François a nommé le père franciscain Enzo Fortunato, qui dirigeait auparavant le service de presse du Sacro Convento à Assise, au tout nouveau poste de directeur de la communication de la basilique Saint-Pierre. L’article de John Allen (dont on se demande s’il est simplement factuel ou carrément ironique) dresse un tableau du Sacro Convento et des initiatives, pas franchement religieuses, dont il est le cadre. Quoi qu’il en soit, son récit nous permet de saisir toute l’incongruité de la nomination, qui s’inscrit parfaitement dans la volonté de rupture de François (ou de ceux qui gèrent à sa place).
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Question: que vont dire ceux qui travaillent au coûteux et désormais assez inutile dicastère pour la communication?

Silere non possum, qui est un excellent relais des rumeurs en provenance des Palais (de moins en moins) sacrés décrivait la semaine dernière, avec la mansuétude qu’on lui connaît (!!) la dernière nomination papale en ces termes

C’est lui, le camarade de jeu de Mauro Gambetti, qui donnera (ou ne donnera pas) les nouvelles « tombées » de la basilique Saint-Pierre. Il s’agit du père Enzo Fortunato, le frère mineur conventuel de 60 ans qui, au fil des ans, a su caresser les sièges des puissants : politiciens et ecclésiastiques.

Ce matin, le Bureau de presse du Saint-Siège a annoncé une nomination que Mauro Gambetti [récent cardinal, archiprêtre de la Basilique, lui même frère mineur conventuel et ex-custode du Sacro Convento] a réussi à arracher au Pontife lui-même, car depuis des années, la Secrétairerie d’État opposait un refus catégorique dès que le nom du « petit frère qui aime alimenter Facebook » était mentionné.

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https://silerenonpossum.com/padre-enzo-fortunato-riesce-a-strappare-una-nomina-al-papa/

Le pape veut construire « Assise sur le Tibre » pour promouvoir sa vision spirituelle

John Allen
https://cruxnow.com

ROME – Le 15 mars 2008, par une journée tranquille, un chômeur russe de 77 ans franchit à l’improviste et sans être accompagné l’entrée principale de la basilique Saint-François dans la ville italienne d’Assise, située à flanc de colline, dans l’espoir de se promener tranquillement et de s’imprégner de l’atmosphère.

Malheureusement pour lui, ce Russe septuagénaire a rapidement été reconnu comme étant l’ancien premier ministre soviétique Mikhaïl Gorbatchev, et un groupe de frères franciscains s’est précipité sur lui pour lui faire une visite guidée de ce que l’on appelle le Sacro Convento, c’est-à-dire le couvent franciscain d’Assise, ainsi que de la basilique consacrée au célèbre saint de la ville.

En revenant sur son expérience de ce jour-là, Gorbatchev a déclaré que même s’il restait athée, il devait admettre que le communisme soviétique n’avait jamais produit quelqu’un comme le Pauvre d’Assise et son attrait humaniste universel.

Gorbatchev fait partie d’une longue liste de personnalités mondiales qui ont été attirées par Assise au fil des ans, de Tariq Aziz, ministre des affaires étrangères de l’Irak sous Sadaam Hussein et catholique chaldéen, à l’ancienne chancelière allemande Angela Merkel et au président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva, en passant par des stars du rock telles que Bruce Springsteen et Patti Smith [ndt – que du beau monde, en effet].

Quand le président italien Sergio Mattarella a eu besoin, en 2022, d’une tribune pour s’adresser à une nation qui sortait encore de la pandémie de Covid-19, sans compter qu’elle était assommée par l’invasion russe de l’Ukraine sept mois plus tôt et qu’elle craignait l’avenir, il a lui aussi choisi Assise, ce que les Italiens font toujours quand ils ressentent un besoin particulier de réconfort.

« Nous ne pouvons sortir [de la pandémie] qu’ensemble ! » a déclaré Mattarella ce jour-là. « Les difficultés ne sont en réalité pas terminées », a-t-il ajouté, implorant saint François d’inspirer un nouvel engagement en faveur de « l’amour politique et du service à notre maison commune… sans lesquels aucun plan ne peut être réalisé pour relever des défis aussi épineux. »

La visite de Mattarella, retransmise en direct à la télévision nationale, a permis de rappeler qu’au fil des siècles, le Sacro convento d’Assise a été bien plus qu’un lieu où vivent une poignée de franciscains, tout comme la basilique est bien plus qu’un simple lieu de culte et une destination de pèlerinage.

Pour illustrer le dynamisme du lieu, la visite impromptue de Gorbatchev ce jour de printemps 2008 n’était pas un hasard. Il était en ville pour recevoir la Lampada della Pace, ou « lampe de la paix », une réplique de la lampe qui brûle continuellement au-dessus de la tombe de Saint François, décernée dans le cadre d’une reconnaissance annuelle qui est plus ou moins la version du Prix Nobel de la Paix de l’Église catholique.

Ce prix, et la publicité qui l’accompagne, démontre que le complexe d’Assise formé par le couvent et la basilique constitue un centre nerveux vital pour la préservation et la propagation de l’héritage spirituel de saint François – un hybride unique mélangeant un sanctuaire, un groupe de réflexion universitaire et un cabinet de lobbying de K Street [rue de Washington connue pur héberger quantité de groupes de lobbying et de « thinktanks » internationaux] .

En d’autres termes, le complexe sert de plaque tournante non seulement pour préserver la mémoire de Saint François, mais aussi pour la rendre actuelle, ici et maintenant.

Le 1er février prochain, par exemple, la « salle de la paix » du Sacro convento accueillera un symposium sur l’encyclique écologique du pape François, Laudato si’, qui tire son titre du célèbre Cantique du soleil de saint François. Parmi d’autres notables, le symposium accueillera le président du National System for Environmental Protection, ainsi que des théologiens franciscains et des militants écologistes.

Cette session fait suite à la visite du 18 janvier au Sacro convento de la célèbre actrice Isabella Rossellini, qui était à Assise pour promouvoir son one-woman show « Darwin’s Smile », dans lequel elle joue des singes, des chiens, des chats, des poulets et des paons, en plus, bien sûr, de Darwin lui-même, dans un effort pour promouvoir l’appréciation de la nature et le monde émotionnel des animaux – tout cela, selon Rossellini, tombe sous le manteau spirituel du grand saint qui a parlé au loup de Gubbio et qui a prêché aux oiseaux.

Ce contexte nous vient à l’esprit à la lumière d’un geste personnel du 19 janvier du pape François qui, franchement, semble par ailleurs presque inexplicable.

À cette date, François a nommé le père franciscain Enzo Fortunato, qui dirigeait auparavant le service de presse du Sacro Convento à Assise, au tout nouveau poste de directeur de la communication de la basilique Saint-Pierre.

Il est vrai que Fortunato est une figure bien connue du monde des médias italiens, qui compte près d’un demi-million d’abonnés sur Facebook. Néanmoins, la question se pose : Pourquoi diable une basilique papale a-t-elle besoin d’un porte-parole, d’autant plus que le Vatican dispose déjà de son propre service de presse et d’un dicastère entier consacré à la communication, avec des centaines de personnes à sa disposition ?

La réponse semble être que François veut quelque chose de différent de la basilique Saint-Pierre, au-delà de la simple amplification de la communication institutionnelle dans laquelle le Vatican s’engage déjà.

Il semble vouloir construire un Assise sur le Tibre, en transformant Saint-Pierre en quelque chose comme le Sacro Convento, c’est-à-dire un centre névralgique et un porte-parole d’une spiritualité particulière – dans ce cas, pas directement celle de François d’Assise, mais plutôt celle du pape nommé François.

Cette impression est renforcée par le fait que Fortunato rejoint désormais l’actuel archiprêtre de la basilique Saint-Pierre, le cardinal Mauro Gambetti, un confrère franciscain dont le poste précédent était celui de gardien du Sacro Convento et de la basilique d’Assise de 2013 à 2020.

En d’autres termes, la vision du pape semble être que si le Bureau de presse du Saint-Siège et le Dicastère pour la communication peuvent gérer les messages politiques et ecclésiastiques de son pontificat, la diffusion spirituelle viendra désormais d’une équipe à la basilique Saint-Pierre qui ne fait pas partie de la culture institutionnelle du Vatican, mais qui lui est entièrement redevable et qui est façonnée par sa propre perspective spirituelle.

Il reste à voir si cette vision sera couronnée de succès ou s’il s’agit simplement d’une prescription pour plus de confusion dans les communications.

Ce qui est sûr, en revanche, c’est que cela fait du nouvel « Assise sur le Tibre » une expérience fascinante à suivre [c’est Allen qui le dit!!].

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