La nouvelle que j’ai lue tout à l’heure sur le blog de Giuseppe Nardi est incroyable… mais elle est vraie. J’ai contrôlé à partir d’une autre source, en l’occurrence l’insoupçonnable Religion Digital, et voici ce que j’ai trouvé en date du 20 octobre.

On dira: ce pape voudrait détruire l’institution qu’il incarne aujourd’hui, il ne s’y prendrait pas autrement.
Mais IL VEUT détruire l’institution.

La figure de Pierre de la Lune, dont je viens de me rappeler qu’il est le personnage principal du très beau roman de Jean Raspail « L’anneau du pécheur » paru en 1995 (tiens, je vais le relire), est une affaire d’historiens

La question n’est pas là (d’ailleurs, il m’étonnerait que Tucho ait lu Jean Raspail).

Au moment où la barque du Seigneur prend eau de toutes parts (pour reprendre la métaphore de Benoît XVI), un Pape soucieux du bien de l’Eglise n’irait pas déterrer cet épisode vieux de 6 siècles, auquel personne ne s’intéresse, pour instruire un procès contre l’Eglise. Le réhabiliter signifierait remettre en cause toute la succession apostolique depuis Avignon. Sans parler de la portée symbolique évidente d’un pape/antipape qui portait, ce n’est pas un hasard, le nom de Benoît.

Bien entendu, si réhabilitation il y a (ce dont je doute), elle prendra du temps. Mais comme François l’a répété à de multiples reprises, ce qui compte, c’est d’initier des processus, même s’ils sont voués à l’échec à court terme. Le simple fait que ce processus-là ait pu être évoqué est en soi un message.

François n’est pas fou, il n’est pas non plus simplement « agité », ou un « trublion » comme le qualifie somme toute aimablement Giuseppe Nardi.
Il est pire que cela.


Vida Nueva, l’oreille et la main du pape en Espagne, titrait le 15 juillet dernier:
« 600 ans de défi au Vatican ».

Comme ça, on comprend mieux.

François veut réhabiliter l’antipape Benoît XIII

LE NOUVEAU PRÉFET DE LA FOI VICTOR MANUEL FERNÁNDEZ A ÉTÉ CHARGÉ DE CETTE MISSION

Giuseppe Nardi
23 octobre 2023
katholisches.info

Gegenpapst Benedikt XIII. Die Bronzeskulptur befindet sich vor der alten Templerburg Peñíscola in Aragon. Sie wurde erst 2007 angefertigt und aufgestellt.
L’antipape Benoît XIII La sculpture en bronze se trouve devant l’ancien château templier de Peñíscola, en Aragon. Elle n’a été réalisée et installée qu’en 2007.

Le pape François est littéralement agité. Il est en perpétuelle agitation et agit comme une sorte de trublion. Malheureusement, ce faisant, il ne crée pas une saine agitation dans le monde pour attirer l’attention sur la dimension surnaturelle, mais provoque plutôt un désordre persistant et moins sain dans l’Église.

Il n’y a guère de sujet sur lequel François ne s’est pas penché : reconnaissance de l’homosexualité, reconnaissance du divorce et du second mariage, assouplissement du célibat, ordination des femmes, démocratisation de l’Église, dissolution du sacrement de la pénitence et de la conscience du péché, horizontalisation de l’Église par la politisation (politiquement correcte) de l’Église…

A cela s’ajoutent des réhabilitations inhabituelles qui ne sont pas moins explosives. La réhabilitation de fait de Judas en 2016, celle de Luther en 2017, les canonisations politiques…

Et maintenant, la réhabilitation d’un antipape ?

On ouvre ainsi un nouveau « vase ».

François travaille avec des signaux. Veut-il signaler que la catégorie et le jugement « antipape » doivent être dépassés ? Du moins historiquement. Même les historiens sont incapables de comprendre ce que cela signifie. En guise d’accroche, on fait circuler le fait qu’Hippolyte de Rome a été le premier antipape de l’histoire et qu’il est pourtant reconnu comme un saint.

Mais pour l’instant, il s’agit concrètement de Benoît XIII.

Le nouveau préfet de la foi, le cardinal Victor Manuel Fernández, fait examiner toute la documentation sur cet antipape de la fin du Moyen-Âge afin d’envisager sa réhabilitation.

Le 23 mai dernier a été célébré le 600e anniversaire de la mort de Pedro Martínez de Luna y Gotor. L’année exacte de sa naissance n’est pas certaine, mais la plus probable est 1328. Pedro de Luna est né à Illueca dans le royaume d’Aragon. La famille Luna était une branche de la maison royale de Pampelune, probablement d’origine wisigothe. Certaines sources mentionnent également une ascendance basque.

Son oncle était le cardinal Gil de Albornoz. Luna devint professeur de droit canonique et fut créé cardinal par le pape Grégoire XI en 1375. L’élection du successeur de Grégoire, Urbain VI, proposé par Luna, fut suivie d’une grande catastrophe en 1378 : avec le soutien de Luna, un antipape fut élu, Clément VII, qui établit sa résidence à Avignon. C’est le début de l’exil avignonnais, les rois de France tentant de prendre le contrôle de la papauté. Cette période, catastrophique à tous égards, est restée dans l’histoire quand elle a été appelée le Schisme d’Occident.

Quand Clément VII mourut, Luna fut élu à sa succession en 1394 et prit le nom de pape Benoît XIII. Quand la division de la chrétienté s’accentua, il y eut même une période où il y avait trois papes, un à Rome, un à Avignon et un à Pise : Jean XXIII, Grégoire XII et Benoît XIII. Pendant cette terrible période, il n’y avait pas d’autorité spirituelle ou temporelle qui ne soit pas bannie par l’un de ces papes. On peut ainsi se faire une idée de l’effondrement qui en a résulté. Parmi les conséquences graves, on peut citer la cruelle révolte hussite en Bohême, qui a dévasté le cœur du Saint Empire romain germanique de l’époque, et une perte d’autorité durable pour le pape et l’empereur.

Benoît XIII mena des négociations, du moins avec l’un de ses rivaux, mais celles-ci restèrent infructueuses, car Luna persistait à être le seul pape légitime. Refusant de renoncer volontairement à rétablir l’unité de l’Église, il fut finalement déclaré hérétique et antipape avec Jean XXIII par le concile de Constance en 1415. Un seul des trois papes, Grégoire XII, renonça volontairement dans l’intérêt de l’Église. Avec Martin V, un nouveau pape put finalement être élu pour l’ensemble de l’Eglise et le schisme fut surmonté.

Seul le royaume d’Aragon continua dans un premier temps à protéger Luna, qui, quand il était « pape », passa les dernières années de sa vie dans l’ancien château templier de Peñíscola, qu’il déclara Palais apostolique. L’Ordre du Temple avait été démantelé depuis une centaine d’années. C’est dans ce château qu’il mourut en 1423, à l’âge avancé de 95 ans. Sa tête est conservée dans l’église paroissiale de Sabiñán.

Ses partisans en Aragon tentèrent de perpétuer le schisme en organisant un conclave dans le château des Templiers et en élisant un Clément VIII, auquel le roi d’Aragon finit par retirer son soutien, forçant ce dernier à démissionner en 1429.

Comme François, le nouveau préfet de la foi et protégé du pape régnant semble adopter sa méthode de travail et faire sensation et semer la confusion par des actions spectaculaires. Toujours est-il que, puisque François travaille avec des signaux, il est globalement question de réhabiliter les antipapes. Cela n’a pas été dit ainsi jusqu’à présent, mais François travaille surtout sur les non-dits, sur ce qui est « dans l’air » et implicitement « compris ».

Le juriste aragonais José Javier Forcén, grand défenseur du pape Luna, a déclaré au quotidien Heraldo de Aragón .

« Depuis qu’il a été nommé préfet et cardinal, il a envoyé plusieurs mails me demandant de lui envoyer les documents concernant le pape Luna afin d’entamer le processus de réhabilitation de sa personne »

Des documents ont été demandés par le dicastère de la foi non seulement à Forcén, mais aussi à d’autres personnes et surtout à des institutions de Peñíscola.

Dans le cadre des efforts de réhabilitation, on fait référence en Aragon à la lettre que le pape François a envoyée à Victor Manuel Fernández à l’occasion de sa nomination comme préfet de la foi. Il y est dit :

« Le dicastère que vous allez diriger a utilisé des méthodes immorales en d’autres temps, c’était des temps où, au lieu de promouvoir la connaissance théologique, on poursuivait les erreurs possibles dans la doctrine. Ce que j’attends de vous est sans aucun doute très différent ».

Manifestement, il s’agit aussi d’une étrange exploration de l’histoire de l’Église.

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