C’est ce que met en évidence la dernière nomination épiscopale, à Philadelphie (avec le départ de Mgr Chaput, pile à l’échéance des 75 ans canoniques) et ce que laissent redouter les nombreuses autres nominations en attente, en particulier aux USA. Sans parler de la prolongation du cardinal Schönborn à Vienne, pourtant victime de graves ennuis de santé et lui aussi atteint par la limite d’âge.

Charles Chaput et son successeur à Philadelphie, Nelson J. Perez

Le pape François à la conquête des États-Unis

Nico Spuntoni
La NBQ
26 janvier 2020
Ma traduction

Avec le remplacement de Mgr Chaput à Philadelphie à l’âge de 75 ans, il y aura cette année 13 évêques américains à remplacer et huit sièges encore vacants. C’est une grande opportunité pour le Pape François de remodeler l’Eglise américaine à son image. Pendant ce temps, Schönborn à Vienne a été prolongé.

L’épilogue redouté par de nombreux fidèles du diocèse de Philadelphie qui avaient entamé une collecte de signatures de protestation n’aura finalement pas lieu: le père James Martin ne prendra pas la place de Mgr Charles Chaput. Le pape François a en effet choisi Mgr Nelson J. Perez comme dixième archevêque de Philadelphie. Selon une rumeur insistante qui a couru ces derniers mois, l’auteur jésuite de « LGBT, building a bridge » devait être l’un des candidats possibles pour diriger le diocèse américain. Mais Bergoglio a fait taire les rumeurs, en nommant Nelson J. Perez, jusqu’à aujourd’hui à Cleveland.

C’est un profil assez similaire à celui de José H. Gomez, le président nouvellement élu de la Conférence épiscopale américaine: d’origine hispanique, critique à l’égard des politiques d’immigration de l’administration Trump, mais en même temps engagé dans les causes pro-vie et pro-famille. Une solution « modérée », donc, probablement moins malvenue pour la Conférence épiscopale américaine que l’aurait été celle représentée par James Martin. Le jésuite, quant à lui, a accueilli avec enthousiasme la nouvelle de l’arrivée de « son » nouvel archevêque, sans oublier de remercier son prédécesseur Chaput – avec qui il a eu un échange de vues animé – pour le « dialogue public » tissé.

Comme prévu, le pape n’a accordé aucune prolongation à la fonction de Mgr Chaput, acceptant la démission présentée à l’âge de 75 ans. L’archevêque sortant, d’ailleurs, n’avait pas manqué de commenter certaines des décisions les plus chères au pontife régnant: rappelons la demande d’annulation du Synode des jeunes de 2018, motivée par la présence de la formule « Lgbt » dans l’Instrumentum Laboris. Une absence de feeling réciproque, au point que François ces dernières années lui a toujours refusé la pourpre, même si Philadelphie est l’un des diocèses américains considérés comme cardinalices.

Mgr Chaput était l’un des représentants les plus autorisés de cette Église américaine qui est considérée avec suspicion par ceux qui craignent les complots contre le pontificat actuel. Bergoglio lui-même,en qualifiant de « bombe » le livre de Nicolas Senèze soutenant cette thèse (intitulé « Comment l’Amérique veut changer le pape ») et en se disant honoré de recevoir des critiques de l’étranger, semblait être du même avis.

Dans ce contexte, 2020 pourrait être l’année propice pour intervenir sur la « géographie » de l’épiscopat étoilé, encore fruit de la saison des nominations bénédictines: outre Chaput, treize évêques sont destinés à prendre leur retraite. Un nombre qui s’ajoute aux huit diocèses encore vacants. François saisira-t-il l’occasion pour redessiner le visage de l’Eglise américaine, indiquée comme le centre de gravité d’une présumée résistance à ses réformes? Nous verrons bien.

Entre-temps, pas seulement aux États-Unis, les confirmations et les « renvois » d’évêques donnent l’idée d’un pape déterminé à blinder son pontificat de choix plus proches de sa sensibilité ecclésiale. La semaine dernière, en effet, des décisions plutôt indicatives ont été prises également en ce qui concerne l’Europe: François a décidé de prolonger le poste à Vienne du cardinal Christoph Schönborn, 75 ans, qui sort d’une mauvaise crise cardiaque. L’archevêque autrichien est l’un des prélats les plus appréciés par François qui, se référant à lui pour l’interprétation correcte d’ « Amoris Laetitia« , le qualifie de « grand théologien ».

Un sort différent, en revanche, devrait être réservé au cardinal bosniaque Vinko Puljic. L’archevêque de Sarajevo, que Saint Jean-Paul II a voulu au Collège des Cardinaux à seulement 49 ans, atteindra l’âge de la retraite cette année. François, avant même son 75e anniversaire, a décidé de lui adjoindre avec un coadjuteur, une solution qui anticipe l’acceptation probable de sa démission. Expression de la « saison wojtylienne », le cardinal bosniaque s’est distingué ces dernières années par le cri d’alarme lancé à l’Occident concernant la situation des catholiques dans ce pays des Balkans qui, depuis la fin du conflit, connaît, grâce au soutien économique des puissances arabes, un processus inexorable d’islamisation.

Mais 2020 sera l’année de l’atteinte de la limite des 75 ans également pour deux autres cardinaux particulièrement liés aux pontificats précédents : le cardinal Antonio Canizares Llovera, archevêque de Valence et le cardinal Robert Sarah, préfet de la Congrégation pour le Culte Divin. Seront-ils prolongés comme Schönborn ou remplacés par des hommes plus aptes à donner l’image de « l’Eglise sortante » que François a en tête ?

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