voici pourquoi (je sais, je prends des risques). Depuis des semaines, nous sommes abreuvés quotidiennement de propagande unilatérale intégralement alimentée par les Etats-Unis, qui par sa répétition martelante nous fait soupçonner qu’ils inversent les rôles, avec l’assistance servile de leurs supplétifs des médias (quand on pense qu’il y a 4 ans, le va-t-en guerre fou unanimement dénoncé par les mêmes médias était Donald Trump!!). Ne pourrait-on pas entendre de temps en temps un autre son de cloche, comme cet excellent article signé de l’un des responsables (*) de la rubrique géopolitique de La Bussola? Je revendique ma (presque) totale incompétence sur le sujet, mais que je sache, l’information mainstream ne s’adresse pas à des spécialistes, et est rarement écrite par eux, et cela vaut dans tous les domaines, malheureusement. Tel quel, ce bref article invite à la réflexion, ce qui n’est déjà pas mal.

N’inversons pas les rôles

Il est paradoxal d’accuser les Russes de déployer 100 000 soldats sur leur propre territoire ou au Belarus voisin pour des exercices, alors que des milliers de soldats américains et européens sont déployés (et d’autres arrivent) dans les républiques baltes, en Pologne, en Roumanie et en Bulgarie.

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Il suffit de comparer une carte de l’Europe de 1990 avec une carte de l’Europe d’aujourd’hui pour constater que depuis la chute de l’URSS et la dissolution du Pacte de Varsovie, ce ne sont pas les Russes qui avancent vers le Rhin, mais l’OTAN qui s’étend vers l’est jusqu’aux frontières russes, menaçant d’englober deux anciennes nations soviétiques, l’Ukraine et la Géorgie

La Russie n’envahira pas l’Ukraine. Voici pourquoi

Chars russes en manoeuvre

Gianandrea Gaiani (*)
https://lanuovabq.it/it/la-russia-non-invadera-lucraina-ecco-perche
15 février 2022

Bien que, depuis décembre dernier, l’administration Biden, les 17 agences de renseignement américaines et le Pentagone n’aient cessé de lancer des alertes quant à l’imminence d’une invasion russe en Ukraine, la possibilité que Vladimir Poutine ordonne la conquête de l’ancienne république soviétique reste lointaine, voire de la politique-fiction

L’alarmisme américain répété semble obéir aux rythmes imposés par la propagande, non sans effets ridicules : en décembre, Washington croyait qu’une attaque en janvier était inévitable, puis reportée à février et même après la fin des Jeux olympiques d’hiver de Pékin (un hommage de Poutine à Xi Jinping) jusqu’à il y a quelques jours, quand les habituelles sources du renseignement américain ont révélé que les troupes russes seraient prêtes à 70% à envahir l’Ukraine. Moscou, qui n’a jamais menacé d’envahir l’Ukraine, n’a aucun intérêt à déplacer ses troupes vers Kiev ou d’autres États voisins, mais a toujours fermement démenti cette hypothèse diffusée en Occident. Il est paradoxal d’accuser les Russes de déployer 100 000 soldats sur leur propre territoire ou au Belarus voisin pour des exercices, alors que des milliers de soldats américains et européens sont déployés (et d’autres arrivent) dans les républiques baltes, en Pologne, en Roumanie et en Bulgarie. En outre, des centaines de conseillers militaires américains, britanniques, canadiens et polonais sont désormais aux côtés de l’armée de Kiev, qui ne fait pas partie de l’OTAN mais reçoit une aide militaire substantielle de l’Occident.

L’invasion d’une nation européenne de 44 millions d’habitants, dont un quart a la double nationalité russe et ukrainienne, aurait un coût financier prohibitif, sans parler des pertes militaires et des coûts d’occupation ultérieurs. La population ukrainienne est peut-être la plus pauvre d’Europe, et Moscou devrait supporter ce fardeau en occupant une nation sans ressources et qui devrait être garnie de centaines de milliers de soldats et de policiers. Pour les Russes, il s’agirait d’une opération très différente de l’envoi de quelques milliers de soldats et de quelques dizaines d’avions et d’hélicoptères en Syrie pour aider Bachar Assad.

Les coûts militaires et financiers de l’invasion et de l’occupation prolongée de l’Ukraine, avec les sanctions internationales que réclameraient les États-Unis et l’OTAN et le blocage définitif des exportations de gaz vers l’Europe, ne sont pas compatibles avec la stratégie de Moscou ni avec ses ressources économiques. Le PIB de la Russie est le même que celui de l’Espagne et Moscou consacre à la défense moins d’un septième de celui des États-Unis et un douzième de celui de l’OTAN. Pourtant, les Russes exigent la reconnaissance des besoins de sécurité de leurs frontières occidentales.

Bien que les Anglo-Américains et tous les États membres de l’OTAN aient exclu d’envoyer leurs soldats en Ukraine en cas d’invasion russe, il suffit de comparer une carte de l’Europe de 1990 avec une carte de l’Europe d’aujourd’hui pour constater que depuis la chute de l’URSS et la dissolution du Pacte de Varsovie, ce ne sont pas les Russes qui avancent vers le Rhin, mais l’OTAN qui s’étend vers l’est jusqu’aux frontières russes, menaçant d’englober deux anciennes nations soviétiques, l’Ukraine et la Géorgie. Ces développements sont inacceptables pour la Russie, qui conteste depuis des années, non sans raison, les bases de missiles américaines en Pologne et en Roumanie, censées défendre l’Europe contre la menace des missiles balistiques iraniens, mais qui emploient en réalité des lanceurs verticaux capables d’accueillir des missiles de croisière pouvant atteindre Moscou en quelques minutes de vol.

Moscou ne veut donc pas la guerre mais, dans le futur, l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN ou le déploiement de troupes de combat américaines et alliées sur le sol ukrainien ne laisserait guère d’alternative à la Russie.

Dans ces conditions, dont la réalisation ne serait certainement pas dans l’intérêt de l’Europe, les Russes pourraient envisager une offensive jusqu’au fleuve Dniepr, frontière naturelle entre l’Ukraine occidentale et orientale, dans le but de gagner en profondeur stratégique et d’éloigner l’OTAN de quelques centaines de kilomètres de Moscou (la capitale russe est à 500 kilomètres de la frontière ukrainienne). Mais l’option de guerre la plus crédible est peut-être liée au risque d’une attaque ukrainienne qui, avec l’aide de l’OTAN, tenterait de reconquérir les provinces rebelles du Donbass. La réponse de Moscou serait inévitable, peut-être à une échelle limitée mais qui pourrait ne pas se limiter à repousser les troupes de Kiev en visant à prendre Marioupol, sur la mer d’Azov, afin de réaliser une continuité territoriale entre le Donbass et la Crimée annexée par la Russie en 2014.

Il est toutefois peu probable que le gouvernement de Kiev, où l’insatisfaction est de plus en plus grande, soit en mesure de faire face à la situation.

(*) Gianandrea Gaiani est un journaliste italien né en 1963. Diplomé en histoire contemporaine, il s’occupe d’analyses historico-stratégiques et réalise des correspondances de guerre pour Il Foglio, Il Sole 24 OreLiberoPanoramaGenteRadio Rai et Radio Capital. Il dirige le webzine Analisi Difesa et collabore avec l’Institut d’études militaires maritimes de Venise. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont Iraq Afghanistan. Guerre di pace italiane (« Irak, Afghanistan. Guerres de paix italiennes », éditions Studio LT2, 2008)
https://voxeurop.eu/fr/auteurs/gianandrea-gaiani/.

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