Les évêques africains dans leur ensemble ont rejeté Fiducia Supplicans. Ils ne veulent pas bénir des « couples » gays. Mais l’archiprêtre de la Basilique Saint-Pierre, le très cool cardinal Gambetti (créé par François, on se souvient que c’est lui qui, à l’aube du 1er janvier 2023, avait accueilli la dépouille mortelle de Benoît XVI à une entrée latérale, son attitude désinvolte avait suscité alors quelques commentaires peu amènes) laisse ouverte la possibilité de bénir des couples gays dans le coeur vivant du catholicisme. Avec les problèmes organisationnels que cela ne manquera pas de créer, sans parler du message ainsi envoyé au monde, et du scandale qui s’ensuivra.
Et pendant ce temps là, le cardinal secrétaire d’Etat reste sur un prudent quant-à-soi, et se place sans doute pour le prochain conclave.
Les explications de Nico Spuntoni

Le paradoxe des bénédictions homosexuelles : en Afrique non, à Saint-Pierre oui

Les conférences épiscopales africaines rejettent Fiducia supplicans, tandis que l’archiprêtre de la basilique ouvre la possibilité de bénir les couples homosexuels.

Nico Spuntoni
www.ilgiornale.it
14 janvier 2023

Cette dernière semaine a encore été difficile pour l’Église, qui ne trouve pas la paix en son sein après la publication de « Fiducia supplicans ». Elle s’est en effet ouverte sur la publication de quelques chapitres scabreux d’un livre de 1998 écrit par l’auteur même de la Déclaration du dicastère pour la Doctrine de la Foi, le préfet Víctor Manuel Fernández. Malgré sa détermination à défendre la nouveauté introduite avec son document, le cardinal argentin a dû baisser la tête face à la rébellion retentissante de l’Église d’Afrique, qui a dit « non ».

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L’Afrique gagne, « Tucho » perd

Dans un communiqué de presse du 4 janvier, rédigé en réponse aux protestations provoquées par la publication de Fiducia Supplicans, le cardinal « Tucho » Fernández avait montré qu’il voulait poursuivre son chemin bien qu’il soit conscient du rejet déjà manifesté par des conférences épiscopales africaines entières. Dans ce communiqué, il reconnaissait que « la prudence et l’attention au contexte ecclésial et à la culture locale pouvaient admettre des modalités d’application différentes » mais en même temps il se montrait péremptoire, rejetant la possibilité d’un « refus total ou définitif de cette voie proposée aux prêtres ».

Le ton péremptoire de Fernández n’a cependant pas entamé la détermination des évêques africains, qui se sont exprimés d’une seule voix dans un message du cardinal Fridolin Ambongo Besungu, président du Symposium des conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar.

Le cardinal congolais, l’un des rares Africains influents dans le pontificat de François étant le seul à être membre du Conseil des cardinaux, a été clair dès le titre, en écrivant :  » Pas de bénédiction pour les couples de même sexe dans les Églises africaines « . Ambongo a rejeté ‘Fiducia supplicans’ sans mâcher ses mots :

« cette Déclaration a provoqué une onde de choc, a semé des idées fausses et le désordre dans l’esprit de nombreux fidèles laïcs, de personnes consacrées et même de pasteurs, et a suscité de vives réactions ».

Les évêques africains montrent qu’ils ne veulent pas s’attarder sur la distinction des bénédictions liturgiques et non liturgiques introduite, sans précédent dans les documents officiels, par le cardinal Fernández :

« Les Conférences épiscopales de toute l’Afrique – écrit Ambongo – qui ont réaffirmé avec force leur communion avec le pape François, estiment que les bénédictions extra-liturgiques proposées dans la Déclaration Fiducia supplicans ne peuvent pas être réalisées en Afrique ».

Le postulat même de la communion avec le pape donne une bonne idée de l’impact potentiellement dévastateur de ‘Fiducia supplicans’ pour l’unité de l’Église. Le vaticaniste Matteo Matzuzzi d’Il Foglio a observé que « les dommages causés par Fernández est énorme : pour la première fois, un continent entier publie un document précisant qu’un acte approuvé par le pontifene sera pas appliqué là-bas ».

Avant d’être diffusé, le texte d’Ambongo a reçu l’accord du Pape et du Préfet du Dicastère pour la Doctrine de la Foi lui-même, qui, contrairement à ce qu’il avait écrit dans le communiqué de presse du 4 janvier, a finalement dû prendre acte du « non définitif et total à cette voie » de la part des Conférences épiscopales africaines.

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Des bénédictions à Saint-Pierre ?

S’il n’y aura pas de bénédictions de couples formés par des homosexuels en Afrique, il pourrait y en avoir au cœur de la chrétienté : le cardinal Mauro Gambetti, archiprêtre de la basilique Saint-Pierre, n’a pas fermé la porte à cette possibilité. Lors de la conférence de presse de présentation des travaux de restauration du Baldaquin, interrogé sur le sujet par la vaticaniste de Il Messaggero, le cardinal franciscain a déclaré qu’il n’y avait pas eu de telles demandes jusqu’à présent, mais il a également ajouté que « nous essaierons de montrer ce visage maternel, et aussi paternel, de l’Église dans son attention aux personnes », précisant qu’il se mouvait « avec une certaine autonomie et linéarité » dans ce qu’il a appelé « dans le sillon de ce qui a été tracé par le Magistère ».

L’une des préoccupations que présentait le texte de Fiducia supplicans, du moins dans ses intentions proclamées, était d’éviter les formes de scandale. Une telle bénédiction peut-elle avoir lieu dans la basilique Saint-Pierre sans provoquer de scandale ? De plus, comment pourrait-elle avoir lieu dans « un lieu important de l’édifice sacré » si chaque coin de cette église est chargé d’histoire et visité à toute heure ?

Ce sont des questions auxquelles l’archiprêtre devra probablement faire face dans un avenir proche.

En attendant, le cardinal secrétaire d’État Pietro Parolin a fait savoir, dans le langage feutré d’un diplomate raffiné, qu’il n’était certes pas enthousiasmé par la mesure qui a provoqué une telle secousse dans l’Église, ayant déclaré que « le document a suscité de très vives réactions de la part de certains épiscopats » et affirmant que « cela signifie que l’on a touché à un point très délicat, très sensible, qui devra faire l’objet d’un grand examen approfondi ».

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