Le préfet émérite de la Congrégation pour le culte divin s’exprimait le 26 octobre à l’occasion de la présentation à Rome d’un compendium de la foi catholique, rédigé par Mgr Athanasius Schneider et publié récemment en anglais. Le cardinal affirmait qu’ « une véritable cacophonie règne aujourd’hui dans l’enseignement des pasteurs » . Des remarques, prononcées au cours de la dernière semaine du « Synode sur la synodalité », intervenant moins d’un mois après la publication des dubia que lui et quatre autres cardinaux ont adressés au pape avant l’assemblée.

En septembre dernier, une maison d’édition américaine publiait le livre Credo. Compendium of the Catholic Faith, de Mgr Athanasius Schneider, évêque auxiliaire de Sainte-Marie à Astana, au Kazakhstan.

Voici la présentation qu’en faisait un site espagnol. On notera à quel point les questions traitées sont brûlantes d’actualité:

Écrit pour les jeunes et le grand public, dans un langage accessible et compréhensible même pour ceux qui ne sont pas versés dans les questions théologiques, tout en étant précis et fidèle à la doctrine de l’Église, ce compendium expose la vérité de la foi et de la tradition catholiques face aux complexités du moment présent.

La transmission complète de la foi, de la morale et de la sainte liturgie reçues de l’Église est le devoir et la responsabilité de tout évêque catholique, et ce en vertu de la consécration épiscopale. Ni le pape, Vicaire du Christ, ni les évêques ne sont propriétaires du Depositum fidei ou de la Sainte Liturgie, ni ne peuvent en disposer à leur guise. Ils n’ont pas non plus le pouvoir de proposer de nouvelles formes d’expression de la doctrine catholique, si ce n’est dans le même sens que la Tradition.

(…)

Dans ce Compendium, qui compte plus de 400 pages et 607 citations de documents de l’Église, Mgr Schneider aborde, entre autres, les sujets suivants :

Le transhumanisme, Le pentecôtisme, La signification de la persécution de l’ancienne messe traditionnelle et le problème de « l’obéissance » que cette persécution engendre, Le culte de la Terre Mère, Les méthodes asiatiques de méditation, Le sacerdoce ou le diaconat féminin, L’utilisation des réseaux sociaux, La science et l’évolution, La guerre juste, La peine de mort, L’idéologie du genre, La pudeur, Les vaccins et les mandats de santé, Les religions du monde, La vraie prière, L’éducation des enfants et la scolarisation, La question complexe de la liberté religieuse et de la liberté d’expression, Les scandales dans l’Église, L’infaillibilité, Les degrés du magistère et l’erreur, La pornographie et l’éducation sexuelle, Le travail dominical et la façon d’adorer Dieu, Le communisme et la franc-maçonnerie, Le mondialisme, Le mouvement charismatique, La marijuana et la consommation de drogues, La signification d’un authentique renouveau de l’Église, etc..

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https://www.infocatolica.com/blog/schola.php/2309171210-un-credo-de-cara-a-la-apostas

Le 26 octobre le livre de Mgr Schneider a fait l’objet d’un lancement public à Rome, et le cardinal Sarah a pris la parole, déclarant que « la crise de l’Eglise est entrée dans une nouvelle phase : la crise du Magistère » et qu’ « une véritable cacophonie règne aujourd’hui dans l’enseignement des pasteurs ».

Les évêques et les prêtres « semblent se contredire » et imposer leurs opinions personnelles « comme s’il s’agissait d’une certitude », et il en résulte, « confusion, ambiguïté, apostasie. Une grande désorientation, un profond désarroi et des incertitudes dévastatrices ont été inoculés dans l’âme de nombreux croyants chrétiens ».

Source: Diane Montagna, Catholic Herald, 9 novembre 2023

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Cardinal Sarah : « L’Eglise n’est pas en crise, mais ses pasteurs le sont profondément.

Nous sommes en pleine crise du magistère

Discours du Cardinal Robert Sarah lors de la présentation du livre Credo. Compendium de la foi catholique de Mgr Athanasius Schneider.

Cardinal Robert Sarah

(…) En cette période de grave crise dans l’Église, de confusion, et surtout en entendant trop souvent des voix discordantes sortir de la bouche de beaucoup de prélats de haut rang sur des questions doctrinales et morales, et sur l’acceptation d’idéologies qui nient Dieu et ses enseignements sur la nature et la mission de l’homme, la publication du livre Credo. Compendium de la foi catholique est une initiative d’une grande importance, qui arrive à point nommé. En effet, aujourd’hui, une véritable cacophonie règne dans les enseignements des pasteurs : évêques et prêtres. Ils semblent se contredire. Chacun impose son opinion personnelle comme s’il s’agissait d’une certitude. Il en résulte confusion, ambiguïté, apostasie. Une grande désorientation, un profond désarroi et des incertitudes dévastatrices ont été inoculés dans l’âme de nombreux fidèles chrétiens.

Le philosophe allemand Robert Spaemann a bien décrit cette perplexité en citant la première épître de l’apôtre Paul aux Corinthiens : « Si la trompette sonne confusément, qui se prépare au combat ? » (1 Co 14, 8). C’est précisément la raison pour laquelle j’ai écrit dans l’introduction de ce livre :

« Beaucoup ont dit beaucoup de choses sur la foi catholique. Certaines affirmations sont confuses, d’autres sont complètement fausses. C’est pourquoi nous devons remercier Mgr Schneider pour cet exposé fidèle, concis, profond et vraiment à jour de l’enseignement de l’Église. Pleinement conscient de la mission qu’il a reçue lors de sa consécration épiscopale de transmettre pleinement et fidèlement ce qu’il a lui-même reçu de la tradition vivante de l’Église, Mgr Schneider invite dans ce Compendium tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté à approfondir et même, si nécessaire, à corriger leur connaissance de la doctrine catholique. Ses questions et réponses claires et concises facilitent cet approfondissement, et en même temps son annotation assidue des sources encourage une exploration plus profonde des richesses de la foi catholique.

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Je suis persuadé que ce livre permettra à Mgr Schneider de remplir sa mission, à savoir venir en aide à ceux qui ont faim du pain de la saine doctrine, mais je suis également convaincu que ce document se révélera être un outil important au cœur du travail missionnaire d’évangélisation et d’apologétique, en proclamant la vérité salvatrice de Jésus-Christ dans notre monde qui en a si désespérément besoin.

Ce livre nous rappelle la nature et le contenu bien structuré des vérités chrétiennes. Il nous aide à croire. Mais croire suppose savoir, et savoir implique un engagement de la raison pour mieux connaître, intérioriser, enseigner et transmettre. Avec ce livre, chacun de nous pourra peut-être retracer son itinéraire de foi, revenir aux fondamentaux, retrouver une foi sereine qui n’a pas honte d’elle-même. Ce livre peut aider à découvrir plus profondément Jésus-Christ, à l’aimer, à croire en lui et à pouvoir dire avec saint Paul : « Car je sais en qui j’ai cru, et j’ai l’intime conviction qu’il est capable de garder le dépôt qui m’a été confié » (2 Tm 1,12).

Nous ne croyons pas à une doctrine, mais nous aimons une personne, Jésus-Christ, en qui nous croyons. Nous ne croyons pas aux dogmes, aux idéologies, à la sagesse de ce monde (1 Cor 2,6), mais par notre foi en Jésus-Christ, chacun de nous peut dire : « Je crois en Jésus-Christ. Ce n’est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi. Cette vie que je mène dans la chair, je la mène par la foi au Fils de Dieu, qui m’a aimé et s’est donné lui-même pour moi » (Gal 2,19-20). Nous croyons Celui qui a dit : « Je suis la lumière du monde : celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie » (Jn 8,12). Lorsque la lumière manque, tout devient confus, il est impossible de distinguer le bien du mal. Il est donc urgent de retrouver le caractère de lumière propre à la foi, de sorte que si sa flamme s’éteint, toutes les autres lumières perdent aussi leur vigueur.

En effet, la lumière de la foi possède un caractère singulier, étant capable d’illuminer toute l’existence de l’homme. Pour qu’une lumière soit aussi puissante, elle ne peut pas provenir de nous-mêmes, mais d’une source plus originelle. Elle doit venir en définitive de Dieu.

Lorsque nous parlons de crise dans l’Église, il est important de souligner que l’Église, en tant que Corps mystique du Christ, continue d’être « une, sainte, catholique et apostolique ». La théologie et l’enseignement doctrinal et moral restent inchangés, immuables, indisponibles. L’Église, en tant que prolongement et extension du Christ dans le monde, n’est pas en crise. C’est nous, ses enfants pécheurs, qui sommes en crise. Elle jouit de la promesse de la vie éternelle : les portes de l’enfer ne prévaudront jamais contre elle. En effet, Jésus dit à Pierre: « Tu es Petrus, et super hanc petram aedificabo Ecclesiam meam et portae inferi non praevalebunt adversum eam » (Mt 16, 18). Nous savons, nous croyons fermement qu’il y aura toujours assez de lumière en elle pour celui qui veut sincèrement partir à la recherche de Dieu. L ‘Église n’est pas en crise, mais ses pasteurs le sont profondément.

L’appel de saint Paul à Timothée, son fils dans la foi, nous concerne tous : « Devant Dieu qui donne la vie à toutes choses et devant Jésus-Christ qui a rendu son vrai témoignage devant Ponce Pilate, garde ce qui t’a été confié, évite les discours vides et pervers et les objections de la fausse science. Quelques-uns, pour l’avoir suivie, se sont éloignés de la foi » (1 Tm 6,13.20-21). Le dépôt de la foi reste un don divin surnaturel.

Mais aujourd’hui, la crise de l’Église est entrée dans une nouvelle phase : la crise du magistère. Certes, le magistère authentique, en tant que fonction surnaturelle du Corps mystique du Christ, exercée et guidée invisiblement par l’Esprit Saint, ne peut pas être en crise. La voix et l’action de l’Esprit Saint sont constantes et la vérité vers laquelle il nous conduit est ferme et immuable.

L’évangéliste Jean dit : « Quand l’Esprit de vérité sera venu, il vous conduira dans la vérité tout entière ; car il ne parlera pas de lui-même, mais il dira tout ce qu’il aura entendu et il vous annoncera les choses à venir. Il me glorifiera parce qu’il prendra de ce qui est à moi et vous l’annoncera. Tout ce que le Père a est à moi ; c’est pourquoi j’ai dit qu’il prendra de ce qui est à moi et vous l’annoncera » (Jn 16, 13-15). Le dogme, la doctrine, la révélation divine ne changent pas du tout. L’Église se tient devant le Seigneur pour l’adorer, pour le glorifier, et la manière de prier et de croire est immuable.

Lex credendi et lex orandi ont marché côte à côte et se sont nourries l’une l’autre tout au long de l’histoire de l’Église. Si nous croyons que notre dogme est comme une graine qui pousse chaque jour, pourquoi ne verrions-nous pas la façon dont nous prions et exprimons notre dogme de la même manière ? Les théologiens commencent l’étude de leur sujet en approfondissant leur connaissance du domaine tel qu’il leur est présenté dans l’Ancien Testament, dans les écrits du Nouveau Testament, dans les Pères de l’Église et enfin dans le Magistère de l’Église. Ce n’est qu’après avoir parcouru un long chemin qu’ils pourront revendiquer la connaissance de la Tradition et élaborer une théorie qui, d’une part, s’inscrit dans la continuité de la théologie antérieure et, d’autre part, offre une perspective actuelle et, d’une certaine manière, originale sur la question. Sans pour autant changer la doctrine.

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