Dans le commentaire de Stefano Fontana, il apparaît clairement que le temps n’est plus aux tergiversations. Le schisme ne se profile plus, il s’affirme. Les pasteurs, évêques et cardinaux en tête, qui refusent le cours imposé par François désormais sans plus se cacher, doivent eux aussi sortir du bois. Après Mgr Schneider, prévisible et hélas peu médiatisé (et l’inévitable Mgr Vigano, discrédité par les médias comme conspirationniste), qui va oser s’exprimer?

Règlement de compte

La destitution de Strickland, un acte d’arrogance du pouvoir

Stefano Fontana
La NBQ
13 novembre 2023

L’affaire de l’évêque texan marque un tournant, ressemblant à une déclaration de guerre dans l’Église, une sorte de schisme en marche. Une situation qui exige une objection de conscience active de la part des évêques.

La destitution de l’évêque Joseph Strickland du diocèse de Tayler, au Texas, est un acte hautement symbolique et marque certainement un tournant.

Pourquoi parler d’acte hautement symbolique ? Parce que Mgr Strickland s’était distingué à de nombreuses reprises et avec constance en réaffirmant des vérités de foi et de morale catholique sur des points précis des changements mis en œuvre et souhaités par François. Ses discours n’étaient pas génériques sur la nécessité de maintenir la tradition ; les généralités ne dérangent personne.

Il s’agissait au contraire de prises de position très précises sur l’avortement, sur l’admission à la communion d’hommes politiques favorables à l’avortement, sur la bénédiction des couples de même sexe, sur le gender, sur la nouvelle synodalité. Tous les points de l ‘ »agenda Bergoglio » étaient contestés, au nom de ce que l’Église a toujours enseigné.

Si nous considérons François comme l’orateur d’une conférence, nous devons voir Strickland comme une personne assise dans l’amphithéâtre qui lève constamment la main et intervient pour contredire l’orateur. L’acte d’expulser le trublion équivaut – dans l’exemple donné ici – à appeler la sécurité et à le faire éjecter de la salle.

Ce choix punitif de François marque donc un nouveau temps, comme cela s’était produit avec la nomination de Fernández à la Doctrine de la Foi. Dans ce cas, François avait nommé le moins nommable, ou nommable seulement en un acte de grande bravade et de mépris. Avec cette nomination, l’agenda futur était déjà tracé, comme nous le voyons ponctuellement. Cette nomination avait pour but d’indiquer clairement qu’il n’y aurait pas de retour en arrière, et elle excluait également une certaine prudence politique que François avait par contre utilisée dans d’autres domaines, lorsqu’il avait retardé la réalisation de résultats qu’il avait certainement planifiés, mais pour lesquels le moment n’était pas encore venu.

Comme par exemple dans le cas du synode sur l’Amazonie qui, selon la planification préalable, aurait dû approuver beaucoup plus d’innovations que celles qui ont été décidées, ou du récent synode sur la synodalité lui-même, qui a été réduit à un grand bavardage entre groupes d’amis. La même chose que la nomination de Fernández se produit maintenant avec le licenciement de Strickland : un acte hautement symbolique qui ressemble beaucoup à une déclaration de guerre dans l’Église : il n’y a pas de retour en arrière possible, le schisme est en acte.

À propos de schisme. De retour de sa visite au Mozambique, à Madagascar et à l’île Maurice le 10 septembre 2019, François avait déclaré qu’il prierait pour l’unité de l’Église, mais qu’il n’aurait pas peur d’un schisme.

Quant aux évêques américains, il a déclaré:

La critique aide et quand on reçoit une critique, il faut immédiatement faire son autocritique. Je vois toujours les avantages de la critique… J’aime quand on a l’honnêteté de dire les choses. Je n’aime pas que les critiques soient cachées, qu’elles vous sourient de toutes leurs dents et qu’elles vous poignardent dans le dos. La critique est un élément constitutif et peut permettre d’entamer un dialogue. Au lieu de cela, critiquer les pilules d’arsenic, c’est un peu comme jeter la pierre et cacher sa main,

Certes, Strickland a eu l’honnêteté de « dire les choses », mais il a quand même été frappé et cet acte contribue sans aucun doute à accélérer le processus schismatique. Mais qui pousse à ce résultat ? Strickland ou François ?

On pourrait dire que la suspension d’un évêque est un acte disciplinaire, alors que l’Église est maintenue ensemble par la foi et donc la doctrine en tant que vérité révélée et reçue. Mais François nous a maintenant habitués à mettre en œuvre des changements par le biais de la praxis, comme c’est le cas dans cette dernière affaire. Ceux qui attendent des déclarations révolutionnaires formelles attendent en vain. Tout au plus pouvons-nous lire des déclarations ambiguës et délibérément maladroites, comme dans le cas des récentes réponses de la Doctrine de la Foi.

Tout cela confirme que la destitution de Strickland est un acte de politique ecclésiastique, un acte d’arrogance du pouvoir, l’exercice d’une « souveraineté » politique qui s’affirme non pas par des déclarations ou des documents, mais en agissant en tant que telle. Aujourd’hui, ces actes léviathanesques apparaissent de plus en plus au grand jour, signe que le temps presse, que les changements doivent être mis en œuvre rapidement et que les ennemis doivent être éliminés sans faire de prisonniers.

Après l’ « affaire Strickland », qui a suivi de près l’ « affaire Fernández », il faut se demander comment se comporter face à ce nouveau temps caractérisé par l’accélération de la nouveauté imposée par la force.

Jusqu’à présent, ceux qui n’étaient pas d’accord avec les tendances et les processus ouverts et menés par François ont pu faire la distinction entre ce qu’il a dit et fait et ce qu’il a exprimé dans les documents officiels. Outre le fait que, même dans ces derniers, il y a plusieurs aspects très critiquables, comme par exemple dans l’Exhortation Amoris laetitia, la distinction en question a fini par se cacher derrière la phrase : « Mais de toute façon ce n’est pas le magistère ». La destitution d’un évêque : « Mais ce n’est pas non plus le magistère ».

D’où une sorte d’abstention et de silence de la part de beaucoup jusqu’à ce que de sérieuses nouveautés doctrinales soient exprimées non seulement dans les faits, mais aussi dans un document officiel.

Après la nomination de Fernández et la révocation de Strickland, une telle position n’est plus suffisante, si tant est qu’elle l’ait été auparavant. L’opposition attentiste doit sortir du bois. Nous verrons combien d’évêques, en dehors de Schneider qui est déjà intervenu, et combien de laïcs le feront. L’objection de conscience doit s’exercer non seulement tacitement mais activement.

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