Le portail multimédias du Vatican met en ligne en ce moment (la page est régulièrement mise à jour) un « Dictionnaire de la Doctrine Sociale de l’Eglise ». Il s’agit de prendre acte du fait que celle-ci est née en 2013: les magistères précédents sont ignorés, l’Eglise est née non pas il y a deux mille ans, mais dix.. Il fallait évidemment que cette nouvelle Eglise s’empare de ce sujet et impose sa vision… ou plutôt celle du monde et des instances supranationales qui donnent le ton. Belle réussite quand on se souvient que l’objectif annoncé par François en 2013 était de « démondaniser l’Eglise »

DÉRIVE: le dictionnaire qui mondanise la Doctrine sociale de l’Eglise

Stefano Fontana
/lanuovabq.it
16 octobre 2023

Depuis quelque temps, Vatican News a commencé à publier un « Dictionnaire de la doctrine sociale de l’Eglise » .
Deux remarques. 1° il semble presque que la DSE soit née avec le Pape François. 2° : l’alignement de l’Église sur de nombreuses thèses mondaines.

Capture d’écran sur la NBQ.
Il est intéressant de visiter la page et de consulter quelques entrées.
Clic!

Vatican News, l’agence de presse du Vatican, a commencé il y a quelque temps à publier des articles thématiques sur la Doctrine sociale de l’Église. La rubrique, qui est continuellement mise à jour, s’intitule « Dictionnaire de la Doctrine Sociale de l’Eglise ». Des spécialistes des différents domaines abordés traitent les différentes entrées de manière succincte, comme le veut la communication numérique.

L’initiative se prête à quelque considération critique. Mais avant tout, il peut être utile de rappeler un élément du passé récent.

Dans les années 1990, la question d’un dictionnaire de la Doctrine sociale de l’Église a fait l’objet de nombreux débats parmi les acteurs du secteur. L’enjeu était la nature disciplinaire de la Doctrine Sociale de l’Eglise (DSE).

Le Magistère disait en même temps qu’elle faisait partie de la théologie morale et qu’elle devait être considérée comme une « catégorie à part entière ».

Les partisans de la relance de la DSE voulue par Jean-Paul II visaient à la valoriser comme un savoir à part entière, mais avec l’empreinte de la théologie morale. Ils ont donc demandé la mise en place de parcours universitaires spécifiques jusqu’à la licence en DSE proposée une association de spécialistes de cette matière, distincte de celle des moralistes, et poussé à la rédaction d’un dictionnaire de la Doctrine sociale de l’Église, couvrant ainsi un retard par rapport aux célèbres dictionnaires publiés depuis longtemps dans les autres branches de la théologie.

C’est dans ce contexte qu’est né le Dizionario dell’Università Cattolica di Milano, paru en 2004 après une longue gestation, et celui coordonné par Mgr Giampaolo Crepaldi et publié sous le patronage du Conseil Pontifical Justice et Paix.

Un Compendium de la doctrine sociale de l’Église a aussi été publié en 2004, mais il s’agit là d’une autre histoire.

Il va sans dire que ceux qui contestaient que la DSE soit un véritable savoir, ou même la considéraient comme idéologique, avaient pour objectif ne pas la distinguer de la théologie morale, pour laquelle il existait déjà des dictionnaires, point final. C’est un chapitre de l’éternelle lutte entre deux visions théologiques opposées.

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C’est dans cet esprit que nous en venons au nouveau dictionnaire en ligne du Vatican.

Depuis les années 1990, les temps ont quelque peu changé et ce dictionnaire en témoigne bien. Il est configuré selon deux aspects.

Le premier est qu’il donne l’impression que la DSE est née avec François. Les citations du magistère précédent sont très rares. Cette caractéristique correspond à la conscience largement répandue que François a imposé un nouveau paradigme qui concerne également la DSE

C’est effectivement le cas, mais ce nouveau paradigme, selon l’auteur de ces lignes, n’est pas en continuité avec le précédent, comme le confirme ce dictionnaire en ligne qui ne tient pas compte de la tradition de la DSE et qui considère la date de l’élection de François à la papauté comme un nouveau départ, voire une nouvelle Pentecôte.

Le deuxième aspect est l’alignement sur les thèses mondaines dominantes sur les questions sociales actuelles. Une telle attitude était prévisible, étant donné l’idée que tout commence avec François et que le magistère social de François s’aligne également sur les thèses mondaines dominantes.

  • Sous le titre « monnaie numérique », il n’y a aucune mention des grands dangers du contrôle du comportement des citoyens et du chantage possible d’une économie basée sur une monnaie totalement artificielle.
  • Sous le titre « risque environnemental », on lit que Laudato si’ pose enfin le problème de la manière la plus complète, et en disant cela, il part de l’expérience Covid, un thème repris dans de nombreuses entrées et toujours selon la version officielle diffusée par le pouvoir.
  • Dans l’entrée « fake news », on ne dit pas que ce sont d’abord les institutions qui les diffusent, mais exactement le contraire : avant c’était les institutions, aujourd’hui, ce seraient les citoyens eux-mêmes.
  • Dans la rubrique « taxes environnementales », on défend l’idée que la protection de l’environnement mérite des augmentations de taxes , avec un soutien total de cette « transition » qui prédit une nouvelle pauvreté induite.
  • Sous le titre « citoyenneté durable », avec de nombreuses citations de l’habituelle Laudato si‘, il est question de durabilité environnementale selon le courant de pensée dominant actuel et aucune mention de la durabilité « humaine » en relation avec la famille et la procréation.
  • L’entrée « migration internationale » expose les idées bien connues de François sur un accueil structuré et un changement du système international pour le permettre.
  • Le dictionnaire en ligne du Vatican n’oublie pas non plus l’entrée « discours de haine », qui est lui aussi décliné d’une manière très politiquement correcte, c’est-à-dire de manière à ce que quiconque dit la moindre vérité sur l’homosexualité et la transsexualité puisse être accusé de discours de haine.

Les dictionnaires des années 1990 n’ont pas produit grand-chose, mais ils témoignaient néanmoins d’un intérêt pour la DSE dans sa complexité, y compris sa tradition, et nourrissaient la perspective qu’elle puisse avoir un impact pour changer quelque chose dans la société.

En revanche, ce nouveau dictionnaire est détaché de la tradition et se concentre sur une actualité intéressée et manipulée.

Il affiche des propositions de changement, mais ce sont les mêmes que celles voulues par ceux qui conduisent le laminoir.

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