Pour se faire une idée précise, voici un tableau remarquablement complet de la situation, dressé par Giusppe Nardi: les révélations de Diane Montagna, que nous connaissons déjà, les antécédents inquiétants du jésuite Ghirlanda, l’un des hommes de main et mauvais génie de François (on retrouve son nom dans l’affaire des Franciscains de l’Immaculée et celle de l’Ordre de Malte!), élevé à la pourpre cardinalice pour services rendus, la « cour jésuite » du Pape (le trio Ghirlanda-Hollerich-Czerny), la composition actuelle du Sacré Collège et les perspectives, alléchantes pour les bergogliens, d’une réforme du Conclave.

Le pape François prévoit-il de révolutionner l’élection du pape ?

LE PROCHAIN CONCLAVE ET LA SUCCESSION DU PAPE

Giuseppe Nardi
katholisches.info

Le pape François prépare une nouvelle réglementation pour l’élection du pape. La mission a été confiée au cardinal jésuite Carlo Ghirlanda.

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Il a régné une certaine agitation à Rome – et pas seulement là-bas. La rumeur qui circule veut que le pape François souhaite modifier les règles du conclave afin de régler lui-même sa succession. Depuis, comme on pouvait s’y attendre, l’alerte a été levée, mais quelle est sa valeur ?

L’excellente Diane Montagna a résumé les rumeurs romaines pour The Remnant. « Le pape François rédige un nouveau document pour réformer le conclave ». Voilà ce qui faisait la une des journaux le jour de la commémoration de la naissance de saint Charles Borromée.

Les cardinaux de plus de 80 ans dehors, les laïcs dedans ?

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En clair, le pape François souhaite modifier le mode d’élection des papes. Ainsi, les cardinaux de plus de 80 ans, exclus d’un conclave et qui représentent aujourd’hui près de la moitié des cardinaux vivants, seraient exclus non seulement de l’élection elle-même, comme c’est déjà le cas actuellement, mais aussi des préparatifs, c’est-à-dire des congrégations générales qui précèdent le conclave.

Les rumeurs parlent d’une réforme « radicale », voire d’une volonté de François de « révolutionner » l’élection du pape en réservant un quart des voix des électeurs aux laïcs, y compris aux religieux et religieuses.

Depuis le printemps, une série de rencontres ont eu lieu entre François et le père Gianfranco Ghirlanda, spécialiste du droit canonique et jésuite. À Sainte Marthe, elles ont porté sur une révision de la constitution apostolique Universi Dominici gregis, par laquelle le pape Jean-Paul II avait réglé en 1996 la période de vacance du pouvoir et d’élection d’un pape.

« Depuis la fin du mois d’août, ces rencontres sont devenues plus fréquentes et ont eu lieu chaque semaine jusqu’à l’ouverture de l’assemblée synodale début octobre », écrivait Diane Montagna.

Le jésuite Carlo Ghirlanda : l’homme des missions spéciales

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Le jésuite Ghirlanda est l’ancien recteur de l’Université pontificale grégorienne de Rome, dirigée par l’ordre des jésuites. Il est aussi et surtout l’homme des missions spéciales du pape.

Le jésuite Ghirlanda est surtout l’homme des missions spéciales du pape.

Ainsi, depuis deux ans, il est également commissaire apostolique de l’ordre des franciscains de l’Immaculée, cet ordre autrefois florissant qui a vu le jour au début des années 90 et qui, sous Benoît XVI, a été le premier (et le seul) ordre « novus ordo » à passer au rite traditionnel dans le sillage du motu proprio Summorum Pontificum, ouvrant ainsi un tout nouveau chapitre dans l’histoire des ordres religieux de l’Église. Le pape François a rapidement mis fin à cette situation peu après son élection. L’administration provisoire de cet ordre dure depuis si longtemps que Ghirlanda est déjà le troisième commissaire pontifical. De même, en 2020/21, il a administré les Memores Domini, une communauté de femmes consacrées issue de la communauté Comunione e Liberazione.

Cette tâche a été confiée à un autre envoyé spécial du pape en 2021, afin que Ghirlanda puisse assumer l’administration provisoire des franciscains de l’Immaculée. Auparavant, Ghirlanda était déjà depuis 2015 l’assistant du deuxième commissaire des franciscains de l’Immaculée, le salésien Sabino Ardito. Cela fait donc déjà huit ans que ce canoniste jésuite est chargé de l’administration provisoire de l’ordre.

Dans le débat sur la situation inhabituelle de deux « papes » qui a suivi la renonciation inattendue du pape Benoît XVI, Ghirlanda s’est opposé à plusieurs reprises à la thèse selon laquelle Benoît XVI aurait encore une quelconque part de papauté. Il s’est également fermement opposé à la figure du « pape émérite » introduite ex novo par Benoît.

Le général des jésuites a lui aussi déjà utilisé Ghirlanda comme visiteur, par exemple quand il a été envoyé en inspection à l’Institut pontifical oriental, dirigé par l’ordre des jésuites. A la suite de quoi toute la direction de l’institut a été révoquée en 2015.

La confiance que le pape François accorde à son confrère, ainsi que son excellent réseau à Rome, est illustrée par une autre mission confiée à Ghirlanda, qui était fin 2016 l’un des cinq membres de la commission d’enquête mise en place par François pour examiner l’affaire Boeselager.

Pour rappel, Albrecht Freiherr von Boeselager était (et est encore aujourd’hui) Grand Chancelier de l’Ordre Souverain de Malte. Quand il l’était, il avait été démis de ses fonctions début décembre 2016 par le Grand Maître et Prince de l’Ordre de l’époque, Fra Matthew Festing, pour perte de confiance. Boeselager a appelé à l’aide le Saint-Siège, qui s’ingérait illégalement dans les affaires internes de l’Ordre de Malte et ne respectait pas sa souveraineté. La commission de cinq membres, composée presque entièrement de proches de Boeselager triés sur le volet, a rapidement rendu son rapport final, qui concluait, comme on pouvait s’y attendre, que le Grand Chancelier destitué avait agi de manière irréprochable dans tous les domaines. Les critiques ont parlé d’un « rapport de complaisance ». François en profita pour exiger du Grand Maître Festing le rétablissement immédiat de Boeselager dans ses fonctions. Quand celui-ci refusa, il exigea la démission de Festing.

La pourpre en récompense – La cour des Jésuites

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L’exécution conforme aux souhaits de ces missions spéciales, confiées par François à son confrère jésuite Ghirlanda, a valu à ce dernier d’être élevé au rang de cardinal en 2022 et d’être nommé cardinal-patron de l’Ordre de Malte. Cette fonction était auparavant occupée par le cardinal Raymond Burke, que François a d’abord écarté de la Curie romaine en raison de son intelligence et de son opposition résolue à la ligne papale lors du synode sur la famille de 2014. Puis, quand il s’est retrouvé aux côtés du Grand Maître Festing en tant que cardinal-patron, François lui a également retiré cette fonction au sein de l’Ordre de Malte.

Ghirlanda fait partie de la cour jésuite autour du pape François, qui a acquis une influence massive sur l’Eglise

En l’élevant au rang de cardinal, François lui a confié le diaconat en titre de l’église mère de l’Ordre des Jésuites à Rome. Ghirlanda est le premier jésuite à détenir cette dignité. Cela semble peu significatif, mais ne l’est pas pour l’Ordre des Jésuites.

Ghirlanda fait partie de la cour jésuite autour du pape François, qui a acquis une influence massive sur l’Eglise et est dirigée par trois cardinaux : le Luxembourgeois Jean-Claude Hollerich, rapporteur général du Synode synodal, chef de la COMECE et représentant de l’Europe au Conseil des cardinaux, le Canadien Michael Czerny, préfet du Dicastère pour le développement humain intégral, et justement l’Italien Gianfranco Ghirlanda, tous avec des rôles principaux.

Selon la compilation de Diane Montagna, le projet de Ghirlanda prévoit que tous les cardinaux de plus de 80 ans soient exclus des congrégations générales précédant le conclave, où l’on discute de la situation de l’Église et des qualités requises pour le futur pape.

Avec les dernières créations fin septembre, les cardinaux nommés par le pape François disposent d’une majorité écrasante de plus de 70% au conclave. Mais il en irait encore autrement, au moins dans les congrégations générales. En excluant les cardinaux qui ne sont pas électeurs du pape, même de la phase préparatoire, l’influence des non-Bergoglians y serait également minimisée.

Ghirlanda serait aussi la force motrice qui voudrait convaincre François de faire un pas « révolutionnaire » et d’admettre également les laïcs et les femmes comme électeurs du pape.

En outre, selon le projet, il ne devrait plus y avoir de congrégations générales dans lesquelles tous les cardinaux se réunissent ensemble. Seuls des groupes de travail devraient se réunir, c’est-à-dire que l’ensemble des cardinaux devrait être divisé en petits groupes, de sorte que seuls les coordinateurs auraient une vue d’ensemble. Les électeurs individuels du pape ne connaîtraient plus l’opinion de la plupart de leurs confrères cardinaux.

Ghirlanda serait aussi la force motrice qui voudrait convaincre François de faire un pas « révolutionnaire » et d’admettre également les laïcs et les femmes comme électeurs du pape. Un quart des votes électoraux devrait leur être réservé. Bien entendu, les électeurs papaux de cette catégorie seraient désignés à cent pour cent par François.

Les chiffres

Examinons les chiffres du Collège des cardinaux :

L’Église compte actuellement

  • 241 cardinaux au total.
  • 105 cardinaux ont plus de 80 ans et ne sont donc plus électeurs du pape, mais sont membres des congrégations générales.
  • 136 cardinaux sont actuellement électeurs du pape.

Selon la Constitution Universi Dominici gregis, ils ne devraient pas être plus de 120.

  • 9 des électeurs du pape ont été nommés par Jean-Paul II.
  • 29 des électeurs du pape ont été nommés par Benoît XVI.
  • 98 des électeurs du pape ont été nommés par François.

72% des électeurs actuels du pape ont donc reçu leur pourpre de François.
Et il ne faut pas oublier que les cardinaux nommés par Jean-Paul II et Benoît XVI ont élu Jorge Mario Bergoglio comme pape en 2013.

Si, à l’avenir, un quart du collège électoral devait être composé de non-cardinaux (laïcs et religieux), le corps électoral devrait être élargi d’au moins 30 électeurs. En raison du collège électoral actuellement surpeuplé par François dans son désir de nomination, il devrait même y avoir proportionnellement 45 laïcs nommés électeurs du pape.

La part des bergogliens nommés dans le corps électoral passerait ainsi de 72 à environ 80%. Si l’on ajoute les bergogliens d’esprit qui ont rendu possible l’élection de François en 2013, on obtient une majorité écrasante. Même si l’on tient compte des incertains, comme ceux qui résultent des nominations exotiques chères à François, cela devrait assurer des majorités faciles à calculer.

L’argumentation de Ghirlanda en faveur de la « révolution » se laisse aisément deviner : Démocratisation, synodalisation, décléricalisation par l’intégration de laïcs et de femmes et, bien sûr, le « retour à l’Église primitive », auquel Diane Montagna fait également référence.

Avec les majorités ainsi obtenues, c’est comme si François, en personne, choisissait lui-même, même indirectement, son successeur.

François, le révolutionnaire secret qui aime la révolution mais veut la contrôler et surtout ne pas être pris en flagrant délit, n’aurait cependant pas encore donné son accord définitif au projet Ghirlanda.

Après que Diane Montagna ait révélé les plans fomentés en coulisses, les habituels prétoriens de Sainte Marthe se sont exprimés publiquement, mais assez rapidement, le bureau de presse du Vatican a suivi pour limiter les dégâts avec un démenti bien dosé. La question de fond n’a en effet pas été abordée, et n’a donc pas été démentie.

Ces faux démentis sont connus depuis l’époque de Scalfari, quand François entretenait une amitié étroite avec l’athée et franc-maçon Eugenio Scalfari, qui mettait dans la bouche du pape les déclarations les plus incroyables dans des éditoriaux, sans que le bureau de presse du Vatican ne démente. Selon la logique générale, il en résulte que ce qui a été dit est vrai. Cela vaut-il également pour la réforme de l’élection du pape ?

Le bureau de presse du Vatican s’est contenté de déclarer que la révélation publiée par Diane Montagna aux États-Unis, reprise par d’autres médias, était « sans fondement ».

Le ballon d’essai a été lancé.

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