Sur le site atlantico.fr, sous le titre « La bien médiocre copie du Pape François« , l’historien catholique Edouard Husson fait une longue analyse de l’encyclique « Fratelli tutti« . Elle est certainement à lire en entier, mais le texte signé du Pape étant éminemment rasoir, j’avoue que j’ai un peu zappé la première partie. Se plaçant dans une perspective plus ample, qui englobe les 7 années du pontificat bergoglien, la seconde partie, qui ose « réclamer des comptes » à l’actuel occupant du Trône de Pierre est nettement plus intéressante – et plus percutante.

(…) J’aurais pu égrener longuement les faiblesses de ce texte interminable et filandreux. Mais il ne s’agit pas, malheureusement, d’une copie ratée d’un étudiant de Sciences Po ou du discours mal ficelé d’un rédacteur fraichement recruté au cabinet du Secrétaire Général de l’ONU. Il s’agit du successeur de Pierre, Vicaire du Christ, qui vient après un extraordinaire enchaînement d’une quinzaine de papes de premier plan, de Pie VI, qui brava la Terreur révolutionnaire à Benoît XVI, théologien d’exception.

Le temps de l’inventaire du pontificat de François est venu

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Cela fait sept ans et demi que François est monté sur le trône de Pierre. Il est possible de faire un premier bilan.

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1. Il n’est malheureusement plus possible d’ignorer les textes produits par ce pontife à la fois prolixe et peu théologien. C’est un fait que pas grand-chose de ce qu’il a écrit ne restera dans le magistère de l’Eglise. Mais il se glisse trop d’imprécisions et d’approximations dans ses publications pour que l’on se contente de les écarter d’un un revers de main ou d’attendre un nouveau pontificat. C’est un fait que rien de ce qu’a écrit François ne peut servir de base pour une élaboration du magistère extraordinaire (le niveau de « l’infaillibilité »). Chez ses prédécesseurs, les encycliques sont venues régulièrement alimenter le magistère ordinaire ou préparer les esprits à du « magistère extraordinaire ». Mais avec François, on n’atteint que rarement le niveau encore inférieur, celui du « magistère authentique ». Cela pose un problème car le pape est là, normalement, pour soutenir ses frères évêques et conforter les fidèles. Or, de même que quatre cardinaux avaient formulé des « doutes » (dubia) après l’encycliqiue Amoris Laetitia et que de nombreux théologiens l’ont critiquée au nom de la continuité de l’enseignement de l’Eglise ; de même qu’il a fallu que Benoît XVI et le Cardinal Sarah interviennent dans le débat pour empêcher l’ouverture du sacerdoce aux hommes mariés que le « synode amazonien » avait recommandée au Souverain Pontife; de même, les encycliques « Laudato Si » et « Fratelli Tutti » méritent d’être scrutées d’un double point de vue: celui de leur éventuelle rupture, au moins sur certains points, avec l’enseignement des prédécesseurs; celui d’une « Eglise experte en humanité », qui se doit d’être à la pointe de l’intelligence et de la compréhension du monde – comme Pie XII en a donné l’exemple peut-être le plus abouti au milieu du XXè siècle.

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2. Ce n’est pas le moindre paradoxe de ce pontificat. La voix des laïcs s’y fait de plus en plus entendre. Mais non comme François l’aurait imaginé, au service d’une Eglise teintée de connivence avec la vision mondialiste et la théologie improprement appelée « de la libération ». De plus en plus nombreuses sont les voix laïques, en particulier en Amérique du Nord, qui rappellent le pape aux contenus du magistère. Scandaleux? Non, quand le pape a la tentation de déposer le fardeau du « magistère », il est sain que certains de ses frères viennent le rappeler à son devoir. Le « serviteur des serviteurs de Dieu » a des devoirs auxquels il ne peut se dérober. Evêques et prêtres semblent souvent hésitants à sortir de la discipline ecclésiastique pour s’étonner des flottements de l’enseignement de ce pape. On a même des manifestations d’obédience pour le moins ridicules : ainsi en va-t-il de la manière dont les paroisses de France ont été invitées par la Conférence épiscopale à devenir des « paroisses vertes » pour mettre en œuvre l’enseignement de « Laudato Si ». Il revient à des laïcs courageux et faisant preuve d’esprit prophétique, de dénoncer ce qui leur semble douteux, sinon toujours dans l’enseignement de François, du moins dans l’atmosphère qu’il sécrète autour de lui à Rome. De ce point de vue, la résistance de laïcs – méritant bien la belle qualification de « fidèles » – au « synode amazonien » de l’automne 2019 est un signe annonciateur du travail d’inventaire qu’il va falloir effectuer dans les mois et les années qui viennent pour séparer le bon grain de l’ivraie dans l’enseignement de François. Et je me joins au groupe des interpelants pour dire à François, filialement: « Très Saint Père, n’oubliez pas d’être pape ! »

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3. Il y a des sujets sur lesquels il est nécessaire, d’ores et déjà, de lancer un débat. Par exemple l’accord diplomatique du Saint-Siège avec la Chine est-il autre chose qu’un gigantesque lâchage des catholiques de l’Eglise souterraine au profit d’un accord avec le Parti Communiste Chinois, qui s’est empressé de l’instrumentaliser et de le faire servir à son programme global de répression des religions sur tout le territoire de la République populaire de Chine – rappeler les communistes chinois aux droits de l’homme est une belle exigence de fraternité, non ? Autre exemple : il est absolument inacceptable que l’universitaire Jeffrey Sachs, partisan non dissimulé d’une réduction extrême de la population mondiale par l’avortement généralisé, soit devenu un consultant permanent auprès du Saint-Siège au prétexte qu’il est spécialisé dans les questions d’écologie et proche du Secrétaire Général de l’ONU. L’encyclique condamne au passage les atteintes au droit à la vie, dans la continuité des prédécesseurs, mais cela devait conduire à ne plus utiliser les services d’un universitaire américain qui cherche à faire oublier sa contribution aux thérapies économiques erronées des années 1990 en Europe de l’Est par des théories pires encore sur l’avenir de la planète !

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4. Le temps est venu de réclamer des comptes au pape François, de lui demander s’il est fidèle au mandat qu’il a reçu du Collège des cardinaux. Il va falloir que des voix plus nombreuses s’élèvent, pour réclamer plus de sens des responsabilités chez ceux qui gouvernent l’Eglise. Les informations fiables qui parviennent de Rome ces jours-ci rendent sceptique sur le fait que François aurait tenu ses engagements de remettre en ordre les finances de l’Eglise. On pourrait multiplier les exemples qui donnent à penser que ce pontife si prompt à expliquer au monde ce que devrait être la gouvernance mondiale telle que ses amis « globalistes » la prônent, a largement oublié de bien gouverner l’Eglise. Avant de critiquer le capitalisme, qui est une conséquence de la christianisation du monde (voir la parabole des talents) et a sorti l’humanité de la misère matérielle, il faudrait peut-être s’assurer que tout soupçon de corruption financière au sein de la Curie est écarté.

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https://www.atlantico.fr/decryptage/3592963/fratelli-tutti–la-bien-mediocre-copie-du-pape-francois-religion-foi-croyants-fideles-solidarite-fraternite-humaine-vatican-rome-edouard-husson-
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