pour changer l’Église. Mais il importe de comprendre qu’il ne s’agit pas simplement d’une lutte de pouvoir entre groupes. Il est vrai que l’écrasante majorité des catholiques ou, pour être plus précis, des pratiquants, est en grande partie indifférente à ce qui se passe, mais c’est la nature même de l’Église qui est en jeu, comme l’a magistralement expliqué le cardinal Burke dans son discours lors du colloque du 3 octobre : il s’agit d’un affrontement entre ceux qui pensent devoir créer une « nouvelle Église » en utilisant le concept vague de synodalité pour rendre la Révélation divine « élastique » et ceux qui, au contraire, défendent ce que l’Église a toujours annoncé au cours des deux derniers milliers d’années.

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2- Un deuxième élément concerne la stratégie suivie par le Pape et sa cour de conseillers. En l’espace de trois jours, le Saint-Siège a concentré des événements et des décisions qui pourraient suffire à plusieurs mois : les réponses déjà mentionnées aux premiers Dubia des « 5 cardinaux » et à ceux au cardinal Duka, puis l’ouverture du Synode et en même temps, hier encore, la publication de l’exhortation apostolique Laudate Deum, une reprise de l’encyclique Laudato Si’ publiée il y a huit ans.

Il s’agit d’événements importants qui nécessitent une étude et une discussion approfondies, mais ils sont « tiré » en rafale, non pas en raison d’un manque de coordination des différents bureaux ou d’un désordre organisationnel, mais avec un objectif précis : ouvrir plusieurs fronts à la fois afin d’empêcher le débat. Il est impossible de réfléchir sérieusement à un sujet, d’en saisir toutes les implications, d’en évaluer le sens si l’on doit s’occuper de plusieurs choses à la fois. Ceux qui se focaliseront sur le Synode passeront à côté de la question du climat. Ceux qui se focaliseront sur l’embarrassant – aussi scandaleux soit-il – Laudate Deum et le parterre démentiel de testimonial qui le présenteront aujourd’hui, perdront de vue la communion aux divorcés remariés et les tentatives d’imposer une « nouvelle Église ». Dans la confusion, il est plus facile de faire passer la plupart des nouveautés, le tapage rend plus difficile l’identification de la cible par ceux qui veulent s’y opposer. Et de toute façon, tout reste à un niveau superficiel.

C’est pourquoi nous avons décidé de ne pas consacrer d’articles à Laudate Deum aujourd’hui, nous ne nous laissons pas distraire par cette stratégie. Nous continuons à traiter en profondeur les questions du Dubia et du Synode ; dans les prochains jours, calmement mais avec des arguments réfléchis, nous aborderons également les nœuds liés à l’Exhortation sur le climat.

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