Ne pourraient-ils pas, tous autant qu’ils sont, en particulier ceux qu’on disait ratzingeriens (y compris le cardinal Pell, qu’il me déplaît de citer ici), et malheureusement aussi les catholiques dits « traditionalistes », le laisser en paix, reconnaître ce qu’il a fait pour l’Eglise (*), et identifier leurs vrais ennemis – et surtout leur vrai défenseur (**). Deux articles récemment publiés ont attiré mon attention. J’hésitais à en faire mention ici, mais à la réflexion, trop, c’est trop .

D’abord, il y a un article publié le 11 décembre dernier sur Rorate Caeli, sous la plume de Maike Hickson que j’apprécie pourtant assez en général.
Le titre: UNE NOUVELLE BIOGRAPHIE DÉCRIT LA GRANDE INFLUENCE DU PÈRE JOSEPH RATZINGER [Fr. Joseph Ratzinger…. on flirte avec le sédévacantisme: rajouter « d’alors » dès le titre aurait évité les interprétations ambigües] SUR LE CONCILE VATICAN II »
Il est évidemment question de la biographie de Peter Seewald. Et voici le chapeau:

Rorate a le plaisir de publier cet article de Maike Hickson, dans lequel elle résume les informations sur l’implication de Joseph Ratzinger (alors Père et péritus) dans le Concile, telles que les détaille la biographie magistrale de Seewald, dont le premier volume sera publié en anglais le 15 décembre. Si certains de ces faits sont déjà bien connus, ils n’ont jamais été présentés avec autant de détails et de cohérence que ce qu’offre Seewald. Hickson a travaillé à la fois à partir de l’édition originale allemande et de la traduction anglaise à venir. En publiant cette critique, nous reconnaissons en même temps combien nous sommes redevables à Ratzinger/Benoît XVI d’avoir pris des mesures cruciales et contre-culturelles en faveur de la restauration de l’authentique liturgie romaine.

*

https://rorate-caeli.blogspot.com/2020/12/rorate-exclusivenew-biography-describes.html

On saura gré à Rorate de ces précisions. Il n’empêche qu’aux yeux de la frange de public qui est censé lire ce site, l’ensemble de l’article est une charge sans équivoque contre Benoît XVI, qui du reste est soulignée par le choix des photos: Ratzinger et Rhaner (x2), Ratzinger et Congar, Ratzinger et Paul VI, le cardinal Frings.
La conclusion ne laisse guère place au doute quant aux intentions de l’auteur:

Ce désir de révolution a été laissé à un petit groupe d’ecclésiastiques très intelligents et bien branchés – parmi lesquels Joseph Ratzinger.

Le deuxième article, je l’ai lu dans un journal italien, mais il en a aussi été question dans l’anglosphère. J’aurais préféré ne pas y trouver le nom du cardinal Pell.

Au Vatican, on en parle à nouveau : « Ratzinger ne porte pas de blanc »

Le Vatican continue à discuter de la figure du « pape émérite ». Une proposition a été faite pour réglementer les facultés de Ratzinger en tant que pape émérite

Il Giornale
10 décembre 2020
Ma traduction

Joseph Ratzinger a créé la figure du pontife émérite, mais dans l’Eglise, la nouveauté introduite n’est pas partagée par tous. Benoît XVI a précisé les raisons de son choix il y a quelque temps, dans une lettre adressée au cardinal Walter Brandmüller [cf. Des lettres surprenantes de Benoît XVI , puis Des lettres surprenantes de Benoît XVI (suite), ndt] .

Le théologien allemand a voulu, en instituant le pontificat émérite, éviter la « confusion ». Parce que de cette façon, il aurait été clair qu’il n’y a qu’un seul pape et qu’il s’agit de François.

Mais tout le monde n’est pas d’accord. Certains pensent que certains détails stylistiques ont provoqué le chaos au sein des milieux ecclésiastiques. D’autres estiment qu’un pontife démissionnaire devrait perdre le droit de parole. Que des consacrées fassent pression pour que la figure du pape émérite soit réglementée par des règles précises ne date pas d’aujourd’hui . Notamment pour éviter qu’à l’avenir on parle à nouveau de deux « papes ».

Les rumeurs se poursuivent depuis quelques années : plus ou moins chaque fois que Benoît XVI dit son mot en public, quelque théologien avance des arguments opposés. L’ancien pontife – on l’a aussi dit – avait promis le silence. En fait, Joseph Ratzinger n’a jamais juré de garder le silence. La réforme du pontificat émérite a même été discutée au Vatican. Et puis on n’a plus rien fait à ce sujet.

Mais aujourd’hui, la question revient à l’ordre du jour en raison des considérations mises sur papier par le cardinal George Pell, l’Australien que Bergoglio avait choisi pour diriger le Secrétariat à l’économie avant qu’un scandale ne renverse le travail du cardinal.

(…)

Pell est un conservateur et, du point de vue des sensibilités au Vatican, un ratzingerien. C’est pourquoi le fait que l’Australien lui-même ait réfléchi à la manière dont un émérite doit se comporter est susceptible de susciter des discussions, et pas des moindres.

Pell, qui n’était certes pas un adversaire de l’ancien pape, a avancé quelques thèses sur le sujet dans l’un de ses livres [en fait, son journal de prison, ndt]. Pour l’ancien préfet du Secrétariat à l’économie, l’émérite doit se dépouiller du blanc papal, ne pas « enseigner » et être exclu de l’assemblée cardinalice. En substance, un pontife qui préfère démissionner devrait être rétrogradé au rang de cardinal sans droit de vote et ne plus exprimer ses opinions.

Benoît XVI s’est beaucoup exprimé au cours de ces sept ans et demi. Comme quand l’émérite a réitéré son ferme « non » à l’abolition du célibat des prêtres. Un sujet délicat qui a été discuté lors du Synode pan-amazonien. On a souvent eu le sentiment que Ratzinger avait quelque chose à dire sur la doctrine promue par ce pontificat. Et cette sensation a circulé au-delà du récit de la « continuité » entre l’émérite et le régnant.

Le sujet est sensible car Benoît XVI n’est peut-être pas le dernier pape émérite de l’histoire. Avec sa démission, Ratzinger a ouvert une nouvelle voie, qui permet aux successeurs de Pierre de prendre du recul lorsque les choses à affronter sont complexes et que l’âge ne permet pas de régner avec la force requise. Personne, à ce jour, ne peut exclure une autre renonciation. A tel point que l’hypothèse a été émise que François pourrait tôt ou tard envisager lui aussi le renoncement.

Il y a quelques jours, le cardinal Mario Grech – un nouveau cardinal créé par l’ex-archevêque de Buenos Aires – a fait part au monde des difficultés de Ratzinger à parler. Cependant, Mgr Georg Gänswein, secrétaire particulier de l’émérite, semble avoir nié la reconstruction de Grech. Benoît XVI n’aurait pas perdu sa voix. Parmi les catholiques, certains ont commencé à supposer que le message – « Le Seigneur m’a retiré la parole pour que j’apprécie le silence » – cache une certaine signification. Des recherches allégoriques qui accompagnent souvent les propositions que Ratzinger a présentées de février 2013 à aujourd’hui. Et les interprétations sont une autre raison pour laquelle les progressistes sont convaincus de la nécessité de dispositions réglementant les droits d’un ancien pape.

NDT

(*) Voir par exemple sur la page d’accueil le lien vers le dossier que j’avais consacré sur ce site à la Rencontre mondiale des familles, à Milan, en juin 2012

(**) Le sujet a déjà été abordé dans ces pages à travers un article excellent du blog Campari & de Maistre datant de 2016 et intitulé « QUE D’AMERTUME CONTRE BENOÎT XVI« , qui résume parfaitement mon sentiment:

Récemment , je suis tombé sur une interview d’Alessandro Gnocchi intitulée «Alessandro Gnocchi en roue libre contre François et Benoît XVI».
Dans l’interview, à côté de critiques contre Bergoglio, je suis resté sidéré en lisant une réponse venimeuse à propos du pape émérite. Selon Gnocchi «En réalité, Ratzinger et Bergoglio sont complémentaires, les deux faces d’une même médaille, la même soupe dans des plats différents. Ratzinger a été lui aussi assez incertain et peut-être fumeux, il n’a pas eu le courage d’accomplir le pas décisif, le tournant. Bref, lui aussi est un malentendu vivant, et il a sa responsabilité. Je ne vois pas une rupture nette entre les deux, Ratzinger n’a pas inversé le cap, et il a été une sorte de poisson dans un tonneau» (fare il pesce in barile: faire comme si de rien n’était).

Cette phrase, prononcée par Gnocchi, me paraît stupéfiante et me conduit à une question: pourquoi quelqu’un qui doit beaucoup de sa notoriété éditoriale au public ratzingerien, décide-t-il aujourd’hui de se détacher définitivement de ce public?
Quand il s’agissait de vendre des livres intitulés « Viva il Papa, perché lo attaccano, perché difenderlo » (Vive le pape, pourquoi ils l’attaquent et pourquoi le défendre – 2010), avec plein de photos de l’Allemand, de faire des conférences et d’acquérir une visibilité personnelle, Benoît XVI était bien bon, mais maintenant, il est un poisson dans un tonneau.
Il est absurde à mon avis, d’oublier – de bonne ou de mauvaise foi, je ne sais pas encore – ce que Ratzinger a fait pendant son pontificat, durant lequel il a été en effet insulté, attaqué et vilipendé de toutes les façons possibles, justement à cause de ce qu’il faisait.
Qui peut ignorer le fait que toute une génération de personnes nées entre les années 80 et 90 a trouvé une puissante force théologique pour jeter les bases de leur foi grâce à lui?
Pourquoi oublier qu’avec Summorum Pontificum, il a recréé un monde qui avait été perdu et qui à ce jour mène le bon combat depuis les autels du monde entier?
Pourquoi avancer la critique stérile qu’il «n’a rien fait pour inverser le cap»? Ce n’est évidemment que dans le monde des contes de fées qu’on peut penser que l’effondrement de l’Eglise en cours depuis le début du XXe siècle (eh oui messieurs! quelle surprise, le concile, ce sont les pré-conciliaires qui l’ont fait), pourrait être résolu simplement en claquant des doigts. En réalité, ils l’ont fait démissionner pour avoir tenté d’inverser le cap.
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Heureusement j’ai trouvé un grand réconfort à la lecture d’un article de la Nouva Bussola (Benoît XVI, docteur de l’Eglise pour notre temps), sur la reprise de la théologie de Joseph Ratzinger, sur lequel je vous invite tous à méditer.
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Je dis ceci à Alessandro Gnocchi: ce n’est peut-être pas le moment, sous le coup de la colère, à cause d’une situation difficile que nous vivons, de jeter le bébé avec l’eau du bain.
Reste l’amertume de lire certaines prises de position de la part d’une personne à laquelle j’ai toujours fait référence, et qui aujourd’hui, pour des motifs que je voudrais comprendre, a décidé de rendre vain le travail de plusieurs années.
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http://benoit-et-moi.fr/2016/actualite/des-catholiques-conservateurs-contre-benoit-xvi.html
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