Il a accordé une longue interview au site kath.net. Benoît XVI n’a certes pas besoin qu’on le défende. Mais du point de vue purement terrestre, ces explications de l’ex-préfet de la CDF et éditeur des Opera Omnia rappellent (sans prendre de gants avec les « agresseurs ») quelques saines vérités et observations de simple bon sens: à lire aussi (et même SURTOUT) par ceux qui relaient les calomnies sans savoir de quoi ils parlent.

Il est tout à fait grotesque de vouloir présenter au monde un homme comme le pape émérite Benoît XVI/J. Ratzinger comme un menteur, en attribuant 42 ans plus tard un événement isolé à une seule des centaines de réunions auxquelles il pensait peut-être avoir participé ou non.

A 94 ans, il est encore en pleine possession de ses moyens au sens intellectuel, mais il ne peut pas maîtriser les processus opérationnels, par exemple la lecture de milliers de dossiers sur un écran d’ordinateur.

Card. Müller : « La campagne de diffamation contre Benoît XVI est une révélation des intentions [de ses promoteurs] ».

https://www.kath.net/news/77467

« Il est tout à fait grotesque de vouloir présenter au monde un homme comme le pape émérite Benoît XVI/J. Ratzinger comme un menteur, en attribuant 42 ans plus tard un événement isolé à une seule des centaines de réunions auxquelles il pensait peut-être avoir participé ou ne pas avoir participé ».
Ce sont les mots cardinal Gerhard Müller, préfet émérite de la Congrégation pour la doctrine de la foi, dans une interview accordée à kath.net au sujet du rapport d’expertise sur les abus de l’archevêché de Munich et Freising. Au contraire, « il est l’homme qui, à un poste décisif en tant que préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi et en tant que pape, a remis en valeur le droit pénal ecclésiastique négligé. (…) N’est-ce pas précisément ceux qui le raillaient à l’époque en le qualifiant de « Panzer cardinal » qui lui reprochent aujourd’hui son manque de fermeté à l’égard des délinquants, alors que ces cas ne constituent même pas une faible preuve d’un comportement négligent » ?

Les questions sont posées par Lothar Rilinger, auteur de livres, avocat à la retraite, spécialiste en droit du travail et ex- membre suppléant de la Cour d’État de Basse-Saxe.

Ce rapport sur les abus dans l’archevêché de Munich et Freising fait grand bruit. Celui-ci évalue aussi les activités de l’archevêque de l’époque, le cardinal Joseph Ratzinger. Il est soupçonné d’avoir commis des fautes dans trois cas. L’administration des preuves par les experts [!!] ne permet toutefois pas d’établir la culpabilité de Benoît XVI de manière juridiquement valable. Nous voulons discuter avec le cardinal Gerhard Ludwig Müller des doutes concernant l’administration des preuves et des mérites de l’ancien pape. La portée de cette interview exclut de détailler les différents cas. Nous ne pouvons qu’aborder les motifs d’accusation.

Lothar C. Rilinger, avocat : Considérez-vous comme une « affirmation de complaisance (/protection) », comme le formule le Rapport, le fait que le cardinal Ratzinger, archevêque à l’époque, n’aurait pas été informé des fautes commises, bien que ses prédécesseurs et ses successeurs aient été informés des infractions pénales commises par des prêtres par leurs vicaires généraux respectifs ? La connaissance d’autres évêques sur des abus peut-elle être considérée comme une « prémisse » et donc les arguments de Benoît qualifiés de « conclusion logique erronée » ?

Cardinal Gerhard Ludwig Müller : Il n’a pas besoin d’une déclaration de complaisance. L’accuser d’avoir une attitude morale aussi basse ne témoigne pas seulement d’un manque total de respect envers un homme et un chrétien hautement méritant pour l’Eglise et la société, mais c’est la « déclaration solennelle » des intentions qui ont présidé à la campagne de diffamation démesurément folle contre lui.

Rilinger : La mise en examen du prêtre pour exhibitionnisme doit-elle être considérée comme un délit de moindre gravité, puisque l’acte sexuel a eu lieu « devant » la victime et non « sur » la victime, de sorte que l’archevêque, le cardinal Ratzinger, n’a pas été informé de cette procédure ?

Card. Müller : La manière dont la tendance à l’exhibitionnisme se manifeste est une question qui relève de la psychologie sexuelle.
C’est aux juges compétents des tribunaux séculiers qu’il revient de décider comment la pratique est jugée pénalement.
Du point de vue de la théologie morale, un tel acte est un péché grave. (cf. 1 Corinthiens 6,9) Celui qui le commet est indigne du ministère sacerdotal, car le prêtre, comme tout autre chrétien, est tenu de respecter le sixième commandement. De plus, il représente le Christ en tant que bon pasteur et doit donc être un modèle spirituel et moral pour tous les croyants. (cf. 1 Pierre 5,3). En outre, un prêtre catholique doit non seulement se tenir dans les limites de ce qui est tout juste permis, mais il doit aussi éviter toute offense dans son comportement et toute ambiguïté dans son discours.

Rilinger : Est-il compréhensible que la faute n’ait pas été signalée à l’archevêque Ratzinger,  mais qu’elle ait été traitée par l’administration elle-même, l’abus n’étant pas survenu dans l’exercice des activités sacerdotales, mais dans la sphère privée ?

Card. Müller : Autrefois, il y avait certainement une pratique bien intentionnée consistant à ne pas impliquer l’ordinaire dans tous les détails du comportement indélicat de ses clercs et de ses collaborateurs laïcs, parce qu’on ne voulait pas lui imposer cela et qu’on pensait pouvoir résoudre le problème soi-même au niveau du service du personnel. Aujourd’hui, on est plus sensible et plus à l’écoute dès les premiers signes. Le nouveau danger est que des innocents soient soupçonnés trop vite ou même jetés en pâture à la meute médiatique. Tous les indignés et les agitateurs dans l’affaire du cardinal Pell, qui a été acquitté en dernière instance de toutes les accusations d’abus sexuels, se sont-ils excusés ou ont-ils au moins fait amende honorable en conscience devant Dieu ?

Après le Concile, il y avait aussi une image progressiste très répandue du prêtre, dont les protagonistes ne voulaient plus être aussi « coincés » en matière de morale sexuelle. Pendant des années, ces milieux ont excusé l’ex-cardinal progressiste américain McCarrick au motif que ses victimes étaient seulement (!) des candidats à la prêtrise qui, comme adultes, savaient ce qu’ils faisaient. C’est sur cette ligne désinvolte que s’engagent aujourd’hui encore les hypocrites « réformateurs de l’Eglise », qui veulent empêcher les crimes sexuels sur les adolescents en légitimant les contacts hétérosexuels et homosexuels des prêtres ou des collaborateurs laïcs avec les adultes. Ce faisant, ils sapent la morale révélée et l’éthique naturelle, transforment le célibat en une farce blasphématoire et désacralisent le mariage d’un homme et d’une femme en tant que fondation divine. Le chrétien ne détermine pas lui-même ce qu’est le péché à partir du jour de sa majorité civile, c’est-à-dire à partir de son 18e anniversaire. En tant qu’enfants, adolescents, adultes, seniors, nous savons que nous sommes majeurs-responsables vis-à-vis de Dieu et de sa sainte volonté. Le philosophe préchrétien Sénèque avait déjà reconnu que « nous sommes nés dans un royaume : obéir à Dieu, c’est être libre ». (De la vie heureuse 15, 7) A combien plus forte raison croyons-nous, nous chrétiens, que l’accomplissement des commandements de Dieu nous rendra libres et heureux. « Car vous avez été appelés à la liberté… Seulement, ne prenez pas la liberté comme prétexte pour la chair, mais servez-vous les uns les autres avec amour ». (Épître aux Galates 5, 13)

L’Eglise ne sortira pas de ce marasme médiatique en sapant la morale sexuelle. Nous ne sortirons de la misère de la sexualisation et de la commercialisation de notre existence corporelle, qui ne fait que refléter le vide de sens désespéré du nihilisme européen, que si nous comprenons notre être homme ou femme comme une disposition à l’amour personnel et que nous l’expérimentons ainsi comme une grâce. La sexualité est toujours malmenée lorsqu’elle se transforme en drogue ; elle est censée anesthésier le sentiment d’absence de sens. Mais la vie n’est jamais dénuée de sens, car le sens, la raison, la parole de Dieu, s’est incarnée et a habité parmi nous, et en Jésus-Christ, elle reste avec nous avec sa grâce et sa vérité.

Dieu n’a pas créé l’être humain hétéro-, bi-, trans- ou asexué, pédéraste ou lesbienne ou pédo- et homophile ou selon d’autres techniques de recherche du plaisir, mais à son image et à sa ressemblance, il a créé chaque individu comme homme ou femme. Et il bénit le couple en disant : « Soyez féconds, multipliez, peuplez la terre ». (Genèse 1, 28 s) Et Jésus, le fils de Dieu et seul maître de la vérité divine, interprète définitivement cette vérité anthropologique originelle de telle sorte que, grâce à l’amour réciproque de l’homme et de la femme, les deux ne sont plus deux, mais « une seule chair » (Matthieu 19, 5).

Rilinger : Une semaine après avoir pris connaissance de la condamnation d’un prêtre, l’administration l’a dispensé de cours de religion. La raison invoquée pour cette dispense était l’obtention du doctorat. Peut-on déduire de cet argument que la condamnation pour délit sexuel était la raison de la dispense ?

Card. Müller : En aucun cas. Ceux qui font cela confondent le déroulement d’une réunion de l’ordinariat avec les méthodes d’interrogatoire de la police judiciaire ou les acrobaties juridiques d’un jury américain. Les membres de notre administration ecclésiastique sont loin de connaître tous les tours, ils sont généralement très crédules, c’est-à-dire plus simples d’esprit que les colombes et moins rusés que les serpents.
Les escrocs savent que les pasteurs sont les plus faciles à berner pour leur soutirer de l’argent. Certes, il faut aussi tirer les leçons des erreurs du passé dans la gestion du personnel de l’Église, mais il ne faut pas non plus tomber dans l’extrême inverse d’un climat de suspicion permanente. La meilleure prévention est l’éthique sacerdotale à laquelle les agents pastoraux se soumettent et qu’ils s’encouragent mutuellement à respecter. Celui qui s’unit quotidiennement au sacrifice de la croix du Christ dans la célébration de la sainte eucharistie vainc par sa grâce toute tentation de pécher.

Rilinger : La pédophilie était considérée comme guérissable, ce qui pouvait aussi correspondre à l’idée de resocialisation qui était considérée comme prédominante dans le droit pénal de l’époque. Est-ce que le fait que l’évêque Ratzinger n’ait pas été informé à cause de ces efforts contredit la « présomption d’exactitude » ?

Card. Müller : N’étant pas personnellement impliqué, je ne connais évidemment pas dans les détails le déroulement des faits. Mais les personnes présentes ne peuvent pas non plus reconstituer entièrement les événements à partir des dossiers et encore moins de leur mémoire.
Mais je connais Joseph Ratzinger depuis des décennies pour son honnêteté intellectuelle et son jugement moralement sûr.
Et il en résulte sans aucun doute qu’il n’a jamais et en aucun cas fait ou permis quoi que ce soit de négligent ou même d’intentionnel qui aurait pu causer du tort à des individus ou à la communauté des croyants.

Combien de fois les psychologues se sont trompés dans leurs pronostics sur la récidive des délinquants. Il en résulte que chacun ne peut agir qu’en son âme et conscience à son poste de responsabilité.

Nous ne verrons pas, avant le Jugement dernier, un État de droit sans les crimes de certains citoyens et une Église sans les péchés de ses différents membres, bien qu’elle soit, de par sa substance, le corps sacré du Christ (cf. Vatican II, constitution sur l’Église Lumen gentium 8), et nous ne pourrons surtout pas l’arracher à ce monde déchu avec une auto-justification pélagienne. Mais nous sommes convaincus qu’à la fin, Dieu rendra justice à tous les humiliés et les offensés.

Rilinger : Benoît XVI veut faire la lumière et s’est donc déclaré volontairement prêt à participer à la clarification. Toutefois, les experts doutent de sa capacité à se souvenir, car 40 ans après, il peut ne pas se souvenir d’une séance, et ils insinuent que l’archevêque d’alors a été informé, contrairement à ses souvenirs, d’infractions pénales commises par des prêtres. Pensez-vous qu’il soit possible que Benoît se réfère à des trous de mémoire pour nier de prétendues fautes ?

Card. Müller : Seul Dieu a dans sa mémoire une connaissance parfaite de tout ce qui se passe dans le monde en général et jusque dans les moindres détails. Les hommes ont une capacité de mémoire variable, mais aucun ne dispose d’une mémoire absolue. De notre passé, nous connaissons grosso modo les événements et pouvons nous souvenir ponctuellement de tel mot et de telle expérience. Parfois, nous faisons des associations erronées et pensons que cela s’est passé ainsi en raison d’une mauvaise association d’idées.

Il est tout à fait grotesque de vouloir présenter au monde un homme comme le pape émérite Benoît XVI/J. Ratzinger comme un menteur, en attribuant 42 ans plus tard un événement isolé à une seule des centaines de réunions auxquelles il pensait peut-être avoir participé ou non.

De plus, l’erreur ne lui est pas imputable, mais il s’agit d’un oubli de ses collaborateurs. A 94 ans, il est encore en pleine possession de ses moyens au sens intellectuel, mais il ne peut pas maîtriser les processus opérationnels, par exemple la lecture de milliers de dossiers sur un écran d’ordinateur.

Il peut toutefois se souvenir du fait qu’à l’époque, il n’était pas au courant de la dangerosité de ce prêtre venant du diocèse d’Essen. En outre, cet homme n’est plus entré dans son champ de vision et ne s’est pas fait remarquer négativement jusqu’au départ de J. Ratzinger pour Rome.

Rilinger : Après 40 ans, Benoît XVI ne se souvient pas de tous les détails. Peut-on pour autant l’accuser de « mensonge » s’il s’avère, après la publication de l’expertise, qu’il a effectivement participé à une réunion au cours de laquelle il a été question du prêtre incriminé, étant toutefois entendu qu’il ressort du procès-verbal de la réunion de l’époque qu’il n’a été question que du placement du prêtre, et non de son caractère pénalement répréhensible. En tant que théologien et philosophe, comment définiriez-vous le « mensonge » ?

Card. Müller : Dans son essai « Qu’est-ce que la vérité ? », Dietrich Bonhoeffer, en 1943, dans la prison de Berlin-Tegel, donne la définition théologique et seule déterminante ici, par opposition à son instrumentalisation idéologique et agitatrice : « Le mensonge est une contradiction contre la parole de Dieu, telle qu’il l’a prononcée dans le Christ, et sur laquelle repose la création. Le mensonge est par conséquent la négation, le déni et la destruction consciente et volontaire de la réalité telle qu’elle a été créée par Dieu et telle qu’elle existe en Dieu, et ce dans la mesure où cela se fait par des paroles et par le silence ». (Dietrich Bonhoeffer Œuvres 16, 627)

Que l’archevêque de Munich de l’époque, J. Ratzinger, ait participé à cette séance en tout ou en partie n’est donc pas déterminant pour la décision matérielle d’héberger cet homme dans un presbytère munichois pendant sa psychothérapie. Ce n’est qu’un dogmatisme perfide que de lui jeter à la figure la liste des présences et de la lui brandir cyniquement comme un trophée, à l’instar des  » poissonnières  » – les Poissardes – qui, lors de la manifestation de Versailles au Paris révolutionnaire, ont porté devant le roi Louis XVI les têtes coupées de ses serviteurs sur des piques (5 et 6 octobre 1789).

Je rencontre chaque jour de nombreuses personnes de différentes nationalités qui me demandent comment il est possible qu’en Allemagne, un pape de leur pays soit traité de menteur. Face à ces événements, on ne peut qu’avoir honte d’être allemand, surtout parce que tant de personnes, en soi de bonne volonté, se laissent prendre à la propagande anticatholique.

Rilinger : Pensez-vous que c’est un piège que les experts n’aient pas attiré l’attention de Benoît XVI à l’avance sur son erreur concernant la participation à la réunion et ne l’aient pas signalée, parce qu’il est illogique de nier la participation à une réunion lorsque la participation est documentée par une signature sur le procès-verbal?

Card. Müller : Il a probablement simplement pensé par erreur qu’il n’avait pas participé à la réunion. Toutefois, il ne pouvait pas l’affirmer avec une certitude métaphysique. En tout cas, il n’y a pas eu de fair-play. Et sur le fond, il importe peu qu’il ait été présent ou non, car aucune décision n’a été discutée et décidée en son sein pour des faits pénalement répréhensibles. Personne ne pouvait se douter que le prêtre accueilli par gentillesse avait abusé de l’hospitalité de manière aussi sordide.

Le cabinet d’avocats devrait également descendre un peu de ses grands chevaux, car ses prises de position sur la morale sexuelle de l’Eglise dépassent de loin ses compétences et, de manière générale, toute attitude de donneur de leçons après 42 ans est plus que déplacée

Aucune créature dotée d’une intelligence seulement finie ne peut prévoir totalement les effets contingents possibles de ses décisions, qu’elles soient positives ou négatives, même si elles ont été prises en toute connaissance de cause. Même les juristes et les journalistes ne le peuvent pas.

Rilinger : Il ressort du Rapport que les experts se voient dans l’impossibilité d’imputer sans aucun doute possible un comportement fautif à Benoît XVI. Dans leur argumentation, ils s’appuient sur des suppositions, des insinuations et des analogies, sans pour autant pouvoir apporter une preuve concluante à partir des indices cités. Cette manière de procéder ne va-t-elle pas à l’encontre de la présomption d’innocence en droit pénal, également invoquée par les experts, et dont chaque personne concernée peut se prévaloir ?

Card. Müller : Ces avocats veulent être à la fois enquêteurs, accusateurs, défenseurs et juges. Seuls les tribunaux ordinaires de l’État sont compétents pour juger d’un comportement fautif au sens pénal du terme. Il est illégitime de faire appel à des instances séculières au sujet de l’action de gouvernance des évêques dans leur ministère spirituel. En ce qui concerne la juridiction de l’État, les évêques et les prêtres sont, comme tous les citoyens, égaux en droits et en devoirs.

Les commanditaires auraient dû le savoir, c’est-à-dire que seul le pape, avec ses tribunaux ecclésiastiques romains, rend la justice sur les évêques selon le droit canonique. Et personne ne peut de toute façon se prononcer sur Benoît XVI en matière ecclésiastique, même s’il a désormais le statut d’ex-pape. Le sens d’une telle enquête ne peut être que de rendre maintenant justice aux victimes d’abus sexuels, si cela n’a pas encore été fait, et de soumettre à la justice séculière ou ecclésiastique des criminels qui n’ont pas encore été identifiés.

Rilinger : Bien que les mérites uniques de Joseph Ratzinger en tant que préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi et en tant que pape pour l’élucidation des abus doivent être considérés indépendamment de son activité d’archevêque, il ne faut pas passer sous silence l’ampleur et la sévérité des mesures qu’il a prises contre les prêtres qui se sont rendus coupables d’abus sexuels. Qu’a fait J. Ratzinger et s’est-il occupé de manière particulière des victimes d’abus ?

Card. Müller : Il est l’homme qui, en tant que préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi et en tant que pape, a remis en valeur le droit pénal de l’Église qui avait été négligé. Certes, à la différence des idéologies progressistes, il n’y a jamais eu de doute dans l’Eglise sur le fait que les abus sexuels sur des adolescents sont une iniquité criante et constituent une atteinte à l’idéal sacerdotal catholique. Mais combien de fois n’a-t-on pas invoqué, du côté progressiste, l’abandon de « l’Eglise du droit », toujours dans l’espoir de retrouver « l’Eglise d’amour » dans laquelle Jésus a eu tant de compréhension pour les pécheurs et dans laquelle, surtout, les péchés contre le sixième commandement ne devraient pas être surestimés.

N’est-ce pas précisément les mêmes qui le raillaient à l’époque en le qualifiant de « Panzerkardinal », qui lui reprochent aujourd’hui son manque de fermeté à l’égard des délinquants, alors que ces cas ne constituent même pas une faible preuve d’un comportement fautif négligent ?

Rilinger : Étant donné que les experts n’ont pas réussi à prouver de manière légale que le cardinal Ratzinger avait commis des actes relevant du droit pénal et du droit pénal ecclésiastique, on ne peut s’empêcher de soupçonner que la mission confiée aux experts par l’archevêque, le cardinal Marx, visait plus que la simple clarification. Pouvez-vous exclure le soupçon que ces accusations visaient également à éliminer Benoît XVI – comme on l’avait déjà vu avec le cardinal Woelki de Cologne – en tant qu’opposant à la soi-disant voie synodale soutenue par le cardinal Marx ?

Card. Müller : Je ne souhaite pas m’exprimer en public sur la personne d’un confrère ou rendre la pareille à un autre. Mais il est évident que les cercles internes à l’Église, et plus encore le climat anticatholique qui a atteint le niveau moral le plus bas du Kulturkampf de l’époque de Bismarck, ont causé un grave tort au cardinal Woelki en tant que personne et se sont ainsi discrédités eux-mêmes.

Rilinger : Est-il compatible avec l’ordination sacerdotale et épiscopale et avec la nomination au cardinalat de poursuivre des animosités personnelles, même au risque de causer des dommages considérables à l’Église ?

Card. Müller : Le plus grand danger depuis 2000 ans a toujours été de vouloir exercer le ministère épiscopal à la manière de dirigeants séculiers.

Jésus a fait des apôtres des disciples et, à leur suite, des évêques, des prêtres et des diacres, afin qu’ils puissent proclamer son Évangile, invoquer sa grâce dans la liturgie et les sacrements sur les individus et sur toute l’Église, et afin que tous fassent l’expérience de l’amour pastoral du Christ à travers eux. La politique n’est pas l’amour de la vérité, mais la « volonté de puissance ». C’est la tâche des évêques et du Pape de parler à la conscience des dirigeants de ce monde – y compris les chrétiens – afin qu’ils freinent leur volonté de puissance et orientent leurs peuples vers la paix, la justice sociale, le bien-être matériel et spirituel, la paix et la sécurité.

Rilinger : Dans le rapport, le commanditaire, le cardinal Marx, est accusé d’inaction et de dissimulation. Serait-il maintenant nécessaire que le cardinal Marx offre une nouvelle fois sa démission d’archevêque au pape ?

Card. Müller : Un évêque est établi par le Christ et responsable devant lui dans un examen de conscience quotidien et dans l’annonce et le témoignage actifs du salut qui vient de Dieu.

Un évêque n’est donc pas investi par le pape de son autorité et de sa mission spirituelles. Mais en cas de handicap important, comme par exemple une maladie ou un manquement grave à ses devoirs, il peut être relevé de l’exercice concret de son ministère. (…)

Le pape devrait ordonner à ce troupeau sans tête appelé Conférence épiscopale allemande de venir à Rome et de ne pas laisser les évêques se charger des fidèles confiés à leurs soins avant que chacun d’entre eux n’ait mémorisé le chapitre III de la Constitution de l’Église Lumen Gentium sur l’épiscopat.

En effet, avec leurs auxiliaires, les prêtres et les diacres, les évêques sont au service de leurs frères et sœurs, afin que tous ceux qui appartiennent au peuple de Dieu et jouissent donc de la véritable dignité de chrétien, tendent vers le but d’une manière libre et ordonnée et parviennent ainsi au salut ». (cf. LG 18 ; 20) Le but temporel et éternel de la condition humaine est la communion intime avec Dieu en Jésus-Christ, la lumière qui éclaire tout homme. (cf. LG 1)

Rilinger : L’Eglise s’efforce de faire le point sur les cas d’abus commis par ses ecclésiastiques et ses employés. Dans d’autres domaines de la société, que ce soit dans le sport, dans la garde d’enfants, dans d’autres églises et communautés ecclésiales ou dans les familles, les abus sexuels sont beaucoup plus nombreux. La volonté de l’Eglise catholique romaine de dévoiler et de sanctionner les abus sexuels pourrait-elle servir de modèle à ces autres organisations ?

Card. Müller : L’Église, avec les personnes qui en font partie, fait partie de la société, pour le meilleur et pour le pire. « Elle est à la fois sainte (du point de vue de sa mission divine) et (du point de vue de son exécution humaine) toujours en besoin de purification, elle emprunte sans cesse le chemin de la pénitence et du renouvellement ». (Lumen gentium 8) L’Église, dans sa forme de serviteur terrestre, ne peut pas se vanter devant le monde d’être la communauté idéale de personnes absolument pures et sans péché. Mais elle peut toujours accepter et accomplir à nouveau sa mission divine d’être dans le Christ le sacrement du salut du monde. Qui d’autre que l’Église de Jésus-Christ serait appelée à défendre les droits inaliénables de l’homme et, tout particulièrement, l’intégrité morale et physique de nos adolescents. Jésus est notre modèle à tous. « Amen, amen, je vous le dis : Celui qui n’accueille pas le royaume de Dieu comme un enfant n’y entrera pas. Il prit les enfants dans ses bras, puis il leur imposa les mains et les bénit ». (Marc 10, 15 s)

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