C’est du moins l’avis du principal quotidien italien, le « Corriere della sera » (un peu la version italienne du « Monde ») qui à la veille du match contre la Belgique – qui a vu l’Italie s’assurer une place en finale de l’Euro de foot (*) – faisait la fine bouche et avait clairement choisi son camp, pas celui de son pays. C’est une « invasion de terrain » de plus de la politique, ou plutôt du politiquement correct, dans le sport. Pour ces prétendues élites « nation » est un gros mot. L’article d’Antonio Socci.

(*) Je précise que je ne m’intéresse pas spécialement au football, et je ne me sens aucun atome crochu avec notre propre équipe nationale. Mais l’exemple italien et de son équipe, image inversée de la nôtre, a une valeur qui dépasse largement les frontières de la péninsule

L’Euro de foot et l’invasion du terrain par une idéologie factieuse

Antonio Socci
8 juillet 2021
Ma traduction

La victoire de l’équipe nationale italienne sur l’équipe nationale belge – lors du championnat d’Europe de football – est une page glorieuse de notre sport le plus aimé et le plus populaire.

Mais – pour comprendre l’atmosphère dans laquelle s’est déroulé le match – il vaut la peine de rappeler (avec un sourire) ce titre du « Corriere della sera » de vendredi, quelques heures avant le match: « Belgique-Italie, pourquoi Lukaku & co sont-ils si forts? [ndt: Lukaku est un footballeur de l’équipe nationale belge d’origine congolaise qui joue actuellement comme attaquant à l’Inter de Milan]. Équipe multiethnique, les vieilles différences sont devenues l’arme supplémentaire« .

Au vu du verdict du terrain, ce titre ne semble pas très approprié : la Belgique n’a pas semblé si forte que cela. De plus, le sous-titre du « Corriere » soulignait encore l’acuité de son analyse : « La clé est le modèle multiethnique, style France 1998 : aujourd’hui le vestiaire est multiracial, la langue commune est l’anglais et la diversité est devenue vertu« .

Le rapport entre tout cela et le football n’est pas bien clair. Malheureusement, le championnat d’Europe de cette année a subi une fâcheuse invasion de terrain par la politique.

En Italie aussi le poison du parti-pris idéologique (de la gauche) a risqué d’obscurcir le plaisir d’un sport qui au contraire est – et doit rester – une fête de tous, une fête qui voit finalement réunis tous les Italiens, sans distinctions, sous le Drapeau Tricolore, à acclamer (tifare) l’Italie.

Comme cela devrait toujours être et comme la gauche n’y parvient pas puisque – par idéologie – elle préfère la faction (la sienne), à la nation (un mot qui semble l’agacer, comme si c’était une insulte).

Les garçons de l’équipe nationale, victimes du bombardement médiatique et politique imprévu qui prévoyait le « devoir » de s’agenouiller en hommage à un groupe politique extrémiste aux États-Unis sont apparus surpris et troublés. Lors des premières rencontres, ils ont répondu « non » et – finalement – ils ont décidé d’adopter une solution qui n’alimente pas la polémique, mais qui, en même temps, ne cède pas aux considérations politiques.

En effet, la FIGC [Federazione Italiana Giuoco Calcio, Fedération italienne de Football] avait annoncé, avant le match contre la Belgique, que cette fois « l’équipe s’agenouillera par solidarité avec les adversaires, et non pour la campagne en soi, que nous ne partageons pas ».

Donc un hommage sportif à l’autre équipe, mais pas un geste politique. En fait, tous nos joueurs sont – bien entendu – contre le racisme (comme toute personne civilisée), mais c’est une toute autre chose de s’agenouiller pour un groupe politique extrémiste. Aucune adhésion, donc, à l’idéologie selon laquelle si vous êtes blanc, mâle et occidental, vous êtes coupable.

La décision de l’équipe nationale italienne a été critiquée comme étant une ruse. C’est peut-être le cas, mais on peut aussi y voir un moyen judicieux d’échapper à la pression politique sans se soumettre à l’idéologie.

Il a été dit de manière critique qu’il s’agit de l’habituelle combine « à l’italienne ». Mais si la philosophie de vie « à l’italienne » était la bonne ? Si le mieux était d’oser un signe d’amitié et de solidarité à tous, mais sans accepter la suprématie de la politique et de l’idéologie même sur le sport ?

Ces garçons qui jouent de manière belle et intelligente, qui sont amis entre eux, qui chantent l’hymne national à tue-tête, qui exultent dans le bus en chantant Notti magiche [l’hymne du pays pour le Mondial de 1990, où les Italiens ont terminé 3èmes], une chanson d’il y a trente ans (pour dire qu’ils ont conscience d’une histoire), expriment la simplicité, la générosité, la convivialité et le génie de notre peuple.

Récemment, le « Post » rapportait que l’esprit passionné avec lequel notre équipe nationale chante l’hymne de Mameli [hymne national italien] semble être très apprécié à l’étranger. Le moment de l’hymne, avant les matchs de l’Italie, est devenu presque un genre en soi dans ces championnats européens de football, surtout pour le public anglo-saxon : de nombreux accounts de journaux spécialisés partagent des images et des vidéos avec des commentaires généralement admiratifs.

Nos joueurs semblent être des garçons simples, sans excès de protagonisme personnel (/starisation). Ils affrontent les autres équipes avec humilité et sans présomption, ils sont fiers de porter le maillot bleu, ils essaient de le faire avec honneur et sont visiblement heureux de représenter l’Italie.

Ils sont l’image de notre pays qui est trop souvent dénigré en premier lieu par nos classes dirigeantes et par nous-mêmes. Un pays dont nous devons être fiers, surtout aujourd’hui où nous devons le faire redémarrer.

Après quoi les matchs de football peuvent être gagnés ou perdus, ce ne sont que des compétitions sportives, mais le cœur et l’intelligence avec lesquels ils sont joués sont les choses dont notre peuple a besoin aujourd’hui pour reconstruire ce beau pays qui est le nôtre.

Et espérons qu’en encourageant les Azzurri, nous apprendrons tous, à partir de maintenant, à encourager l’Italie. La nation, avant la faction.

Antonio Socci, Libero, 4 juillet 2021

Share This