C’est à cela que visait le Rapport McCarrick, après que ce Pontificat se soit employé méthodiquement à démolir pierre après pierre l’édifice bimillénaire de la chrétienté (doctrine, à travers la prétendue priorité donnée à la pastorale, et papauté, à travers la banalisation de figure du Successeur de Pierre). C’est du moins l’hypothèse de Riccardo Cascioli, et elle est plausible, au vu des récents développement. Attention, à travers Jean-Paul II, c’est Benoît XVI qui est lui aussi visé, pour les liens spéciaux qui l’unissaient au Pape polonais. Et plus largement, c’est l’Eglise (voir le dernier article d’Andrea Gagliarducci), une fois de plus mise au banc des accusés par les médias.

Attaque contre Jean-Paul II : voilà à quoi sert le rapport McCarrick

Riccardo Cascioli
La NBQ
18 novembre 2020
Ma traduction

Du National Catholic Reporter au New York Times, la campagne visant à discréditer Saint Jean-Paul II et à remettre en question sa sainteté a commencé. En réalité, selon le Rapport lui-même, l’erreur de la nomination de McCarrick comme archevêque de Washington, en l’absence de preuves pour étayer les rumeurs, a fait suite à l’avis de deux conseillers de confiance. Mais étrangement, cette circonstance a été ignorée dans le résumé du Rapport McCarrick. Ainsi, le Rapport vatican facilite l’opération culturelle contre Saint Jean-Paul II.

C’est le National Catholic Reporter qui, le 13 novembre, a donné le coup d’envoi: « Evêques américains, s’il vous plaît, abolissez le culte de Saint Jean-Paul II ». Le lendemain, le New York Times lui a fait écho en publiant un article d’enquête au résultat prévisible: Jean-Paul II a été proclamé saint trop précipitamment, il vaudrait mieux revenir au bon vieux temps, quand il fallait 50 ans avant d’entamer un procès de canonisation. Le Vaticaniste de Reuters, Philip Pullella, arrive à la même conclusion. Et puis dans la foulée, blogs, opinionistes, débats sur les réseaux sociaux. L’attaque frontale contre Saint Jean-Paul II a donc commencé: après avoir démantelé tout le magistère pièce par pièce, on passe désormais à la damnatio memoriae.

Le motif immédiat est que le rapport McCarrick aurait établi la responsabilité directe de Jean-Paul II dans la « promotion » de l’ex-cardinal et prédateur sexuel Theodore McCarrick au rang d’archevêque de Washington en 2000, puis son élévation au rang de cardinal l’année suivante. Ainsi, selon l’éditorial du National Catholic Reporter, il convient d’admettre que « le saint proclamé par le pape François en 2014 a volontairement mis en danger des enfants et des jeunes adultes dans l’archidiocèse de Washington et dans le monde entier ».

En réalité, les choses sont bien différentes: dans le cas de McCarrick, Jean-Paul II a certainement commis une erreur; mais il ressort tout aussi certainement du rapport qu’il a été trompé par McCarrick lui-même (qui avait adressé une lettre au secrétaire du pape Wojtyla proclamant son innocence); et induit en erreur par des conseillers en qui il avait confiance, ainsi que par sa propre expérience passée en Pologne lorsque le régime montait de fausses accusations d’abus sexuels contre des évêques dont il voulait se débarrasser.
De plus, « si l’on lit le Rapport de manière honnête et intelligente, il est évident que la figure de Jean-Paul II est limpide », a dit le postulateur de sa cause de canonisation, Slawomir Oder. Le pape Wojtyla a approfondi l’affaire, mais aucune preuve des abus n’est ressortie, explique Oder, qui rappelle que le « Rapport vatican montre noir sur blanc qu’aucune accusation crédible n’a été faite avant 2017 ».

Pourtant, dès la publication du Rapport, le 10 novembre, les médias se sont tous focalisés sur les responsabilités de saint Jean-Paul II dans la nomination de McCarrick comme archevêque de Washington. A tel point que le même jour, George Weigel, biographe de Jean-Paul II, écrivait qu' »il n’est pas facile de comprendre comment il est possible qu’un rapport de 449 pages qui entre dans les moindres (et douloureux) détails de la prédation sexuelle de McCarrick, de ses innombrables faux-fuyants, de son autopromotion, des graves trahisons de la confiance que d’autres ont placées en lui, puisse se transformer en une histoire sur l’un des hommes trompés par McCarrick.

La raison réside peut-être dans le fait que c’était cela, l’intention du rapport ou du moins le résultat espéré. Il ne fait aucun doute que l’un des objectifs du rapport était d’éloigner toute responsabilité du pape François, après que l’archevêque Carlo Maria Viganò, dans un long mémoire en août 2018, l’ait fortement mis en cause pour la couverture qu’il avait donnée à McCarrick ces dernières années. L’ex-cardinal s’était par ailleurs vanté publiquement en octobre 2013 d’avoir travaillé pour l’élection de Bergoglio à la papauté.

Curieux, malgré tout, que l’on prétende que Jean-Paul II disposait de toutes les informations (ce qui n’était évidemment pas possible) et qu’en même temps, on glisse tranquillement sur le fait que les évêques les plus proches de McCarrick ou qui ont été lancés par lui dans la carrière ecclésiastique disent n’avoir jamais rien su ni soupçonné. Et ce sont des évêques qui sont devenus cardinaux, comme Wuerl et Farrell, ce dernier ayant beaucoup plus de pouvoir ces derniers temps bien qu’il ait vécu pendant six ans dans la même maison que McCarrick.

De plus, souligne le journaliste Peter Anderson, il y a une bizarrerie troublante dans la synthèse du rapport fourni par la secrétairerie d’État et qui, en tout état de cause, est la seule chose que la plupart des journalistes auront lue. Justement en ce qui concerne les étapes qui ont conduit à la nomination de McCarrick comme archevêque de Washington, on ignore totalement deux épisodes clés qui permettent de mieux comprendre la raison de la décision de Jean-Paul II qui, l’année précédente, avait par contre suivi le conseil du cardinal O’Connor et évité de nommer McCarrick comme son successeur à New York.

Le premier épisode concerne la position en faveur de McCarrick prise par l’archevêque Agostino Cacciavillan, que le pape Wojtyla avait voulu impliquer à la fois en raison de l’estime et de la confiance qu’il avait pour lui et parce qu’il était nonce aux États-Unis depuis huit ans et donc bien conscient de la situation. Selon le Rapport, Cacciavillan, conseiller clé de Wojtyla dans l’affaire McCarrick, a rejeté les accusations et recommandé la nomination de McCarrick (lui aussi a été créé cardinal en 2001).

Le deuxième épisode concerne l’archevêque Giovanni Battista Re, devenu préfet de la Congrégation pour les évêques avant la décision finale sur McCarrick, et qui a rencontré le pape pour discuter de la question. Pour Jean-Paul II, le fait que Re crût en la déclaration d’innocence de McCarrick s’avéra décisif.
Eh bien, se demande Anderson, pourquoi aucune de ces deux circonstances n’est-elle mentionnée dans le résumé introductif?

Il semble tout à fait raisonnable que, bien qu’il ait été au courant des rumeurs sur McCarrick mais sans aucune preuve étayée, le pape ait pris sa décision en se basant sur l’opinion de personnes en qui il avait confiance et qu’il considérait comme compétentes en la matière. Pourtant, ni le nom de Cacciavillan ni celui de Re ne sont mentionnés en rapport avec la décision pour Washington: la voie est donc ouverte pour ceux qui veulent salir la mémoire de saint Jean-Paul II. Alors que le système de corruption et de « réseaux de loyauté », comme les appelle le journaliste Rod Dreher, est sauf et peut continuer à nommer des évêques et des cardinaux ayant des tendances homosexuelles marquées ou en tout cas déterminés à changer la doctrine de l’Église sur l’homosexualité.

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