Commentaire de Luisella Scrosatti. Certains évêques se rebellent, d’autres sont enthousiastes, et leur enthousiasme est inversement proportionnel à la pratique religieuse dans leurs pays respectifs (Suisse, Allemagne, Belgique). Tout sera remis à la « sensibilité » des pasteurs. Une fois de plus, François a semé le trouble, et même la zizanie (ce qu’il appelle « fare casino », dans son italien approximatif). Mais peut-on attendre autre chose de quelqu’un qui en l’espace de quelques semaines peut dire tout et son contraire?

Que le pape François ait approuvé le nouveau document, avec la clause interdisant la préparation de rituels, alors que quelques mois plus tôt il avait approuvé la décision des évêques de préparer précisément un rituel, en dit long sur la fiabilité de ces « restrictions ». Et aussi sur la fiabilité du pape, qui fait de plus en plus preuve d’un jésuitisme aux accents machiavéliques.

TREMBLEMENT DE TERRE AU VATICAN

Bénédiction des homosexuels, les évêques se rebellent : c’est la guerre des pastorales.

Luisella Scrosatti
La NBQ

La déclaration du DDF sur les bénédictions « homo » fait voler en éclats l’unité des évêques. Les Suisses et les Allemands exultent. Les pasteurs du Kazakhstan et du Malawi disent non, et avec eux l’Espagnol Munilla. Une division destinée à s’élargir. La guerre pastorale a commencé.

Repartons de la phrase chirurgicalement omise par le cardinal Victor M. Fernández, dans sa citation de Prædicate Evangelium (II. 1) : la Curie romaine est au service du pape, « pour l’aider dans sa mission de ‘principe et fondement perpétuel et visible de l’unité tant des évêques que de la multitude des fidèles’ ». (cf. lanuovabq.it/it/con-fiducia-supplicans-il-papa-e-tucho-sfiduciano-i-vescovi)

En regardant les réactions des évêques à la Déclaration Fiducia supplicans, on pourrait dire que Tucho a résolument raté son coup, accentuant encore cette division néfaste qui brise littéralement l’unité entre les pasteurs (sans parler des fidèles).

La Conférence des évêques suisses se réjouit :

« Cette décision correspond au désir des évêques suisses d’une Eglise ouverte qui prend au sérieux, respecte et accompagne les personnes dans leurs différentes situations relationnelles ».

Les évêques suisses voient dans le document du Dicastère pour la doctrine de la foi le témoignage que l’Eglise a pris « au sérieux les préoccupations synodales » et a assumé « avec cohérence sa mission d’accompagnement pastoral de tout être humain, dans la continuité de l’exhortation apostolique Amoris Lætitia« . Une note qui a le mérite de reconstituer les étapes les plus dévastatrices de ce pontificat.

Le président de la Conférence épiscopale allemande, Mgr Georg Bätzing, est également satisfait :

« Je salue chaleureusement ce document et je suis reconnaissant pour la perspective pastorale qu’il apporte. Fiducia supplicans explique qu’en principe, il est possible et admissible que le ministre ordonné réponde aux souhaits des couples qui demandent une bénédiction pour leur relation, même s’ils ne vivent pas entièrement selon les normes de l’Église ».

L’archevêque de Salzbourg, Mgr Franz Lackner, a déjà suggéré la ligne d’interprétation de la déclaration. Lorsqu’on lui a demandé ce qu’un prêtre devrait répondre à une demande de bénédiction de couples de même sexe aujourd’hui, il a répondu : « Au fond, vous ne pouvez plus dire non ». Il n’y a plus de discernement : vous bénissez, c’est tout.

La position de la Conférence épiscopale du Malawi est tout à fait différente : pas de discernement, on ne bénit pas, et c’est tout. Les évêques de cet État d’Afrique australe ont fait preuve d’un sens aigu des réalités. Après avoir résumé les distinctions artificielles de la Déclaration, ils ont choisi une ligne de fond, rendue publique par une clarification :

« Pour éviter toute confusion parmi les fidèles, nous ordonnons que, pour des raisons pastorales, les bénédictions d’unions homosexuelles ne soient pas autorisées au Malawi ».

C’est la guerre des pastorales.

Opposition plus théologique, en revanche, de la part de l’évêque d’Astana, Mgr Tomasz Peta, et de l’auxiliaire, Mgr Athanasius Schneider:

« Aucune des affirmations contenues dans cette Déclaration du Saint-Siège, même la plus belle, ne peut minimiser les conséquences destructrices et profondes de cet effort pour légitimer de telles bénédictions ».

Les deux évêques du Kazakhstan se font l’écho de l’évêque du diocèse d’Orihuela-Alicante, Mgr Jose Ignacio Munilla :

« La charité pastorale est un appel à la bénédiction de tous les pécheurs, mais pas à la bénédiction de notre péché… ». Par conséquent, l’Évangile nous invite à bénir tous ceux qui s’ouvrent au don de Dieu, même ceux qui vivent dans des situations affectives irrégulières, mais il ne nous donne pas le pouvoir de bénir leurs unions contraires au dessein de Dieu ».

En revanche, le cardinal Blase Cupich, invité de Vatican News, s’est félicité de cet « appel aux pasteurs pour qu’ils adoptent une approche pastorale afin d’être disponibles pour les gens ». En ce sens, « la Déclaration représente un pas en avant ».

L’évêque d’Anvers, Mgr Bonny, est allé dans le même sens : « Elle nous aide à aller de l’avant », a déclaré le prélat.

La brève approbation de Mgr Bonny est particulièrement intéressante et mérite réflexion. Rappelons en effet qu’il y a neuf mois à peine, il s’était exprimé lors du Synode allemand en disant que les évêques belges bénissaient déjà tous les couples irréguliers, avec l’approbation du pape [cf. Les évêques belges bénissent les couples gays avec l’approbation du Pape]. Le bureau de presse du Vatican n’avait pas démenti, tout simplement parce que Bonny disait la vérité, et nous en avons maintenant la confirmation flagrante. L’évêque d’Anvers, à cette occasion, avait déclaré publiquement que, lors de la visite ad limina, les évêques belges avaient signalé à François qu’ils préparaient un rituel simple pour la bénédiction des couples irréguliers, y compris les couples de même sexe :

« Nous en avons également parlé avec le pape. Il nous a dit : ‘c’est votre décision, je peux la comprendre’. L’important pour lui était de continuer avec sagesse et de rester unis. Il a demandé à deux reprises : êtes-vous tous d’accord ? Est-ce que vous marchez ensemble ? Alors nous avons dit : oui ».

Aujourd’hui, Mgr Bonny se sent aidé à « avancer » sur ce chemin rituel, inauguré par les évêques belges.

Le fait est significatif, car il révèle que le pape qui a approuvé la récente Déclaration, qui exclut explicitement les rituels ou les formalisations de ces bénédictions, est le même pape qui avait approuvé la décision des évêques belges de faire exactement le contraire. Si nous ajoutons que c’est également le même pape qui, il y a deux ans, avait autorisé le Responsum qui refusait la possibilité de bénir les couples irréguliers et homosexuels, en vertu de la signification intrinsèque des bénédictions, alors nous avons une image assez claire. Les subtilités fictives de Fiducia supplicans, qui fait une séparation impossible entre les bénédictions en tant que sacramentaux et les bénédictions non sacramentelles – rappelons seulement que le Catéchisme de l’Église catholique place les bénédictions parmi les sacramentaux (n° 1671-3) et non parmi la religiosité populaire (n° 1704-6) – ont pour seul but de préparer progressivement la digestion de bouchées encore plus indigestes.

Que le pape François ait approuvé le nouveau document, avec la clause interdisant la préparation de rituels, alors que quelques mois plus tôt il avait approuvé la décision des évêques de préparer précisément un rituel, en dit long sur la fiabilité de ces « restrictions ». Et aussi sur la fiabilité du pape, qui fait de plus en plus preuve d’un jésuitisme aux accents machiavéliques. Les « simples bénédictions » deviendront très vite habituelles et prépareront ainsi le terrain pour un nouveau bond en avant. Les plus audacieux pousseront immédiatement à des cérémonies de type nuptial, certains que le Saint-Siège s’empressera de les condamner. Et tous s’accorderont à dire qu’il n’y a pas de rupture, car « la doctrine sur le mariage est sauvée », alors que dans les sensibilités, il sera bientôt de notoriété publique que l’Église bénit les concubinages, les unions adultérines et sodomites. Car les signes communiquent bien plus que les mots : quand on voit un prêtre bénir un couple irrégulier, il n’y a pas de sophisme qui tienne.

L’arrivée de Fernández à Rome a imprimé une vitesse impressionnante à la démolition de l’Église, renforçant l’audace des révolutionnaires, faisant céder les indécis et encourageant de plus en plus les schismes. Le pape et Tucho semblent s’acharner toujours plus contre le temple de Dieu, autorisant la bénédiction de relations immorales qui souillent notre corps, temple de l’Esprit Saint, et jetant la confusion et la division dans l’Église, « temple du Dieu vivant » (2 Co 6,16).

Mais quoi qu’il en soit, la parole de Dieu ne faillit pas : « Si quelqu’un détruit le temple de Dieu, Dieu le détruira » (1Cor 3:17).

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