Le correspondant à Rome du National Catholic Register, tout en ne cachant pas son orientation « conservatrice » (qui est après tout celle de son journal) est un journaliste respecté, un observateur fiable et très bien informé. Sa parole est donc un précieux témoignage. Il balaie ici un large éventail de sujets, l’affaire McCarrick, l’opération « chargez JP II » et plus généralement les scandales sexuels et financiers qui touchent le Vatican, la connaissance qu’en a le Pape, la nomination de nouveaux cardinaux (dont plusieurs ouvertement pro-gay) et même l’éventualité d’une démission de François.

Edward Pentin: cardinaux pro-gay, Rapport McCarrick, etc.

La Verità, 16 novembre 2020 (via MIL)
Ma traduction

Ces deux derniers mois, les événements du Vatican sont revenus à la une des journaux : le 24 septembre, la démission du cardinal Angelo Becciu et la résurgence des scandales financiers, le 21 octobre, les paroles du pape sur les unions civiles dans le film « Francesco« , le 25 octobre, l’annonce de 13 nouveaux cardinaux, enfin la semaine dernière, la publication du dossier McCarrick, l’ex-cardinal coupable d’abus qui avait même menti à Jean-Paul II. L’encyclique Fratelli Tutti, publiée le 3 octobre, qui réorganise le magistère social du pontife dans un texte organique, n’a pas créé un débat comparable, par exemple, à Laudato Si ou à l’exhortation Amoris Laetitia. Edward Pentin, vaticaniste du bimensuel National Catholic Register, le plus ancien périodique catholique des États-Unis, aide à comprendre ce qui se passe dans les palais sacrés.

Partons du Rapport McCarrick. Pourquoi a-t-il été publié maintenant? Y a-t-il du retard?

« Le rapport a été publié pour coïncider avec la réunion annuelle des évêques américains qui se tient aujourd’hui et demain. Le même jour, deux autres affaires d’abus sexuels devaient être publiées : l’ouverture d’un procès pour des allégations de violences sexuelles commises par l’ancien nonce apostolique en France et la publication des résultats d’une enquête sur des allégations d’abus sexuels dans l’Église d’Angleterre et du Pays de Galles.
Le moment choisi pourrait également avoir un rapport avec les élections américaines et le fait que les médias ont pu être distraits par celles-ci. Les responsables du Vatican ont dit que les retards étaient dus à l’ampleur des informations à recueillir, mais aussi au fait que des déclarations de témoins ont continué à être reçues cette année et que le Vatican ne voulait pas produire un document sans elles ».

Le Rapport explique l’action du pape François mais jette de l’ombre sur les collaborateurs de Jean-Paul II : est-ce vrai ?

« Le document attribue la part du lion de la responsabilité au pontificat de Saint Jean-Paul II, moins à celui de Benoît XVI, et presque rien au Pape François. Le rapport documente de nombreux exemples de comportements inappropriés, et que Jean-Paul II a initialement abandonné la candidature de McCarrick à Washington sur la base de ces rapports. McCarrick a alors persuadé le secrétaire de Jean-Paul II, l’actuel cardinal Stanislaw Dziwisz qui était son ami, de son innocence, ce qui lui a permis d’être nommé ».

Est-il crédible que saint Wojtyla ait été trompé?

« Les preuves suggèrent qu’il l’a été, au moins en partie. Le biographe de Jean-Paul II, George Weigel, affirme que McCarrick était une ‘personnalité pathologique’ et que sa capacité à mentir et à tromper son entourage était une ‘marque’ de sa carrière ecclésiastique. Jean-Paul II avait fait confiance à McCarrick avec qui il avait établi une relation lors d’un précédent voyage aux États-Unis. Il est également vrai, et ce n’est pas nouveau, que l’expérience du communisme de Jean-Paul II l’avait rendu sceptique face aux rumeurs d’inconduite au sein du clergé, et son approche du gouvernement de l’Église, de son propre aveu détaché, ne l’a pas aidé ».

Certains observateurs ont dit que le Rapport dément la dénonciation de Mgr Carlo Maria Viganò, qui a découvert le scandale McCarrick il y a deux ans : êtes-vous d’accord ?

« Le rapport vise clairement à discréditer l’archevêque Viganò plutôt qu’à affronter équitablement les accusations qu’il a formulées dans son témoignage de 2018, dont le contenu accusait un certain nombre de prélats encore vivants ou actifs dans l’Église. Leur stratégie semble être de détourner les critiques des personnalités ayant des liens avec McCarrick, dont le pape François, ainsi que d’une clique homosexuelle qui a contribué à l’ascension de McCarrick ».

A quel point l’homosexualité est-elle répandue dans l’Eglise?

« Evidemment, il est impossible de le dire avec précision, mais la question clé pour beaucoup est de savoir si la chasteté est pratiquée au sein du clergé, et dans quelle mesure le comportement homosexuel est jugé inacceptable. Le rapport McCarrick laisse entendre qu’il a été toléré trop librement, fait qui, selon certains, dont Benoît XVI, indique un éloignement de Dieu, un manque de foi en celui qui inscrit la loi naturelle dans le cœur de tout homme ».

Et le lobby gay, a-t-il encore du pouvoir, au Vatican?

« Le 28 novembre, le pape François insérera 9 nouveaux cardinaux électeurs dans le collège des cardinaux, dont trois ont des liens étroits avec la communauté LGBT et sont en phase avec leur agenda. Le mois dernier, François a déclaré qu’il approuvait les unions civiles entre personnes du même sexe. L’année dernière, le Vatican a rendu publique une audience papale privée avec le père jésuite James Martin, une figure de proue de la normalisation du comportement homosexuel dans l’Église. La synthèse vaticane du rapport McCarrick ne mentionnait pas l’homosexualité et a à peine mentionné les abus homosexuels des séminaristes par des prêtres ».

La démission du cardinal Becciu a ramené l’attention sur les opérations financières du Saint-Siège : est-il possible que le pape en ait été totalement ignorant?

« Le pape ne savait peut-être que la moitié de ce qui se passait, mais les preuves semblent indiquer qu’il en savait beaucoup plus. D’après la façon dont le Vatican est structuré, il ne se passe pas grand-chose sans l’approbation des supérieurs, et il est hautement improbable qu’il n’ait pas été informé de ces investissements de capitaux et de ces transactions importantes ».

Le choix du Pape de transférer la gestion des fonds de la Secrétairerie d’Etat à l’Apsa (Administration du Patrimoine du Siège Apostolique) contribuera-t-il à la transparence des finances vaticanes?

« François a récemment restitué la supervision de l’Apsa au Secrétariat à l’économie, comme elle l’était sous le premier préfet du Secrétariat, le cardinal George Pell, jusqu’à ce que l’Apsa échappe à ce contrôle vers 2016. Le temps nous dira dans quelle mesure le Secrétariat sera efficace pour contrôler l’Apsa ».

Quel bilan pouvons-nous faire des réformes financières introduites par le Pape?

« L’approche du pape en matière de réforme financière a été incohérente car apparemment il était influencé par quiconque lui était le plus proche. Les réformes ont commencé de manière solide, mais il n’a pas fallu longtemps à François pour permettre à la « vieille garde » de prendre le relais. Aujourd’hui, il écoute à nouveau les premiers réformateurs et met en pratique les changements recommandés par le cardinal Pell. Ce dernier a généreusement déclaré que François joue ‘une partie longue’, mais ses détracteurs disent que ses erreurs douteuses et perçues ont coûté très, très cher au Vatican ».

Le film « Francesco » avec les paroles du Pape sur les droits des couples homosexuels, a créé la polémique et même la perplexité de nombreux catholiques: nN’y a-t-il vraiment rien de nouveau dans la doctrine, comme on peut le lire dans la lettre explicative envoyée par le secrétaire d’État Parolin aux nonnes apostoliques du monde entier?

« En réalité, on nous dit que l’enseignement de l’Eglise sur le sujet n’a pas été changé, et ne peut l’être, mais François utilise les médias pour faire croire malgré tout au monde extérieur que l’enseignement a changé. Au dire de tous, cela ne le dérange pas, ce qui fait croire à ses détracteurs qu’il entend subvertir l’enseignement de l’Église, peut-être, selon certains, pour plaire aux progressistes et au lobby homosexuel qui ont contribué à son élection. Ses partisans affirment qu’il ne fait que développer sa doctrine face aux complexités actuelles, mais ses détracteurs prétendent qu’il enseigne l’hérésie moderniste ».

Le thriller sur la provenance des séquences incluses dans le film, que les fonctionnaires du Vatican avaient coupées de l’interview originale du Pape a-t-il été clarifié ?

« Hormis une note aux nonces, préparée par la Secrétairerie d’État, qui soulignait les positions antérieures du pape François sur les unions civiles entre personnes de même sexe, le Vatican n’a jamais publié de correction formelle aux paroles du pape, ni clarifié la séquence du clip dans le film ».

Vous avez récemment publié un livre, The New Pope, avec les profils de 19 candidats possibles pour la succession de François: devriez-vous le mettre à jour après la nomination des 13 nouveaux cardinaux ? Y a-t-il des papabili parmi eux?

« Il est vraiment trop tôt pour le dire, mais aucun d’entre eux ne semble l’être. Quelques Italiens, puisqu’ils n’ont pas encore 60 ans, pourraient vraisemblablement devenir candidats à la papauté à l’avenir ».

Pensez-vous que Bergoglio se retirera lui aussi, comme l’a fait Ratzinger?

« Il a souvent laissé entendre qu’il le ferait, mais les chances sont minces, certainement pas tant que Benoît XVI est encore en vie. »

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