Une pétition réclame la béatification du romancier anglais et apologète catholique, connu du grand public pour être le créateur de « Father Brown ». Ce n’est pas nouveau. Mais l’évêque concerné s’y oppose. Un bel article lu sur ACI Stampa, qui donne envie de se (re)plonger dans les enquêtes du prêtre catholique imaginé par G.K. Chesterton.

À ce sujet, voir aussi sur ce site: Benoît XVI et GK Chesterton (2012).


Si le créateur du Père Brown devenait bienheureux…

Chesterton, un bon chrétien en plus d’un auteur de romans policiers en odeur de sainteté

Caterina Maniaci
16 août 2019
ACI Stampa
Ma traduction

Il décrirait sa propre situation d’une boutade fulgurante, à travers une métaphore éblouissante, avec un sublime paradoxe: être devenu écrivain, essayiste, journaliste, polémiste et en odeur de la sainteté. Pour beaucoup, même, déjà un authentique saint, mais dont l’élévation aux honneurs des autels est freinée par la hiérarchie ecclésiastique. Un matériau fantastique pour un roman aux tons délicieusement surréalistes.

Pour G.K. Chesterton, du reste, tendre vers la sainteté appartient à la sphère de l’extraordinaire ordinaire. Un chrétien devrait le faire par instinct, par nature. Pourtant, nous savons, et lui aussi le savait à quel point c’est difficile. Mais pour lui, précisément pour lui, ce chemin de sainteté devrait être plus que jamais ouvert. Beaucoup ont toujours cru que Chesterton devait être considéré comme saint. Les premiers pas ont été faits. Et en ces jours une nouvelle pétition le demande à haute voix, après qu’ait été confirmée la nouvelle que l’évêque de Northampton Peter Doyle a décidé de ne pas procéder à la cause de béatification de l’écrivain. Pour une série de raisons. La décision, affirme l’évêque, n’est pas « définitive », mais pour l’instant le chemin ordinaire pour la cause reste bloqué. Le peuple de « dévots » chestertoniens n’a pas abandonné et avec une pétition, dans laquelle est également présentée une prière pour réclamer l’intercession de Chesterton lui-même, on demande de donner voix à cette espérance et de ne pas abandonner la possibilité de faire pression pour que la cause soit rouverte. Si vous cherchez sur le site www.chesterton.org/cause/ vous trouverez la description précise de l’état de la cause, les motivations, les articles, l’histoire, le texte de la prière, le tout par la Société de G. K. Chesterton. Et la demande de démontrer concrètement sa dévotion à l’écrivain en allumant une bougie virtuelle à travers le site www.chesterton.org/candles/.

Les polémiques sont déjà vive et il est prévisible que l’histoire aura de nouvelles retombées. En attendant, c’est l’occasion de redécouvrir l’œuvre de Chesterton, dont on ne se lasse pas. Étant donné que nous sommes au cœur de l’été, avec la canicule qui fait rage et nous assaille de façon répétitive, il peut être particulièrement rafraîchissant et réconfortant de relire les histoires du père Brown. Des histoires jaunes (policières), oui bien sûr, et donc des lectures indiquées pour survivre sous la canicule. Mais ce sont des histoires si riches en implications et en suggestions, tissées dans un langage à la fois brillant, caméléonien, et en même temps évocateur et poétique, qui transforme la lecture, par moments, en moments de pur plaisir esthétique.

Ce n’est pas un hasard si un penseur athée, même s’il était dévot et selon beaucoup en voie de conversion, un penseur comme Antonio Gramsci, père du communisme italien, était un admirateur du prêtre détective. Et il a écrit à ce sujet depuis la prison, dans l’un des moments les plus sombres et les plus difficiles de sa vie. « Le père Brown bat Sherlock Holmes à plates coutures, il le fait passer pour un gamin prétentieux, il montre son étroitesse et sa mesquinerie. D’ailleurs, Chesterton était un grand artiste, Conan Doyle était un écrivain médiocre. .. ». C’est ainsi que dans une lettre de prison à sa belle-sœur Tania, Gramsci renvoie le détective parmi les détectives en faveur de l’enquêteur en soutane, confirmant, entre autres choses, sa passion pour la littérature jaune. Il y a quelque temps, la maison d’édition Marietti a publié quelques unes de ses pages consacrées au sujet, rassemblées dans un petit livre intitulé « Sherlock Holmes e Padre Brown. Il romanzo giallo negli scritti di Gramsci » (Sherlock Holmes et Père Brown. Le roman policier dans les écrits de Gramsci). On y trouve des réflexions intéressantes, comme celle-ci: « Chesterton a plus écrit une caricature très délicate des romans policiers que des romans policiers proprement dits. Le père Brown est un catholique qui se moque de la façon mécanique de penser des protestants et le livre est essentiellement une apologie de l’Église romaine contre l’Église anglicane » – représentée justement par la méthode de Sherlock Holmes.

Quoi que l’on en pense, lire ou relire les histoires dans lesquelles apparaît le petit prêtre, apparemment maladroit et insignifiant, qui met en déroute les esprits les plus aiguisés d’Europe représente vraiment une aventure de l’esprit. Nous vous conseillons de commencer, ou de recommencer, par le début, à partir du premier recueil, « La candeur du Père Brown » ( The Innocence of Father Brown, traduit en français sous le titre « La clairvoyance du Père Brown », cf. Le Blog des amis de Chesterton, ndt), qui s’ouvre avec ce petit bijou qu’est le récit « La Croix Bleue » dans lequel apparaissent pour la première fois le père et son ennemi, puis grand ami, le voleur Flambeau, qui sera complètement subjugué par le rusé curé, lui donnant même une belle leçon sur ce qu’est la différence entre « bonne » et « mauvaise » théologie.

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