« En écoutant le pape, j’entends malheureusement un bruit étrange d’ongles cherchant à s’accrocher à la vitre » commentait hier non sans humour un lecteur d’AM Valli. L’expression idiomatique « arrampicarsi sugli specchi » (escalader les miroirs) ne pourrait trouver une meilleure illustration que l’attitude du Pape cherchant à défendre, à coup de mensonges, d’insultes, et même de propos limite racistes (sur les africains), la déclaration sur la bénédiction des couples homos, et par la même occasion, son poulain Fernandez. C’est ce que met en évidence ce billet de Riccardo Cascioli.

Couples gays, les contorsions du pape pour éviter de dire la vérité.

Riccardo Cascioli
La NBQ
31 janvier 2024

Dans de continuelles interviews, le pape François défend bec et ongles la déclaration sur les bénédictions aux couples homosexuels, et tente de corroborer un faux récit pour brouiller les pistes.

Ceux qui protestent contre Fiducia Supplicans (FS) « appartiennent à de petits groupes idéologiques », a déclaré le pape François dans une énième interview, cette fois avec La Stampa, publiée le 29 janvier. Quelques jours plus tôt, se rendant à la télévision à Che tempo che fa, invité de Fabio Fazio, il avait au contraire déclaré que ceux qui n’acceptent pas FS « ne la connaissent pas ».

Cela vaut la peine de reprendre le discours sur ce sujet précisément à cause de la façon dont le pape intervient constamment pour défendre la déclaration controversée publiée le 18 décembre dernier par le préfet du dicastère pour la doctrine de la foi Victor Manuel ‘Tucho’ Fernandez. Pas seulement des interventions, mais aussi la « promotion » de Fernandez en tant que membre du dicastère pour l’unité des chrétiens, dirigé par le cardinal Kurt Koch : un signal éloquent.

Comme on le sait, il est question de la bénédiction des ‘couples homosexuels et irréguliers’. Et pourquoi convient-il d’y revenir ? Parce que face à la levée de boucliers internationale, le pape ne revient pas en arrière – comme le demandaient beaucoup – mais tente de brouiller les cartes, corroborant un récit manifestement faux et insultant de prétendus ennemis en les qualifiant de cœurs fermés, qui ne sont pas de vrais chrétiens, qui veulent diviser l’Église. Il est triste de voir un pape jouer au prestidigitateur avec les mots pour faire avancer son agenda, mais il faut en prendre acte, et aussi reconnaître que ce n’est pas la première fois. Il est donc bon de clarifier à nouveau les termes de la question.

À l’accusation lancée par le pape, à savoir que la Déclaration est critiquée parce qu’on ne la connaît pas, le cardinal Gerard L. Müller a déjà répondu très clairement ces derniers jours en s’exprimant dans l’émission World Over de Raymond Arroyo sur EWTN :

« Personne ne peut dire que les évêques et les cardinaux n’ont pas compris la SF. Nous avons tous étudié la théologie et sommes capables de comprendre un texte de vingt pages« .

Et puis une pique au cardinal Fernandez et à ses livres hard:

« Nous avons étudié la théologie, pas la gynécologie, nous ne connaissons pas tous les détails comme d’autres, mais ce qu’il faut, c’est connaître les Écritures, la Tradition et la doctrine de l’Église ».

Et en effet, c’est le pape qui semble ignorer le contenu de SF. Dans La Stampa, il a une fois de plus voulu souligner « qu’on ne bénit pas l’union, mais les personnes », mais ce n’est pas ce qui est écrit dans la Déclaration. Déjà dans les lignes d’introduction, le cardinal Fernandez déclare à la fin d’un long discours que « l’on peut comprendre la possibilité de bénir des couples en situation irrégulière et des couples de même sexe ». Et nulle part dans ce long document il n’est fait référence à la bénédiction des personnes individuelles, même si elles se présentent en couple.

Mais à ce propos, une autre subtilité tend à donner une image déformée de l’Église : en effet, le pape laisse entendre que jusqu’à présent les bénédictions ont été refusées à certaines catégories de personnes et que les opposants à SF veulent continuer à réserver les bénédictions à un groupe d’élus :  » Nous sommes tous pécheurs « , a dit le pape à La Stampa, « alors pourquoi dresser une liste de pécheurs qui peuvent entrer dans l’Église et une liste de pécheurs qui ne peuvent pas être dans l’Église ? Ce n’est pas l’Évangile ». Certes, mais QUI a jamais eu l’intention de dresser des listes de pécheurs ? C’est plutôt le pape et Fernandez qui le font, en créant une liste de « pécheurs d’élite » puisque le fameux « Todos, todos » est invoqué exclusivement pour les homo-transsexuels et les divorcés remariés.

En réalité, il s’agit d’une ruse pour déplacer le discours, car même le Pape sait que les gens ont toujours été bénis indépendamment de leur position personnelle, cela se produit également à la fin de chaque messe pour toutes les personnes présentes. Et donc un document réitérant ce que l’Église a toujours fait serait absolument inutile, tout comme une rébellion d’une telle ampleur serait incompréhensible s’il n’y avait pas de nouveauté explosive.

À cet égard, dans l’interview accordée à La Stampa, le pape réécrit à sa convenance ce qui se passe dans l’Église: hormis les Africains qui « sont un cas à part », « ceux qui protestent avec véhémence appartiennent à de petits groupes idéologiques », a-t-il déclaré. Avec tout le respect qui lui est dû, c’est exactement le contraire : ceux qui appartiennent à de petits groupes idéologiques sont ceux qui tentent de subvertir la doctrine de l’Église sur la sexualité, comme le cardinal Ratzinger l’avait déjà décrit précisément en 1986. Et ces groupes, disons ce lobby, ont trouvé dans le pape François le grand sponsor, comme le montre l’histoire de New Ways Ministry et de sœur Jeannine Gramick, que seul un aveugle peut ne pas voir.

En revanche, l’opposition à la SF est décidément large, surtout dans le Sud global (coïncidence, ces périphéries tant vantées dans ce pontificat), mais aussi en Occident et au sein de la Curie romaine.

L’Afrique, cependant, mérite un discours à part, car pour le pape François, c’est la seule réalité qui aurait des raisons de s’y opposer :  » Pour les Africains, a-t-il dit, l’homosexualité est quelque chose de « laid » du point de vue culturel, ils ne la tolèrent pas. Mais en général, j’ai confiance dans le fait que, petit à petit, tout le monde acceptera l’esprit de la Déclaration Fiducia Supplicans (…) : elle veut inclure, et non pas diviser ».

Nous traitons séparément de la gravité de ces propos réservés aux Africains [cf. l’article de Stefano Fontana], qui dénotent par ailleurs une certaine vision raciste, mais un point mérite d’être souligné : en stigmatisant la culture africaine pour laquelle l’homosexualité est une chose « laide », le pape François entend affirmer qu’elle est au contraire une chose « bonne », ce qui est le contraire de ce qu’affirme le catéchisme de l’Église catholique.

Il est donc évident – si quelqu’un en doutait encore – que Fiducia Supplicans a précisément pour source la conviction que l’homosexualité est une variante normale de la sexualité ; et elle vise à amener l’ensemble de l’Église à accepter « pastoralement » ce point de vue.

Il faut donc espérer que de plus en plus d’évêques et de cardinaux prendront conscience de la gravité de cette situation et s’efforceront de mettre un terme à cette dérive.

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