(J’ai même appris un nouveau mot – circitérisme). Luisella Scrosatti revient sur la rencontre annuelle traditionnelle (mais qui n’avait pas eu lieu depuis 2019, et ce n’est pas uniquement la faute au covid, comme l’a prétendu François) du pape avec le clergé diocésain de Rome, avec lequel il a des relations… pas faciles, si l’on en croit certains blogs bien informés (*). Il a une fois de plus embrouillé son auditoire, semant à pleine main encore plus de confusion qu’il n’y en avait déjà à propos de Fiducia Supplicans. L’éditorial de Luisella Scrosatti.

(*)

Vik van Brantegem

 

Ce matin, le clergé du diocèse de Rome a été témoin d’un triste épilogue à la discussion sur Fiducia supplicans.
Difficile de commenter sans observer, qu’on a assisté une fois de plus au jeu de trois cartes [un tour de magie] pour confondre les naïfs et les ignorants (ce qui n’est pas une insulte, mais une façon de désigner ceux qui ignorent). Je me souviens avoir vu pour la première fois ce jeu de trois cartes devant une station de métro à Londres, au milieu des années 70, et j’ai été stupéfait non pas par l’habileté du joueur, mais par la stupidité des pigeons qui se laissaient dépouiller dans le tour de passe-passe, avec l’aide de l’assistant, .

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https://www.korazym.org/99846/incontro-col-clero-di-roma-il-gioco-delle-tre-carte
Il n’y a pas vraiment de quoi rire, dit Vik van Brantegem

LA COMÉDIE DES EQUIVOQUES

Fiducia supplicans : le pape sème des doutes et Tucho les cultive.

Luisella Scosatti
La NBQ
16 janvier 2024

Rencontrant le clergé romain, le pontife explique qu’on ne bénit pas le péché, mais les personnes et que celles-ci « viennent peut-être en tant que couples ou en tant que personnes ». Le cardinal préfet se charge de brouiller encore plus les cartes.

Samedi 13 janvier, le pape François a rencontré le clergé romain et a répondu à un certain nombre de questions qui lui ont été posées au cours de cette rencontre qui s’est déroulée à huis clos. Certaines des questions concernaient la récente et très discutée Déclaration Fiducia supplicans et, comme le rapporte [l’agence] Ansa, le pape aurait fait preuve d’un circiterismo digne de figurer dans un manuel (copyright Romano Amerio) [1].

Tout d’abord, il aurait déclaré que les bénédictions concernent « les personnes, pas les organisations. Si l’association LGBT vient, non, mais toujours des personnes ». Mais il aurait ensuite ajouté que « peut-être qu’ils viennent en tant que couples ou en tant que personnes » ; dans tous les cas, « on bénits les personnes, pas les péchés ». Enfin, il a donné un exemple : « Lorsque nous bénissons un entrepreneur, nous ne lui demandons pas s’il a volé ».

Alors, après FS, qui pourrait être béni? Selon le pape, les organisations Lbgt non (pour l’instant), les individus oui. Et les couples ? François prétend qu’il y a eu une discussion sur une éventuelle bénédiction des unions arc-en-ciel, sur laquelle il se serait senti obligé d’intervenir, pour dissiper tout doute ; puis il invente qu’il y a un prêtre ou un évêque qui, avant de bénir une personne, exige qu’il subisse un interrogatoire.

Ayant dissimulé le vrai problème, il tente néanmoins, sans vergogne, de laisser entendre que les candidats aux bénédictions pastorales « viennent peut-être en tant que couples, ou en tant que personnes ». Peut-être, on ne le précise pas. Oui, mais qu’est-ce que tu fais dans ces cas-là ? Tout dépend si tu es africain ou non. Parce que c’est toujours François qui dit qu’en Afrique on ne bénit pas « parce que la culture ne l’accepte pas ».

Si François sème des doutes, Tucho les cultive. Dans SF, il a parlé de bénir les couples, puis dans le communiqué de presse du 4 janvier, le préfet a « clarifié » que la Déclaration contient la proposition de bénédiction des couples irréguliers, mais pas la possibilité de bénir les couples irréguliers [sic! comprenne qui pourra!!]. Et il ne s’agit pas d’une coquille de l’auteur de l’article. Ainsi, dans l’interview du 11 janvier avec La Stampa, le cardinal Fernández parvient à « expliquer » le sens de SF de cette façon :

« Ce sont des bénédictions que nous appelons « spontanées » ou « pastorales », qui sont données uniquement parce que les gens viennent demander la force de Dieu pour aller de l’avant dans la vie ».

D’accord, donc pas aux couples. Mais peu après, Domenico Agasso [le journaliste de Vatican Insider/La Stampa] demande ce qu’il faut répondre « à ceux qui prétendent que bénir un couple gay est un ‘acte sacrilège’, un ‘blasphème' ». La réponse aurait été simple et aurait enfin tranché la question: il ne s’agit pas de bénir des couples, mais des personnes. Au lieu de cela ? Au lieu de cela, Tucho tourne autour du pot en disant qu’on ne veut rien reconnaître, car ces bénédictions « sont indépendantes de la situation des individus ou des deux personnes ou des groupes qui viennent la demander ». Alors, même les groupes : y compris les associations LGBT exclues par le pape ? Parce que pour les bénédictions de 15 secondes, il n’y a pas besoin de demander une carte d’identité…..

Tant le Pape que le Préfet du Dicastère pour la Doctrine de la Foi choisissent délibérément et à plusieurs reprises la stratégie de l’ambiguïté, pour pouvoir se soustraire à toute accusation de droite ou de gauche, en gardant toujours la porte ouverte pour viser ce qu’ils veulent vraiment, c’est-à-dire la diffusion de la ‘bénédiction pastorale’ des couples gays en tant que couples, comme première étape de la stratégie habituelle, tant aimée par le Pape, de ‘mise en route des processus’. Cette équivocité recherchée est la seule chose sur laquelle il n’y a aucun doute.

Ainsi en est-il des évêques africains qui, pour des raisons culturelles (et non doctrinales), n’ont pas envie de bénir les couples gays ; mais aussi des évêques belges qui, même s’ils ont organisé un rite pour la bénédiction de tous les « couples irréguliers », ne semblent pas avoir vu les foudres de Rome pleuvoir sur la Flandre et ses environs.

Le cardinal Parolin, qui ne dit ni oui ni non, mais avec une diplomatie tout à fait déplacée dans cette situation, se limite à parler de réactions qui montrent qu' »un point très sensible » a été touché. Ces évêques qui sanctionneront les prêtres qui refusent d’appliquer FS (… bientôt), et aussi ceux qui mettront en place dans leur diocèse un centre d’assistance pour les couples gays, avec la bénédiction des flashs, après l’introduction appropriée d’une pièce de 1 euro. La pastorale, c’est la pastorale. Pas de sanctions pour le directeur éditorial des Edizioni San Paolo , le père Simone Bruno, qui propose une résistance spartiate pour reconnaître que les unions adultères et les relations sodomites ne sont pas des péchés. Pas même un coup de semonce contre le père James Martin, qui n’a pas été si discret dans ces bénédictions pastorales, claquant sur le web la bénédiction d’un « couple » gay le jour même de la sortie de la SF.

‘Les seuls qui ne seront pas épargnés’, menaçait Tucho dans son communiqué de presse surréaliste du 4 janvier, ‘seront ceux qui s’y opposent catégoriquement pour des raisons doctrinales’. Et François a déjà montré qu’il n’avait aucun scrupule à éliminer ceux qui s’opposent à son plan de démolition de l’Église. Car pour lui, seul son propre pouvoir compte, conçu comme absolutiste : qu’il s’agisse de nominations ou de suppressions, d’encycliques ou de déclarations, François raisonne toujours en termes de « motu proprio » sans appel.

Il n’a pas non plus de scrupules à rester proche de personnes distinguées par des délires mystico-orgiastiques. Dans une autre interview très récente du prolifique Fernández, devenu encore plus bavard que Bergoglio, le cardinal n’hésite pas à se mettre à l’abri du pape, face au scandale lié à son livre sur la pornothéologie :

« J’avais dit au pape, lorsqu’il m’a proposé cette tâche pour la deuxième fois, qu’il pouvait arriver que quelqu’un aille sortir le livre scandaleux du tiroir. Mais il avait déjà les idées claires et connaissait aussi ce livre. Il se trouve qu’une fois, il y a de nombreuses années, on m’avait déjà reproché ce livre et je n’avais reçu aucune sanction de Rome. J’avais déjà fait l’objet d’une enquête jusqu’aux cheveux. Une torture ».

Le pape savait donc, et comment! Pourtant, il n’a eu aucun problème à placer un homme qui a non seulement écrit ce livre, mais l’a défendu récemment, en disant que ‘cela avait du sens à une époque de dialogue avec les jeunes couples qui voulaient mieux comprendre le sens spirituel de leurs relations’. Et il a même eu le culot de dire que saint Jean-Paul II et sainte Hildegarde de Bingen ‘avaient fait quelque chose de semblable.

Tout comme il savait pour Rupnik. À propos duquel, d’ailleurs, selon une indiscrétion de Nico Spuntoni , un prêtre lui aurait posé une question. Mais François aurait éludé la réponse.

Car François est ainsi : il sait très bien ce qu’il veut, mais pour que les autres ne s’en aperçoivent pas, finissant par leur couper l’herbe sous le pied, il fait comme si de rien n’était, ou bien il s’exprime selon le oui, oui, non, non évangélique bien connu, convenablement réajusté à la sensibilité jésuite : oui, non, oui, non, et même peut-être.

Dans un cas comme dans l’autre, cela dépend.

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NDT

[1] Romano Amerio (1905-1999] est un théologien catholique suisse d’origine italienne, connu pour ses positions très critiques à l’égard de l’évolution de la liturgie post-conciliaire et de l’ecclésiologie catholique. 

Il a « inventé » l’expression circiterismo, dans son ouvrage Iota Unum, en référence à l’adverbe latin « circiter », qui signifie « approximativement, plus ou moins ». Armerio fait ainsi allusion au danger de l’indéfini, contre lequel il se montre sévère, voire implacable.

Un procédé courant dans l’argumentation des novateurs est le circiterismo : il consiste à se référer à un terme indistinct et confus comme s’il s’agissait de quelque chose de solide et d’incontestable, et à en extraire ou exclure l’élément qu’il est intéressant d’extraire ou d’exclure….

( https://notin.es/taking-your-life-from-ambition-to-meaning-llenando-tu-vida-de-sentido-en-vez-de-ambicion/ )

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