Andrea Gagliarducci dresse un premier bilan, en forme de questions ouvertes, non pas tant des résultats concrets ayant émergé des débats (il n’y en a pas vraiment… et c’était prévisible, sinon prévu), mais de la méthode. « Si l’on entend par méthode synodale la consultation de l’ensemble du peuple de Dieu, ou du moins de larges segments représentatifs de celui-ci, cette méthode existait déjà ». Cela se faisait à travers les congrégations vaticanes et les conseils pontificaux, dont les laïcs pouvaient aussi faire partie, mais les rôles de chacun étaient clairement définis et respectaient la structure pyramidale de l’Eglise. Aujourd’hui, en plus de brouiller les rôles, on a affaire à une fragmentation généralisée, où personne (sauf éventuellement les maîtres d’œuvre) n’a de vision globale. Comme si, à part ces maîtres d’œuvre, les participants n’étaient là que pour « faire la claque »

À la fin du Synode, la grande question demeure : qu’aura-t-il apporté à l’Église ? Certains disent qu’il n’est pas nécessaire d’obtenir quoi que ce soit et que converser est toujours une bonne chose. Mais converser, c’était déjà fait avant. Alors, tout a-t-il changé ? Dans l’émotion d’être ensemble? Dans la possibilité de ne pas porter la soutane pendant l’assemblée synodale? Ou bien y a-t-il quelque chose qui change dans la manière de gouverner l’Église?

Le pape François à la recherche d’une méthode synodale

Andrea Gagliarducci
Monday Vatican
Lundi 30 octobre

À l’heure où nous écrivons ces lignes, le document de synthèse de la première partie du Synode sur la synodalité n’a pas encore été publié. Mais la Lettre au Peuple de Dieu a été mise en ligne. Plusieurs conférences de presse ont mis en évidence les différentes positions. Il y a eu des débats. Nous pouvons donc au moins essayer de résumer cette expérience synodale, en essayant de comprendre ce que signifie être à la recherche d’une méthode.

Si l’on entend par méthode synodale la consultation de l’ensemble du peuple de Dieu, ou du moins de larges segments représentatifs de celui-ci, cette méthode existait déjà.

Les congrégations vaticanes et les conseils pontificaux, comme on les appelait, étaient composés de membres, de fonctionnaires et de consultants (consultori), souvent laïcs qui étaient consultés chaque fois qu’il y avait un problème particulier à analyser. Les membres étaient toujours des cardinaux et des archevêques ; les fonctionnaires pouvaient également être des laïcs, de même que les consultants, choisis parmi les meilleurs experts en la matière.

Le pape François a souhaité que certains laïcs soient sélectionnés comme membres des dicastères: dans son idée, en faire partie était comme être membre d’une sorte de « conseil d’administration » et la question de l’inclusion des laïcs était un « gender gap » [fossé hommes/femmes].

Mais là n’était pas la question. Les membres étaient des évêques parce qu’ils devaient gouverner en communion hiérarchique avec le pape, lui aussi évêque. Les consultants étaient en fait le peuple de Dieu qui participait aux décisions, qui était impliqué.

Si l’on entend par méthode synodale ce nouveau modèle d’assemblée, déjà testé à petite échelle lors du consistoire d’août 2022 sur les réformes de la Curie, il s’agit bien d’une nouvelle méthode mais aussi d’une méthode problématique.

Personne n’a de vision globale des sujets. Tous sont répartis en groupes et traitent d’un thème particulier. Ils le font en profondeur, c’est vrai, mais ils n’ont pas de vision générale des choses. C’est une sorte de réforme positiviste de la structure de l’Eglise.

Je l’appelle structure positiviste parce que le positivisme crée la différenciation des sciences, la fragmentation, le détail au lieu du global.
C’est une réforme qui se manifeste dans de nombreux détails. Par exemple, dans la manière dont le pape François a réformé la Congrégation (aujourd’hui Dicastère) pour la Doctrine de la Foi, avec quatre bureaux indépendants et un bureau disciplinaire très structuré, mais qui traite la discipline comme un but en soi. Auparavant, même les mesures disciplinaires devaient découler d’une vision globale et partagée qui incluait les questions de foi. Aujourd’hui, la sanction passe avant l’explication de la foi.

Le problème est que, dans le désir de créer une Église plus ouverte, l’Église est assimilée à une association, une « ONG miséricordieuse », comme le dit le Pape François.

La synodalité devient donc synonyme de création d’une para-démocratie dans laquelle les majorités peuvent être manipulées. Il y avait aussi cette idée au Concile Vatican II quand les participants étaient regroupés en petits lobbies. Mais au Concile, tout avait été réglé avec le principe de communion et surtout avec une vision chrétienne claire. Et puis il y a eu les papes, en particulier Paul VI, qui ont voulu que les ouvertures du Synode s’insèrent dans la tradition de l’Église et non pas contre la tradition de l’Église.

Ce n’est pas un hasard si l’on a souvent parlé de communion, et la recherche d’une méthode devrait également déboucher sur un modèle communautaire. Il reste à déterminer comment cela peut fonctionner. On a parfois l’impression qu’il n’y a pas de véritable discussion. Mais il en a été ainsi dans d’autres circonstances, comme avec les statuts internes présentés au Conseil des cardinaux qui avaient déjà été approuvés par le Pape, sans un minimum de discussion. Il faut trouver un équilibre entre les différentes positions.

En quoi peut consister la méthode synodale ? Jusqu’à présent, le discernement personnel a été considérablement mis en avant, avec la prière et des espaces vides qui servent à comprendre les raisons de l’autre dans une recherche du politiquement correct et de l’absence de conflit, ce qui ne peut pas donner de bons résultats. À tout le moins, il n’y a pas de décisions claires.

Par exemple, le cardinal Christoph Schönborn, archevêque de Vienne, a dit que le pape déciderait de l’éventuelle bénédiction des couples homosexuels, mais que l’Église ne peut en aucun cas exclure qui que ce soit. L’archevêque de Belgrade, Laszlo Nemet, va jusqu’à dire qu’il aurait fallu parler davantage des abus. Les autres thèmes abordés sont ceux de notre époque, de la paix aux migrations.

Est-ce que c’est ce que le Synode devrait aborder ? Ou bien le Synode est-il appelé à fournir des outils doctrinaux et pratiques sur l’orientation à donner à l’Église afin que personne ne se sente exclu ?

Regarder les signes des temps est une approche légitime, et c’est devenu une manière de se regarder soi-même. Il n’est donc pas surprenant que le Synode sur la communion, la participation et la mission n’ait pas fait beaucoup parler de lui, sauf dans certains médias catholiques, alors que tout était concentré sur ce qui était en marge du Synode, des demandes de paix aux questions de migration.

C’est une limite que l’on retrouve également dans la Lettre au Peuple de Dieu, qui s’émousse dans sa recherche d’inclusion et ne laisse que vaguement émerger l’idée de structurer un chemin pour le prochain Synode. Qui sait s’il s’agit d’un choix délibéré, avec l’idée de reporter la discussion à l’année prochaine, ou s’il s’agit plutôt d’une décision dictée par les événements.

À la fin du Synode, la grande question demeure : qu’aura-t-il apporté à l’Église ? Certains disent qu’il n’est pas nécessaire d’obtenir quoi que ce soit et que converser est toujours une bonne chose. Mais converser, c’était déjà fait avant. Alors, tout a-t-il changé ? Dans l’émotion d’être ensemble ? Dans la possibilité de ne pas porter la soutane pendant l’assemblée synodale ? Ou bien y a-t-il quelque chose qui change dans la manière de gouverner l’Église ?

Ces questions restent et resteront brûlantes tout au long de l’année de préparation du prochain Synode.

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