Hervé Giraud (né en 1957) est archevêque de Sens-Auxerre depuis 2015.
Nous en avons parlé en avril dernier: Des évêques français plus « ouverts » à l’homosexualité. Il est interviewé par La Croix, où il a apparemment son rond de serviette, et il dit tout le bien qu’il pense du document signé Tucho.
Le site italien « Silere non possum » qui a traduit l’interview en italien (que je re-traduis donc en français – l’article est en accès payant sur le site du journal – juste pour information, car elle est vraiment une synthèse caricaturale) souligne que « le risque, qu’on peut déduire des propos enthousiastes du prélat, est précisément de favoriser une confusion totale : chacun pour soi, Dieu pour tous».
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A noter, Mgr Giraud parle de « premier pas », puis de « petits pas ». Autrement dit: ce n’est qu’une « étape ». Vers la reconnaissance d’autre chose, comme… le mariage?

« JÉSUS EST TOUJOURS ALLÉ VERS LES PÉCHEURS ».

L’évêque français Giraud commente le nouveau texte du Dicastère pour la Doctrine de la Foi


Silere non possum

Au lendemain de la publication du document Fiducia Supplicans, S.E.R. [ndt: façon de p)arler!!!] Mgr Hervé Giraud, archevêque de Sens et prélat de la Mission de France, a accordé une interview au journal français La Croix. Le risque, comme on peut le déduire des propos enthousiastes du prélat, est précisément de favoriser une confusion totale : « chacun pour soi, Dieu pour tous ».

Il s’agit de mettre en place un système qui, malheureusement, est déjà présent dans nos paroisses. Les fidèles, en effet, « choisissent » déjà le prêtre qui leur dit ce qu’ils veulent entendre. Il n’y a pas d’unité, pas d’uniformité dans la proclamation, la prédication et l’administration des sacrements. Cela ne peut que nous conduire à une dérive inquiétante où certains, pour faire bonne figure ou même pour « faire de l’audience », admettront n’importe quoi. Le plus grave est que cela se fasse au nom de Jésus, qui est certes venu appeler les pécheurs, mais pour les sauver, pour changer leur vie, certainement pas pour leur dire : « C’est bon, allez-y ».

Quel est le contexte de cette note du Dicastère pour la Doctrine de la Foi ?

Mgr Giraud : Cette note intervient après la publication de l’exhortation apostolique Amoris laetitia, rédigée à la suite du Synode sur la famille de 2016, qui affirmait déjà l’idée que lorsqu’une union atteint une stabilité visible, elle peut être l’occasion d’être accompagnée par l’Église.

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Que signifie cette autorisation de bénir les couples de même sexe en dehors de la liturgie ?

Mgr Giraud : Je pense que l’objectif du pape François est de nous faire découvrir un autre sens de la bénédiction. Il veut nous montrer que la bénédiction ne sert pas seulement à bénir des situations, mais aussi à les faire grandir. Dans ce cas, l’espoir de ce geste est de donner aux gens la grâce d’aller vers Dieu. La note du Dicastère pour la Doctrine de la Foi doit certainement être comprise dans cette optique, pour nous faire découvrir une autre idée de la bénédiction, une bénédiction de croissance et non une bénédiction de pure reconnaissance.

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Quelle est la vision théologique du Pape ?

Mgr Giraud : Le pape François essaie de sortir de la simple approche « interdiction-permission » et de placer les personnes sous le regard de Dieu, afin de les ramener sur des chemins plus sûrs. La bénédiction ouvre ces chemins plus sûrs. Jusqu’à présent, le débat dans l’Église a opposé ceux qui disent que l’on peut bénir les personnes mais pas les couples, et ceux qui disent que l’on ne peut pas le faire. Avec cette note, le pape va plus loin : il demande que les situations des personnes soient prises en compte, pour les encourager à vivre une meilleure vie chrétienne.

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Au-delà de ces nouvelles possibilités, comment est perçu le style de François ?

Mgr Giraud : Le Pape a un principe fondamental : il part de la base, des personnes et des situations. Il veut toujours aider les gens à progresser. Il essaie de sortir d’une morale froide et bureaucratique et d’accompagner les fidèles pas à pas, au cas par cas, pour les intégrer de mieux en mieux. Même s’ils participent imparfaitement à la vie de l’Église (comme nous tous !). Il veut nous encourager à prendre en compte ces situations existantes, à les accompagner autant que possible. C’est une bénédiction qui vise à donner une grâce dans la vie chrétienne, une bénédiction d’encouragement pour les personnes. C’est une manière de leur dire que, malgré leurs péchés, il ne faut pas désespérer de l’amour de Dieu pour eux. Dieu viendra nous chercher, quelle que soit la distance qui nous sépare.

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Cette décision était-elle attendue par les homosexuels dans l’Eglise ?

Mgr Giraud : Oui, et aussi par leurs familles. Certains la salueront comme un premier pas, tandis que d’autres – qui demandaient par exemple la bénédiction des unions civiles – estimeront qu’elle ne va pas assez loin. Derrière ces petits pas, il y a le souci de communion de l’Eglise, car certains laïcs et clercs sont opposés à tout changement en la matière, il faut donc aller très doucement et enseigner beaucoup le sens de l’enjeu : Dieu veut nous prendre là où nous sommes pour nous amener à Lui.

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Comment cette bénédiction peut-elle être donnée concrètement ?

Mgr Giraud : Cela se fera au cas par cas. Le prêtre rencontrera les couples pour voir comment ils envisagent leur place dans l’Eglise. Il faut y réfléchir avec les personnes, à partir d’elles, et aussi avec la communauté, pour ne pas les aliéner. Je pourrais moi-même donner une bénédiction à un couple de même sexe, parce que je pense que cela repose sur une belle idée de la bénédiction, selon l’Évangile et le style du Christ. Qu’il s’agisse de la Samaritaine ou de la femme adultère, Jésus est toujours allé vers les pécheurs pour les relever. Au fond, je pense que cette bénédiction correspond au projet de Dieu et à la théologie de l’incarnation.

Propos recueillis par Héloïse de Neuville dans le journal La Croix.

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