Le Père Thomas Weinandy, OFM (capucin) , éminent théologien et membre de la CTI (démis manu militari en novembre 2017  de la Conférence épiscopale des Etats-Unis pour avoir écrit une lettre critique à François) [*], redoute ce qu’il appelle un « schisme papal interne », avec le Pape chef d’une église schismatique dans tous les sens du terme, mais entendue comme nouveau paradigme de la future Eglise.

(*) Voir benoit-et-moi.fr/2017/actualite/une-lettre-au-pape.html

(Merci à l’abbé L. qui m’a transmis l’article après l’avoir traduit)

Le Père Weinandy, OFM
Membre de la Commission théologique internationale depuis 2014

Le pape François conduit l’Église vers un nouveau type de schisme

P. Thomas G. Weinandy, OFM, Cap., member de la CTI

8 octobre 2019 (The Catholic Thing) – L’Église, dans sa longue histoire, n’a jamais été confrontée à une situation comme celle dans laquelle elle se trouve aujourd’hui. Le pape François a récemment parlé d’un possible schisme au sein de l’Église, d’un schisme qui ne l’effraie pas. Nous avons eu beaucoup de schismes dans le passé, dit-il, et il y aura des schismes à l’avenir. Il n’y a donc rien à craindre dans le présent. Cependant, c’est la nature du schisme actuel possible qui est nouvelle, et ce nouveau schisme sans précédent est effrayant.

On ne peut s’empêcher de penser que François fait référence aux membres de l’Église aux États-Unis. François reçoit, de l’Amérique, sa critique la plus théologiquement difficile et pastoralement pertinente, qui se concentre sur une refonte douteuse de la foi et de l’Église. Une telle censure, croit-on dans le cercle de François, provient d’une élite intellectuelle conservatrice qui est politiquement motivée, et dont beaucoup sont riches.

François pense qu’ils ne veulent pas changer, et refusent donc d’accepter la nouvelle œuvre de l’Esprit de nos jours. En fin de compte, on discerne qu’il croit que ses détracteurs sont psychologiquement et émotionnellement altérés, et ils devraient donc être traitée avec douceur (bien que cette douceur soit encore objet d’expérimentation par ceux qui tombent sous ses abus vindicatifs). Lui-même a parlé de ceux qui s’opposaient à lui en usant de nombre termes insultants.

Ce que François ne réalise pas (et que ses proches collaborateurs ne comprennent pas) c’est que l’écrasante majorité de ses détracteurs américains n’initierait jamais un schisme. Ils reconnaissent qu’il est le pape et donc le successeur de Pierre, et que rester au sein de l’Église catholique, c’est rester fidèle au pape, même s’il s’agit d’être critique du pape dans sa fidélité envers lui.

Certains peuvent souhaiter qu’un schisme réel aient lieu en Amérique afin de se débarrasser de l’élément conservateur obstiné et ainsi démontrer que cela faisait longtemps qu’ils n’étaient plus vraiment catholiques. Mais cela n’arrivera pas, parce que ces évêques, prêtres, théologiens, commentateurs et laïcs critiques (il y a bien plus de laïcs que François ne l’admet) savent que ce qu’ils croient et soutiennent est en accord avec l’Écriture, les Conciles de l’Église, le magistère toujours vivant, et les saints.

Comme on l’a souvent noté, le pape François et son cercle ne s’engagent jamais dans le dialogue théologique, malgré leur affirmation constante qu’un tel dialogue est nécessaire. La raison en est qu’ils savent qu’ils ne peuvent pas gagner sur ce front. Aussi sont-ils forcés de recourir aux injures, à l’intimidation psychologique et à la volonté de pouvoir.

Maintenant, comme de nombreux commentateurs l’ont déjà souligné, l’église allemande est plus susceptible d’entrer dans le schisme. Les évêques allemands proposent un synode «contraignant» de deux ans qui, si ce qui est proposé est adopté, introduirait des croyances et des pratiques contraires à la tradition universelle de l’Église.

Je crois, cependant, qu’un tel schisme allemand ne se produira pas formellement non plus, pour deux raisons. Tout d’abord, beaucoup au sein de la hiérarchie allemande savent qu’en devenant schismatiques, ils perdraient leur voix et leur identité catholiques. Ce qu’ils ne peuvent pas se permettre. Ils doivent être en communion avec le pape François, car c’est lui-même qui a favorisé une notion de synodalité qu’ils tentent maintenant de mettre en œuvre. Il est donc leur protecteur ultime.

Deuxièmement, bien que le pape François puisse les empêcher de faire quelque chose de contraire à l’enseignement de l’Église, il leur permettra de faire des choses qui lui sont contraires sous couvert d’ambiguïté, car un enseignement et une pratique pastorale aussi ambigus seraient en accord avec ceux de François. C’est en cela que l’Église se trouve dans une situation qu’elle n’avait jamais connue.

Il est important de garder à l’esprit que la situation allemande doit être considérée dans un contexte plus large : l’ambiguïté théologique au sein d’Amoris Laetitia ; l’avancée pas si subtile de l’agenda homosexuel; la « refondation » de l’Institut Jean-Paul II (romain) sur le mariage et la famille, c’est-à-dire la sape de l’enseignement cohérent de l’Église sur les absolus moraux et sacramentels, en particulier en ce qui concerne l’indissolubilité du mariage, l’homosexualité, la contraception, et l’avortement.

De même, il y a la déclaration d’Abu Dhabi, qui contredit directement la volonté du Père et sape ainsi la primauté de Jésus-Christ son Fils en tant que Seigneur définitif et Sauveur universel.

En outre, l’actuel Synode amazonien grouille de participants sympathisants et supporters de tout ce qui précède. Il faut également tenir compte des nombreux cardinaux, évêques, prêtres et théologiens théologiquement douteux que François soutient et promeut à des positions ecclésiales élevées.

Ayant tout cela à l’esprit, nous percevons une situation, toujours croissante en intensité, dans laquelle, d’une part, une majorité de fidèles du monde entier – clergé et laïcs – sont loyaux et fidèles au pape, car il est leur pontife, tout en critiquant son pontificat, et, d’autre part, un grand contingent de fidèles du monde entier – clergé et laïcs – soutenant avec enthousiasme François précisément parce qu’il permet et favorise leur enseignement ambigu et leur pratique ecclésiale.

Ce qui finira pour l’Église, c’est donc un pape qui est le pape de l’Église catholique et, simultanément, le chef de facto, à toutes fins pratiques, d’une église schismatique. Parce qu’il est le chef des deux, il reste apparemment une Église, alors qu’en fait il y en a deux.

La seule expression que je peux trouver pour décrire cette situation est le «schisme papal interne», car le pape, même en tant que pape, sera effectivement le chef d’un segment de l’Église qui, par sa doctrine, son enseignement moral et sa structure ecclésiale, est à toutes fins pratiques, schismatique. Voilà le vrai schisme qui est parmi nous et qui doit être affronté, mais je ne crois pas que le pape François ait en aucune façon peur de ce schisme. Tant qu’il aura le contrôle, je le crains, il s’en réjouira, car il voit l’élément schismatique comme le nouveau «paradigme» de la future Église.

Ainsi, dans la peur et le tremblement, nous devons prier pour que Jésus, en tant que chef de Son corps, l’Église, nous délivre de cette épreuve. Là encore, il peut vouloir que nous l’endurions, car il se peut que ce ne soit qu’en l’endurant que l’Église puisse être libérée de tout le péché et de la corruption qui se trouvent maintenant en elle, et être rendues sainte et pure.

Sur une note plus optimiste, je crois que ce seront les laïcs qui apporteront la purification nécessaire. Le pape François a lui-même déclaré que nous sommes à l’ère des laïcs. Les laïcs se considèrent comme impuissants, n’ayant aucun pouvoir ecclésial. Pourtant, si les laïcs élèvent la voix, ils seront entendus.

Plus précisément, je crois que cela dépendra principalement de femmes catholiques fidèles et courageuses. Elles sont les icônes vivantes de l’Église, l’épouse du Christ, et, en union avec Marie, la Mère de Dieu et la Mère de l’Église, elles donneront naissance à nouveau, dans l’Esprit Saint, à un saint Corps du Christ.

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