L’excellent vaticaniste suisse tessinois Giuseppe Rusconi (que mes lecteurs connaissent) revient sur les derniers exploits du duo qui tient la barre de la Barque, avec le passage dimanche soir en prime time à la télévision de François, et l’invraisemblable et scandaleux imbroglio créé par les déclarations incohérentes du soi-disant gardien de la foi:

Pâteux dans ses déclarations, auto-contradictoire dans ses évaluations, puéril dans ses justifications, sournois dans ses blanchiments, indécent et même blasphématoire dans certains de ses écrits à l’âge adulte : que cette personne ait été créée cardinal et placée en charge de la doctrine de la foi est franchement inacceptable.

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Victor Manuel Fernandez doit démissionner immédiatement. Ou être démissionné d’autorité : le pape François, si l’on se souvient bien, est un expert de ces pratiques

Giuseppe Rusconi
Rosso Porpora
16 janvier 2024

LE PAPE INTERVIEWÉ PAR FABIO FAZIO

C’était déjà arrivé le 6 février 2022 pour la même émission, avec le même présentateur, alors sur Rai 3. Hier soir, dimanche 14 janvier 2024, il y avait une répétition, toujours avec Fabio Fazio, en prime time, dans le cadre de ‘Che tempo che fa’. Il n’y avait pas de surprise à attendre, étant donné le lieu et l’enfant de chœur, qui a fait entrer dans le studio trois thuriféraires bien connus de la Pensée Unique Médiatique (PUM) pour lui servir de rabatteurs : Massimo Giannini (Repubblica), Annalisa Cuzzocrea (La Stampa) et Nello Scavo (Avvenire). Fazio a posé une trentaine de questions au Pape…. S’il devait y avait une troisième fois, cependant, nous lui conseillerions de s’habiller directement en enfant de chœur, de faire une génuflexion et de faire précéder chaque question d’un coup d’encensoir.

Le thème dramatique de la guerre a occupé une large place dans l’interview, associé au scandale des marchands d’armes, aux morts, aux destructions et aussi – évidemment – à la nécessité du pardon. Le pape a ensuite répété qu’il ne pensait pas à la perspective d’une démission (et c’était prévisible) et a effectivement annoncé, après le voyage en Polynésie du mois d’août, un voyage possible et (dit-il) espéré en Argentine, dans cette patrie qu’en plus de dix ans de pontificat il n’a pas voulu retrouver.

Pour le reste, une attention aux enfants ( » Ne leur enlevons pas leur avenir « ) et aux grands-parents (à leur  » sagesse « ), un enfer imaginé comme espérons-le  » vide « , une correction personnelle de l’acte de contrition récité lors de la confession (non plus  » parce qu’en péchant j’ai mérité vos châtiments « , mais « parce qu’en péchant j’ai attristé ton cœur »), la réforme « la plus urgente » qui est celle des cœurs, le sujet des migrants (réponse comme d’habitude très approximative), l’apprentissage de l’amour comme sens de la vie, le châtiment aimant (quand les parents ont « plus de douleur dans les mains que l’enfant au derrière »),

Puis une question sur la solitude dans la prise de décision, en référence à la note du 18 décembre sur les bénédictions aussi pour les couples de même sexe. Là, Jorge Mario Bergoglio a répondu par l’affirmative, pour les cas où les décisions ne sont pas acceptées (on voit qu’il n’était pas au courant de la campagne indignée et solidaire avec lui lancée par les ultras « progressistes » du site espagnol Religion digital ) en ajoutant que la plupart du temps « ils ne sont pas acceptés parce qu’ils ne se connaissent pas » (une interprétation audacieuse de la dissidence afin d’en diminuer la consistance et le sérieux, un vieux truc déjà utilisé à maintes reprises). Dans sa réponse, le pape a parlé de bénédictions pour toutes les personnes, sans jamais utiliser le mot « couple ».

Les questions de l’enfant de chœur ont été une trentaine… mais aucune sur la vie, l’avortement, l’euthanasie, les mères porteuses, la théorie du gender… et pourtant ce sont des thèmes qui reviennent très souvent dans les paroles papales. Ce n’est que ces derniers jours que la théorie du gender a été qualifiée de « très dangereuse » à quelques reprises. Mais peut-on raisonnablement s’attendre à ce que l’enfant de chœur thuriféraire pose au pape des questions aussi politiquement incorrectes ? Et peut-être même une question sur l’indécence du gardien de la doctrine de la foi ? Ou sur Rupnik, Zanchetta et d’autres ?


A PROPOS DE VICTOR MANUEL FERNANDEZ

Victor Manuel Fernandez, 61 ans, qui a produit des tonnes de documents théologiques au cours de sa vie, est depuis le 1er juillet 2023 préfet du dicastère pour la doctrine de la foi (parmi ses prédécesseurs figure Joseph Ratzinger), président de la Commission biblique pontificale et président de la Commission théologique internationale. Depuis le 30 septembre 2023, il est également cardinal et donc électeur au conclave du nouveau pape, quand le moment viendra.

Depuis qu’il est préfet, il s’est déjà livré à toutes sortes de facéties. Prenons pour exemple les derniers exploits, que nous résumons car ils sont bien connus de ceux qui prêtent au moins un peu d’attention à la vie quotidienne du Vatican. Suite aux sollicitations du Synode allemand et d’autres secteurs  » progressistes « , la  » Déclaration Fiducia supplicans  » a été publiée le 18 décembre 2023 par le Dicastère (également signée par le secrétaire don Armando Matteo et approuvée par le Pape), dans laquelle, après avoir rappelé ad abundatiam (la tactique habituelle de la fumée dans les yeux) la doctrine catholique sur le mariage, est illustrée la nouvelle catégorie de  » bénédictions  » spontanées ou pastorales, qui ne sont pas sacramentelles, mais permettraient aux couples irréguliers (lire notamment homosexuels) d’être bénis. Une voie à suivre, à propos de laquelle (est-il annoncé) « il ne faut pas s’attendre à d’autres réponses sur la manière de régler les détails ou les aspects pratiques concernant les bénédictions de ce type ».

La courbe « progressiste » allemande, suisse, belge se réjouit… mais les réactions négatives sont nombreuses, venant de diverses parties du monde (presque toute l’Afrique, les conférences épiscopales de Pologne et de Hongrie, Mgr Shevchuk et d’autres, même en Amérique). C’est pourquoi – en contradiction avec ce qui a été écrit le 18 décembre – voilà un « Communiqué de presse sur la réception des Fiducia supplicans » signé par le cardinal Fernandez et don Armando Matteo le 4 janvier 2024. Nous mettons en évidence trois passages du communiqué.

Le premier :

« Le texte du dicastère a adopté le profil élevé d’une « Déclaration », qui représente beaucoup plus qu’un responsum ou une lettre ».

Quelle effrayante menace implicite !

La seconde :

« La prudence et l’attention au contexte ecclésial et à la culture locale pourraient admettre des modalités d’application différentes, mais pas un refus total ou définitif de ce chemin proposé aux prêtres ».

En résumé : la bénédiction doit être faite.

Troisièmement :

 » C’est une question de 10 ou 15 secondes ».

Même pas le temps de dire « Amen ». Comme les destinataires potentiels ont dû être heureux d’apprendre cela, en soutane ou non ! Mais dans tous les cas, qu’il s’agisse de 10 secondes ou de 10 minutes, il s’agirait tout de même d’une bénédiction, avec une reconnaissance de légitimité du point de vue du couple.

Ce n’est pas fini pour autant. Car, le 11 janvier 2024, est publié le message du Symposium des conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar, signé par le président le cardinal Fridolin Ambongo et intitulé : « Pas de bénédiction pour les couples homosexuels dans les églises d’Afrique ». Le message dit notamment :

« Dans la famille de l’Église de Dieu en Afrique, la « Déclaration » a généré une onde de choc, a semé la confusion et l’inquiétude dans l’âme de nombreux fidèles laïcs, consacrés et même pasteurs, et a suscité de vives réactions ».

Par conséquent, pas de bénédiction, considérant également « la confusion et le scandale potentiels dans la communauté des fidèles », étant donné que « les unions de même sexe sont contraires à la volonté de Dieu et ne peuvent donc pas recevoir la bénédiction de l’Église ».

Il semble à ce stade au moins curieux que le message, comme l’écrit le cardinal congolais, ait « reçu le consentement de Sa Sainteté le pape François et de Son Éminence le cardinal Victor Manuel Fernandez ». Le principe de non-contradiction n’a jamais été le point fort du pontificat bergoglien et de ses compagnons.

Le même préfet a ensuite été interviewé, toujours le 11 janvier 2024, par un journal thuriféraire du PUM, La Stampa.

Répondant à Domenico Agasso, le gardien de la doctrine de la foi parle du communiqué du 4 janvier 2024, en le justifiant d’une manière pour le moins singulière :

« Ce communiqué ressemble à une catéchèse pour adolescents, je le comprends, mais comme certains ont écrit qu’ils ne comprenaient pas concrètement comment ces bénédictions « pastorales » doivent se faire, nous avons pensé qu’il était nécessaire de fournir un exemple particulièrement clair, afin de ne pas laisser de doutes. Et l’une des caractéristiques de la simplicité non rituelle de ces bénédictions est leur durée. Je savais que l’on se moquerait de nous avec ce détail de 15 secondes, mais j’ai pris le risque de rendre plus évident le fait qu’avec ces bénédictions, le monde ne s’écroule pas ».

Ainsi parlait un successeur de Joseph Ratzinger : est-ce que quelqu’un remarque une différence entre les préfets ?

Mais ce n’est pas fini. Au mépris de la parresia proclamée, au mépris de la transparence vantée, le préfet Fernandez a un petit vice, celui de retrancher de son immense production théologique officielle les petits livres qu’il ne lui semble plus opportun de faire connaître. C’est ce qui s’est passé avec ‘Saname con tu boca. El arte de besar’, un manuel détaillé à l’usage des embrasseurs écrit en 1995. Curieux intérêts que ceux du théologien argentin alors âgé de 33 ans. Trois ans plus tard sort ‘La Pasion Mistica, espiritualidad y sensualidad‘, également ignoré dans la bibliographie officielle. D’autres ont déjà écrit à son sujet, citant des passages entiers des chapitres 7, 8 et 9, dans lesquels Fernandez analyse, en véritable spécialiste de la question, les modes et les réactions des orgasmes humains préludes aux orgasmes mystiques. Le chapitre 6, dans lequel des mineurs font part à l’auteur de leur « passion mystique », est même répugnant. L’auteur a déclaré ces derniers jours à Infovaticana qu’il s’agissait « d’un livre de sa jeunesse (NDLR : mais, en tant que théologien établi, n’avait-il pas déjà 36 ans ?) », qu' »aujourd’hui, il n’écrirait certainement pas des choses similaires » et que de toute façon, il s’était déjà rendu compte immédiatement après la publication qu’il s’agissait d’un livre susceptible de créer des « malentendus » : il l’avait donc retiré de la circulation. Des « malentendus » ? Si Fernandez écrit, par exemple, que dans l’orgasme « les femmes sont souvent insatiables », y a-t-il quelqu’un qui pourrait mal comprendre ?

Pâteux dans ses déclarations, auto-contradictoire dans ses évaluations, puéril dans ses justifications, sournois dans ses blanchiments, indécent et même blasphématoire dans certains de ses écrits à l’âge adulte : que cette personne ait été créée cardinal et placée en charge de la doctrine de la foi est franchement inacceptable. Son séjour à l’ex Saint-Office suscite l’indignation, le scandale, c’est une tache noire sur l’image de l’Église, cela porte atteinte à sa crédibilité.

Chaque jour qui passe, le scandale s’amplifie. Victor Manuel Fernandez doit démissionner immédiatement. Ou être démissionné d’autorité : le pape François, si l’on se souvient bien, est un expert de ces pratiques (avec ceux qu’il a dans le collimateur).

Que le pape pense à la façon dont le cardinal Fernandez sera désormais reçu dans les réunions, les célébrations eucharistiques, les occasions publiques et non publiques: au milieu d’une indignation mal dissimulée et de railleries réprimées. Qu’il pense seulement au nombre de catholiques qui se seront sentis blessés au plus profond d’eux-mêmes, risquant alors de tomber dans l’indifférence, puis de quitter le bercail.

Répétons-le : est-ce là ce que le pape, dont l’une des priorités fondamentales devrait être le maintien de l’unité ecclésiale, veut pour l’Église ?

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