La publication du livre écrit avec le cardinal Sarah leur donne une nouvelle occasion de s’épancher (ou de se déchaîner). Mais ils se trompent de cible. Un article (reproduit, mais en italien, ici) , mériterait d’être traduit en français correct. Il cite un article sur « Des profondeurs de nos cœurs » paru sur le portail français de la FSSPX. Pour moi, la FSSPX est juste un cas d’école, et la critique ne se limite pas aux disciples de Mgr Lefebvre. Ce n’est pas nouveau!

On lira en annexe ma traduction d’un article publié il y a presque quatre ans (preuve que le fait est loin d’être nouveau) par le site Campari & de Maistre , à propos d’une interview d’Alessandro Gnocchi. J’écrivais alors (pardon de me citer):

Parmi les catholiques dits « conservateurs », il y a une attitude assez répandue qui consiste à mettre dans le même sac (si j’ose dire) tous les papes de l’après-concile, pour les critiquer sans nuance. Cette tendance amène ses partisans à prétendre contre toute évidence, qu’il n’y a pas de différence entre Benoît XVI et François. C’est un point commun qu’ils ont avec ceux que l’on appelait en 2013 « normalistes » ou « continuistes« , qui, pour des raisons opposées mais tout aussi ineptes, se bandent les yeux afin de pouvoir répéter sur tous les tons, après 3 ans de contre-exemples permanents, qu’il y a une totale continuité au sommet de l’Eglise.
La première attitude est celle, par exemple, d’Alessandro Gnocchi, dont j’ai traduit un certain nombre d’articles, et pour qui j’ai de la sympathie – ne serait-ce qu’à cause du duo qu’il formait avec le regretté Mario Palmaro. Mais dans ses articles, on trouve de plus en plus souvent des choses blessantes, injustes, et pour moi totalement inacceptables sur Benoît XVI
C’était le cas par exemple de cette interview accordée récemment au site de tendance traditionaliste LaFedeQuotidiana.it.

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Je me trouve donc exactement sur la même longueur d’onde que l’auteur de l’article [Cf. Annexe] publié aujourd’hui sur le site Campari & de Maistre.

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Benoît-et-moi|Des catholiques conservateurs contre Benoît XVI (16/3/2016)

La FSSPX et la nouvelle vague antiratzingérienne.

Le triste cas d’une recension de Des profondeurs de nos cœurs

Vigiliae Alexandrinae
26 janvier 2020
Ma traduction

Ces derniers temps, il semble qu’ait surgi dans la sphère du catholicisme traditionnel une hostilité envers Benoît XVI et son oeuvre de théologien et de pontife qui atteint un paroxysme difficile à expliquer, surtout si l’on considère qu’avec le Motu Proprio « Summorum Pontificum« , le Pape a rendu l’ancienne messe accessible à des milliers de catholiques dans le monde entier et a ainsi indirectement consolidé un vaste front de résistance à la crise moderniste actuelle de l’Église.

Cette hostilité va d’une production littéraire prétendument scientifique, mais qui trébuche de façon rocambolesque sur l’idée improbable d’identifier Ratzinger/Benoît XVI comme l’épicentre du tremblement de terre (voir, par exemple, les écrits les plus récents d’Enrico Maria Radaelli [1]), à la diffusion sur internet d’attaques brutales par des canaux tels que Radio Spada [2]. Il est douloureux et surprenant de constater, enfin, que cette bruyante nouvelle vague traditionaliste, qui par ses tons et ses arguments tend à configurer une sorte de « néo-traditionnalisme », commence à se déverser dans le bassin, jusqu’alors sûr, de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X ou du moins, comme on pourrait le soupçonner, de son District italien.

Nous nous référons en particulier (…) à une critique malheureusement anonyme du livre de Benoît XVI et du cardinal Robert Sarah Des profondeurs de nos cœurs publiée en français sur le site officiel de la Fraternité. Comme on le sait, l’ouvrage, qui a fait grand bruit et suscité des attaques véhémentes de la part des ennemis du catholicisme, prend position, en défendant la doctrine traditionnelle du sacerdoce, contre l’hypothèse « synodale » de l’atténuation et finalement de l’abrogation de la règle du célibat sacerdotal.

L’auteur de la recension (La défense bancale du célibat sacerdotal par Benoît XVI), après avoir résumé non sans quelques annotations positives la contribution de Benoît XVI (« …ajoute avec pertinence… », « …souligne à juste titre… », « cette explication est tout à fait correcte et bien acceptée. Elle a une certaine force en faveur du célibat sacerdotal »), note que « dans les circonstances actuelles, le pape Ratzinger a le mérite et le courage de défendre le célibat ecclésiastique. Il s’oppose à tous ceux qui voudraient éliminer cette discipline qui fait partie de la tradition apostolique et qui est profondément enracinée dans le sacerdoce que le Christ a transmis ».

Il est toutefois dommage qu’il déboussole le lecteur, renversant immédiatement le sens du discours avec les observations qui suivent:

Benoît XVI est tributaire de cette théologie, qu’il a élaborée et vécue, ce qui l’amène à des affirmations tout à fait regrettables. Ainsi refuse-t-il de considérer la Croix de Jésus comme un véritable sacrifice et par là-même comme un acte du culte. Le pape émérite écrit: « La crucifixion de Jésus n’est pas en soi un acte de culte ». La raison qu’il en donne est dérisoire : « Les soldats romains qui l’exécutent ne sont pas des prêtres. Ils procèdent à une exécution capitale, ils ne pensent absolument pas à poser un acte relevant du culte ».
Benoît XVI dit d’ailleurs plus loin : « La Croix de Jésus-Christ est l’acte d’amour radical dans lequel s’accomplit réellement la réconciliation entre Dieu et le monde marqué par le péché. C’est la raison pour laquelle cet événement, qui en lui-même n’est pas de type cultuel, représente la suprême adoration de Dieu. » Il n’y a donc pas d’équivoque sur sa pensée.
Cette explication oublie que c’est le Christ qui pose – et lui seul – cet acte de culte : il est tout à la fois le Grand prêtre de la Nouvelle Loi et la divine Victime, seule digne d’être agréée par Dieu. La proposition de Benoît XVI tombe d’ailleurs sous la condamnation du concile de Trente : « Si quelqu’un dit que le sacrifice de la messe n’est qu’un sacrifice de louange et d’action de grâces, ou simple commémoration du sacrifice accompli sur la croix (…) : qu’il soit anathème » (session XXII, 17 septembre 1562, Denzinger 1753). La mort de Jésus-Christ sur la Croix a été un véritable sacrifice. Or le sacrifice est l’acte principal du culte dû à Dieu. Sur la Croix, il y a donc un véritable culte, accompli par le Christ seul.
Un autre canon dit pareillement : « Si quelqu’un dit que, par le sacrifice de la messe, on commet un blasphème contre le très saint sacrifice du Christ accompli sur la croix (…) : qu’il soit anathème » (Dz 1754). Nier que la Croix soit un acte de culte est incompréhensible.

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fsspx.news/fr/la-defense-bancale-du-celibat-sacerdotal-par-benoit-xvi-54525

A quel point cette critique du texte de Benoît XVI va jusqu’à la manipulation délibérée et même la falsification, résulte de la simple comparaison avec ce que le Pape écrit réellement dans Des profondeurs de nos cours :

La crucifixion de Jésus n’est pas en soi un acte de culte. Les soldats romains qui l’exécutent ne sont pas des prêtres. Ils procèdent à une exécution capitale. Ils ne pensent en aucune façon à accomplir un acte relevant du culte. Le fait que Jésus se donne pour toujours comme nourriture pendant la dernière Cène signifie l’anticipation de sa mort et de sa résurrection. Cela signifie la transformation d’un acte de cruauté humaine en un acte d’amour et d’offrande de soi .

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Des profondeurs de nos cœurs, p. 38

Contrairement à ce qu’affirme le critique de fsspx.news, Benoît XVI ne nie nullement le caractère sacrificiel de la crucifixion, mais seulement que la finalité des soldats romains et les actes d’exécution pour lesquels ils avaient été désignés puissent être considérés en tant que tels comme des moments d’un acte de culte. Et à cette considération correspond, en toute évidence et cohérence avec l’enseignement traditionnel de l’Église dont Benoît XVI ne s’écarte pas, l’observation que ce qui a fait de ces actes et de cette exécution un acte de sacrifice cultuel, ce fut la Cène comme anticipation de la mort de Jésus sur la croix.

Ainsi, l’accusation portée contre Benoît XVI d’avoir encouru les anathèmes du Concile de Trente est totalement dénuée de fondement.


NDT

[1] Enrico Radaelli, auteur d’un « Al cuore di Ratzinger, al cuore del mondo » préfacé par Mgr Antonio Livi, qui accusait Benoît XVI de rien de moins que d’hérésis!!
Voir ici:

[2] Radio Spada, classé en 2017 dans un très intéressant et bien documenté article de La Verità parmi les « ennemis catholiques de François », et même « l’opposition la plus dure »: « Résolument dur, le portail Radio Spada, qui se définit ‘tranchant mais scrupuleux’, administré par plusieurs jeunes intellectuels, certains d’eux avec des opinions plus ou moins sédévacantistes (selon eux, ce n’est pas le Pape légitime qui est assis sur le trône de Pierre), d’autres sur des positions lefebvristes. Cf. La galaxie des ennemis catholiques de François


Annexe

GNOCCHI: QUE D’AMERTUME CONTRE BENOÎT XVI

Francesco Filipazzi
www.campariedemaistre.com
16 mars 2016
Ma traduction

Récemment , je suis tombé sur une interview d’Alessandro Gnocchi intitulée «Alessandro Gnocchi en roue libre contre François et Benoît XVI».
Dans l’interview, à côté de critiques contre Bergoglio, je suis resté sidéré en lisant une réponse venimeuse à propos du pape émérite. Selon Gnocchi «En réalité, Ratzinger et Bergoglio sont complémentaires, les deux faces d’une même médaille, la même soupe dans des plats différents. Ratzinger a été lui aussi assez incertain et peut-être fumeux, il n’a pas eu le courage d’accomplir le pas décisif, le tournant. Bref, lui aussi est un malentendu vivant, et il a sa responsabilité. Je ne vois pas une rupture nette entre les deux, Ratzinger n’a pas inversé le cap, et il a été une sorte de poisson dans un tonneau» (fare il pesce in barile: faire comme si de rien n’était).

Cette phrase, prononcée par Gnocchi, me paraît stupéfiante et me conduit à une question: pourquoi quelqu’un qui doit beaucoup de sa notoriété éditoriale au public ratzingérien, décide-t-il aujourd’hui de se détacher définitivement de ce public?
Quand il s’agissait de vendre des livres intitulés « Viva il Papa, perché lo attaccano, perché difenderlo » (Vive le pape, pourquoi ils l’attaquent et pourquoi le défendre – 2010), avec plein de photos de l’Allemand, de faire des conférences et d’acquérir une visibilité personnelle, Benoît XVI était bien bon, mais maintenant, il est un poisson dans un tonneau.
Il est absurde à mon avis, d’oublier – de bonne ou de mauvaise foi, je ne sais pas encore – ce que Ratzinger a fait pendant son pontificat, durant lequel il a étét en effet insulté, attaqué et vilipendé de toutes les façons possibles, justement à cause de ce qu’il faisait.
Qui peut ignorer le fait que toute une génération de personnes nées entre les années 80 et 90 a trouvé une puissante force théologique pour jeter les bases de leur foi grâce à lui?
Pourquoi oublier qu’avec Summorum Pontificum, il a recréé un monde qui avait été perdu et qui à ce jour mène le bon combat depuis les autels du monde entier?
Pourquoi avancer la critique stérile qu’il «n’a rien fait pour inverser le cap»? Ce n’est évidemment que dans le monde des contes de fées qu’on peut penser que l’effondrement de l’Eglise en cours depuis le début du XXe siècle (eh oui messieurs! quelle surprise, le concile, ce sont les pré-conciliaires qui l’ont fait), pourrait être résolu simplement en claquant des doigts. En réalité, ils l’ont fait démissionner pour avoir tenté d’inverser le cap.

Heureusement j’ai trouvé un grand réconfort à la lecture d’un article de la Nouva Bussola (Benoît XVI, docteur de l’Eglise pour notre temps), sur la reprise de la théologie de Joseph Ratzinger, sur lequel je vous invite tous à méditer.

Je dis ceci à Alessandro Gnocchi: ce n’est peut-être pas le moment, sous le coup de la colère, à cause d’une situation difficile que nous vivons, de jeter le bébé avec l’eau du bain.
Reste l’amertume de lire certaines prises de position de la part d’une personne à laquelle j’ai toujours fait référence, et qui aujourd’hui, pour des motifs que je voudrais comprendre, a décidé de rendre vain le travail de plusieurs années.

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