Et c’est le blogueur argentin The Wanderer qui la formule. Dans l’atmosphère de fin de règne qui plombe le centre névralgique de Sainte Marthe, avec un pape de 87 ans, affaibli par de multiples infirmités et autres problèmes de santé, des rumeurs circulent selon lesquelles ce dernier, fortement poussé par des amis qui ne veulent de bien ni à lui ni surtout à l’Eglise, envisagerait de nommer un évêque co-adjuteur (attention! pas un cardinal vicaire) pour Rome. Qui ne serait nul autre que Tucho. Un vice-pape, en somme.
The Wanderer insiste beaucoup, pour la forme, sur le fait qu’il ne s’agit que d’une hypothèse, basée sur les rumeurs, et l’on sait ce que cela vaut habituellement. Sauf que, conclut-il fort justement:

Vu son absurdité, je serais tenté de dire qu’elle n’est qu’un fantasme.

Le problème, c’est que ces dernières années, les fantasmes les plus fous sont devenus réalité.

Un évêque coadjuteur pour Rome – une hypothèse absurde ?

The Wanderer
11 décembre 2023

La semaine dernière, nous évoquions la possibilité réelle d’une candidature du cardinal Pietro Parolin à la succession de François. Quelques jours plus tard, l’abbé Claude Barthe a publié un article sur ce personnage inquiétant (www.resnovae.fr/le-cardinal-parolin-en-embuscade)

Il porterait probablement un habit rouge corail et les chaussures rouges reviendraient, mais ce serait l’aboutissement de la rupture entre la nouvelle église conciliaire et l’église de toujours. La pire option : un loup vêtu selon l’étiquette.

Il Giornale [Nico Spuntoni, ndt], pour sa part, a publié un article sur le cardinal Matteo Zuppi, un autre des aspirants au trône pétrinien, dans lequel, malgré un discours clairement progressiste, il se prononce clairement sur certaines questions centrales de la foi.

Telle est la situation dans laquelle nous nous trouvons : nous discutons pour savoir s’il est préférable d’avoir un pape hérétique à 30% ou bien à 60 %, parce que nous savons que nous n’aurons pas de pontife pleinement catholique, c’est-à-dire qui préserve, confirme et enseigne la foi des apôtres, cette foi à laquelle l’Église a adhéré de manière inébranlable jusqu’à la débâcle du Concile Vatican II.

Si j’avais écrit la même chose il y a seize ans, quand j’ai commencé ce blog, cela m’aurait semblé injustifiable et inadmissible. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, et les exemples pleuvent. Un seul cas, datant d’il y a quelques jours et rapporté par Specola : la maison d’édition dehonienne, qui fait partie de la Congrégation des Missionnaires Réparateurs, vient de publier une Bible queer. Ils présentent le livre sur leur site en ces termes:

« Les textes rédigés par des universitaires et des pasteurs s’appuient sur des théories féministes, queer, déconstructionnistes et utopiques, sur les sciences sociales et sur des discours historico-critiques pour offrir une lecture de l’Écriture comme jamais auparavant. L’accent est mis à la fois sur la manière dont la lecture des perspectives contextuelles affecte la lecture et l’interprétation des textes bibliques, et sur la manière dont les textes bibliques ont influencé et influencent les communautés LGBTQ+. Un texte révolutionnaire et rigoureux qui donne un nouveau visage aux Saintes Ecritures ».

Quelqu’un aurait-il pensé, il y a quelques années, que cela était possible ? Nous l’aurions dénoncé comme déséquilibré et blasphématoire, et nous n’aurions jamais admis une telle absurdité : une bible gay publiée et vendue par une maison d’édition appartenant à une congrégation majeure de l’Église catholique.

Le problème est que l’Eglise s’est habituée à l’absurde (contraire à la logique et à la raison), à la déraison et au non-sens. Tout le monde le voit mais reste silencieux. Ceux qui devraient parler en premier lieu, les évêques, se cachent et le geste le plus courageux qu’ils font est de ne pas mentionner les absurdités pontificales dans leurs homélies. Ils ont peur, ils savent ce qui leur arrivera s’ils parlent. Nous, les laïcs, nous poussons quelques cris ici et là mais, malgré les déclarations pontificales, l’Église reste résolument cléricale. Nos voix n’ont pas d’autre effet que le témoignage nécessaire.

Tout cela, déjà connu des lecteurs du blog, me revient à l’esprit parce que certains ont émis une hypothèse – on ne sait pas sur quelles bases – qui n’a ni queue ni tête. Ils prétendent que le Pape François nommerait un évêque coadjuteur pour Rome. C’est-à-dire qu’il nommerait un évêque coadjuteur pour l’aider à gouverner non pas le diocèse de Rome – pour lequel il dispose du cardinal vicaire et d’un bataillon d’évêques auxiliaires – mais l’Église universelle. Un tour de passe-passe péroniste de plus. Et certains osent nommer ce coadjuteur : Tucho Fernández. En d’autres termes, Tucho serait le vice-pape officiel, et de facto le pape. Cela n’a ni queue ni tête, ai-je dit. Oui, juste un peu plus grave que d’avoir nommé la même personne préfet du Dicastère de la Doctrine de la Foi.

Ce n’est qu’une hypothèse absurde mais qui, paradoxalement, a une certaine logique au vu des faits que nous voyons et de l’esprit du pape François. Sa bronchite est plus tenace que d’habitude et quand elle disparaîtra, si elle disparaît, il y aura une autre maladie, et une autre, qui le conduiront finalement à la tombe. Bergoglio sait, comme ceux qui l’entourent, que sa fin est proche ; il sait qu’il est faible et fatigué, et il sait que les vautours et les valets tournent déjà au-dessus de Sainte-Marthe parce qu’ils sentent un cadavre. Il sait aussi que c’est dans les semaines ou les mois qui précèdent sa mort que les prétendants à sa succession commenceront à se positionner et que lui, dans sa faiblesse, ne pourra pas faire grand-chose pour les faire fuir. C’est pourquoi, ces derniers temps, son cercle intérieur s’est de plus en plus restreint et il n’est plus entouré que de Jésuites et d’Argentins, ceux en qui il croit pouvoir avoir confiance.

Regardons de plus près. Le cardinal Victor Fernandez a été baptisé au début du pontificat il coccolato, le chouchou du pontife, et il devient de plus en plus affectueux. Bergoglio lui fait une confiance aveugle et c’est pourquoi il a commis, et continue de commettre, des erreurs stratégiques aussi grossières que l’expulsion de l’évêque Strickland de son diocèse et du cardinal Burke de son appartement, et la semaine dernière, il a ajouté l’interdiction faite à l’évêque Strickland, par imperium pontifical, de célébrer la messe dans son ancien diocèse. Les progressistes sont furieux d’avoir perdu quelques places en peu de temps grâce à la maladresse du Tucho ; les conservateurs sourient de plaisir et il ne serait pas anormal qu’ils mettent quelques peaux de banane supplémentaires sur le chemin du coccolato pour le faire trébucher, ainsi que Bergoglio lui-même. L’avidité du fou pour le pouvoir et la notoriété est incalculable, et il ne serait donc pas étrange que ce soit le cardinal Fernández qui ait chuchoté l’idée d’un coadjuteur aux oreilles pontificales affaiblies.

Mais outre la main probable de Tucho, il y a aussi les Jésuites. Jamais dans l’histoire de l’Église un pape n’a eu d’évêque coadjuteur. Mais soyons honnêtes : cette hypothétique bizarrerie serait du même acabit que la figure de « pape émérite » que Benoît XVI a sortie du chapeau. Je ne sais pas quelles seraient les implications canoniques, et je suppose que cela soulèverait un tollé, mais ce qui est certain, c’est qu’un SJ est derrière tout cela : le cardinal Gianfranco Ghirlanda, le canoniste de prédilection du pontife argentin et l’auteur du cadre juridique de toutes ses manigances. Nous avons déjà évoqué sur ce blog le projet qui se prépare pour modifier les règles du conclave – auquel participeraient également des laïcs – et des précédentes congrégations générales, auxquelles les cardinaux les plus âgés opposeraient leur veto.

J’insiste : il s’agit d’une hypothèse. Vu son absurdité, je serais tenté de dire qu’elle n’est qu’un fantasme. Le problème, c’est que ces dernières années, les fantasmes les plus fous sont devenus réalité.

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