Très intéressante analyse de Stefano Fontana. Certains, à la fois du côté progressiste et du côté fidèle à la doctrine, attendaient (ou craignaient) trop de ce synode. Or, si l’on regarde de près, il ne s’est rien passé, et (selon moi, pour ce que vaut mon avis) c’était prévisible, dès lors qu’on a compris la « méthode Bergoglio »: aucune décision spectaculaire n’a été prise, aucun changement disruptif ne s’est produit, au moins dans les mots. Mais cette issue soft « laisse ouvertes toutes les fissures et même toutes les portes nécessaires à la poursuite du ‘processus’, tout en faisant très attention à ne pas trop alarmer, ce qui pourrait interrompre le processus ». Bref, si révolution il y a, c’est une forme de « révolution permanente », à l’instar de celle théorisée par Trotski. Quels en seront les fruits, réponse dans les mois qui suivent…

Les changements se feront dans la pratique, pas dans les déclarations synodales. De ce dernier point de vue, ce synode peut être considéré comme inutile, mais entre-temps la prise de conscience de la nouvelle synodalité a progressé dans les actes plus que dans les paroles.

Le Synode s’est achevé sans grandes nouveautés, mais la révolution continue

Samedi dernier, le rapport final de la session du synode sur la synodalité qui s’est déroulée au cours de ce mois d’octobre a été publié . Le cardinal Hollerich, rapporteur général du synode, et le cardinal Grech, secrétaire général, ont présenté le texte lors d’une conférence de presse. La conclusion de cette session du synode sur la synodalité, préparatoire à celle d’octobre 2024, s’est faite sans trop de feu d’artifice.

A la lecture du rapport, on constate que les portes du « nuovisme » sont restées ouvertes, mais qu’il n’y a pas eu de déclarations déflagrantes : ni sur le sacerdoce féminin, ni sur le célibat sacerdotal, ni sur l’homosexualité. Ce fait nous incite à évaluer, après la grande confrontation au sein de l’Église, les graves inquiétudes exprimées, les dénonciations de la dangereuse dérive en cours pour l’intégrité de la foi catholique que l’événement, selon beaucoup, aurait accélérée.

Je crois que beaucoup attendaient plus de cette session. Le progressisme exacerbé a décrété que le synode avait échoué parce qu’il était trop faible pour aborder des questions brûlantes et novatrices. Mais même ceux qui nourrissaient des craintes et des inquiétudes et prévoyaient une certaine explosion au détriment de la doctrine attendaient davantage, naturellement dans un sens négatif dans ce cas. Cependant, il y en avait aussi qui prédisaient que rien d’irrémédiablement déstabilisant n’émergerait du synode, aucune nouveauté doctrinale claire, ou peut-être même – comme le soutient le livre « Synodal Process : A Pandora’s Box » – une sorte de « compromis à la romaine ».

Une issue soft, en somme, qui laisse ouvertes toutes les fissures et même toutes les portes nécessaires à la poursuite du « processus », mais qui, en même temps, fait très attention à ne pas trop alarmer, ce qui pourrait interrompre le processus. Le contraste dans l’Église, ou plutôt la contradiction dialectique, doit continuer et pour qu’il continue, il n’est pas opportun de fermer les possibilités de développement dans l’une ou l’autre direction.

Ce résultat soft n’est pas en contradiction avec le caractère révolutionnaire de la nouvelle synodalité, mais au contraire en est un élément fonctionnel. La synodalité en tant que processus implique un contraste dialectique et son dépassement progressif (et continuel). Mais elle n’impose pas nécessairement des délais serrés ; au contraire, la véritable stratégie, la plus efficace, consiste à attendre les moments favorables. Il est également possible de penser qu’un événement déterminé, comme le synode actuel, n’a pas pour but premier l’émergence de positions révolutionnaires décisives, mais peut servir à jeter des pierres dans l’étang, comme François l’a souvent exprimé, à remuer les eaux, à éclaircir les cartes, à aiguiser les contrastes sans les faire exploser, et à exercer sur eux un pouvoir de modération et d’orientation. Cette phase du synode a semblé inutile à ceux qui s’attendaient à des prises de position disruptives, mais précisément en raison de son manque de décision, elle a accompli une tâche dont les fruits apparaîtront à l’avenir.

À propos de ces fruits, il convient de noter qu’ils ne sont pas seulement internes au synode, mais aussi externes. Si nous regardons ce qui s’est passé en dehors du synode depuis le 4 septembre, nous constatons que de nombreuses cartes ont été redistribuées et que de nombreuses contradictions ont été ouvertes.

Certains cardinaux se sont exprimés beaucoup plus clairement que par le passé et même le néo-cardinal (modéré) Marchetto a défendu la doctrine contre les menaces du synode.

Parmi les évêques, ce ne sont plus seulement Schneider ou Strickland, mais aussi l’évêque néerlandais Rob Mutsaerts (« l’Esprit Saint n’a rien à voir avec cela ») et l’Australien Anthony Fisher (« si une proposition est radicalement en désaccord avec l’Évangile, alors elle ne vient pas de l’Esprit Saint ») qui ont fait entendre leur voix.

Toujours pendant le synode, mais en dehors de la salle, le cardinal Schönborn a déclaré que le catéchisme pouvait être modifié en ce qui concerne l’homosexualité.

Le pape François a rencontré (et encouragé) Sœur Jannine GramikeMarianne Duddy-Burke, directrice pro-transgenre de DignityUSA. Il a également dit non au diaconat féminin, mais sans bloquer une éventuelle nouvelle configuration du diaconat à l’avenir.

Bref, d’un côté comme de l’autre, beaucoup de cartes ont été dévoilées, et ce grâce au synode.

Les changements se feront dans la pratique, pas dans les déclarations synodales. De ce dernier point de vue, ce synode peut être considéré comme inutile, mais entre-temps la prise de conscience de la nouvelle synodalité a progressé dans les actes plus que dans les paroles.

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