Précisions de Giuseppe Nardi. Sa nomination à la tête d’un des plus importants diocèses italiens n’a pas dû faire plaisir au Pape émérite. C’est lui l’éditeur de la collection de fascicules d’hommage à François « La théologie du pape François » , recueil d’essais de 11 théologiens progressistes dont certains s’étaient ouvertement dressés contre le magistère de Benoît XVI. Une initiative éditoriale d’un goût douteux, censée prouver la continuité entre le Pontificat de Benoît XVI et celui de François, qui s’était terminé piteusement dans l’affaire dite « Lettergate » (voir sur ce site: Dossier « Lettergate »): Dario Edoardo Viganò avait été contraint de démissionner de sa fonction de Préfet du Secrétariat pour la Communication après avoir manipulé une lettre du Pape émérite – bref après avoir commis un faux.

Mgr Roberto Repole, apologiste de la « théologie du pape François », a été nommé nouvel archevêque de Turin.

L’éditeur de la « Théologie du pape François » devient le nouvel archevêque de Turin

Giuseppe Nardi, 23 février 2022
https://katholisches.info/2022/02/23/herausgeber-der-theologie-von-papst-franziskus-wird-neuer-erzbischof-von-turin/

(Rome) Le 19 février, le pape François a nommé un nouvel archevêque de Turin, un diocèse au passé catholique important, mais aussi ambigu ; lieu de conservation du Saint-Suaire de Jésus et église locale avec quelques problèmes. Depuis le 19e siècle, le siège d’archevêque était lié à la dignité de cardinal. Une coutume à laquelle le pape François a mis fin. L’archevêque Cesare Nosiglia, que le pape Benoît XVI avait nommé à Turin en 2010 et que François a rendu émérite samedi, faisait partie, lors de toutes les nominations de cardinaux, de ceux qui étaient cités comme candidats dans les milieux de l’Eglise et des médias, mais qui n’ont jamais été pris en compte par François.

L’année dernière, l’archevêque de Curie Giacomo Morandi, alors secrétaire de la Congrégation pour la doctrine de la foi, avait été pressenti pour succéder au cardinal Nosiglia. François a finalement envoyé Morandi, « insuffisamment progressiste », dans le plus petit diocèse de Reggio Emilia-Guastalla. Pour l’archevêché de Turin, quatre fois plus grand, le chef de l’Eglise a opté pour un « outsider » plus proche de lui, comme l’a souligné le quotidien La Repubblica.

Le nouvel archevêque de Turin et conservateur pontifical du Saint-Suaire s’appelle Mgr Roberto Repole. François l’a également nommé évêque de Suse. Les deux diocèses seront à l’avenir administrés conjointement. Avec 227 diocèses, l’Italie dispose d’une forte densité d’évêchés. Cela s’explique par des raisons historiques. Dans l’Antiquité, chaque ville de l’Empire romain était le siège d’un évêque. Leur nombre serait encore plus important aujourd’hui s’il n’y avait pas eu au fil du temps une série de regroupements, reconnaissables à leurs noms doubles ou triples. La plupart du temps, ils n’indiquent pas le transfert du siège épiscopal d’une ville à une autre du même diocèse, mais la réunion d’évêchés jusqu’alors indépendants. Mgr Repole ou ses successeurs devraient à l’avenir diriger un archevêché de Turin-Susa.

Au sein de l’Église en Italie, on s’est déjà mis d’accord pour procéder à l’avenir à de tels regroupements afin de réduire le nombre d’évêques et surtout d’ordinariats et d’autres structures diocésaines.

Président de l’association des théologiens

Mgr Repole, est né en 1967 à Turin. Il s’est préparé à la prêtrise au séminaire diocésain et a été ordonné prêtre en 1992 au sein de son diocèse d’origine. Parallèlement à son activité pastorale en tant qu’aumônier de paroisse, il a poursuivi ses études de théologie systématique à l’Université pontificale grégorienne de Rome, où il a obtenu son doctorat en 2001. Depuis 1996, il exerce lui-même une activité d’enseignement à l’École supérieure de philosophie et de théologie pour l’Italie du Nord. En 2010, il est devenu chanoine de la chapelle royale San Lorenzo de l’ancien palais royal de Turin. Plus important encore, il a été nommé en 2011 président de l’Association des théologiens italiens.

Avec Serena Noceti, professeur de théologie systématique à l’École supérieure de théologie de l’Italie centrale et adjointe de Repole à l’Association italienne des théologiens, Repole est l’éditeur d’une série de huit volumes de commentaires sur les documents du Concile Vatican II, publiés de 2014 à 2020. D’autres publications encore ont sans doute retenu l’attention du pape François et de son entourage, par lesquelles Repole est apparu comme un apologiste de l’actuel pontificat. Se détachent des titres comme « Une Église qui s’ouvre à l’aurore » (2016), sur Amoris laetitia (2017), la défense du Concile Vatican II (2013, 2017) la « synodalité » (2016, 2018, 2019) et bien sûr le livre « Forme et réforme de l’Église chez le pape François » (2020).

« La théologie du pape François »

Mais c’est en 2018 que Mgr Repole a atteint sa plus grande notoriété, lorsqu’il a été responsable de l’édition de la série « La théologie du pape François », publiée par les éditions du Vatican à l’occasion du cinquième anniversaire du règne du pape régnant. Il s’agissait de onze minces volumes, car la théologie du pape argentin est également « mince », comme le raillaient des voix romaines, envoyés au préalable à Benoît XVI au monastère Mater Ecclesiae avec l’invitation à les « expertiser ». L’idée est venue de Mgr Dario Edoardo Viganò, à l’époque préfet du secrétariat à la communication du Vatican, à ne pas confondre avec l’ancien diplomate du Vatican, l’archevêque Carlo Maria Viganò.

Bergoglien convaincu, Dario Edoardo Viganò voulait offrir au pape François un cadeau très spécial, à savoir une déclaration écrite de nul autre que Benoît XVI, par laquelle ce dernier approuverait le changement de paradigme opéré par François. Mais Benoît XVI a refusé en renvoyant les onze volumes. Plus encore : Il s’est plaint que Repole ait également fait appel, pour la « brochure commémorative » en l’honneur de François, au dogmaticien allemand Peter Hünermann, « qui s’est fait connaître durant mon pontificat pour avoir mené des initiatives antipapales ». Lorsque Benoît XVI a déclaré en 2009 la levée de l’excommunication des évêques de la Fraternité Saint-Pie, Hünermann l’a accusé d' »abus de pouvoir ».

Sans le label de qualité espéré pour François, Dario Edoardo Viganò a eu recours à une astuce et a simulé l’accord de Benoît XVI avec la « théologie du pape François » en manipulant sa lettre de réponse. Lorsque la fraude fut découverte, le scandale fut énorme et Viganò dut démissionner de son poste de préfet du secrétariat à la communication. François n’abandonna pas pour autant son fidèle, mais lui confia de nouvelles tâches au sein du même dicastère.

Santa Marta s’intéressa à Repole notamment parce qu’on lui prêtait la capacité de « mener un dialogue vivant avec la culture du monde moderne ». Hünermann n’était pas le seul parmi les collègues théologiens auxquels Repole a fait appel pour critiquer par le passé les pontificats de Benoît XVI et de Jean-Paul II. Un deuxième auteur qui, aux côtés de Hünermann, avait signé la déclaration hérétique de Cologne de 1989, était Jürgen Werbick, qui, comme Repole, a été professeur de théologie systématique pendant de nombreuses années. Il faut également mentionner le prêtre Aristide Fumagalli, qui s’est engagé pour un « mariage progressiste » et qui s’est fait connaître pour ses positions homophiles. Ce professeur à la faculté de théologie de Milan est un émule du jésuite américain James Martin. Le pape François a personnellement exprimé son estime pour le père James Martin et le cardinal Marcello Semeraro, proche confident du pape et préfet de la Congrégation des causes des saints, a écrit la préface de son livre « L’amore possibile » (« L’amour possible. Les homosexuels et la morale chrétienne ») pour Fumagalli. Le point commun entre Mgr Fumagalli, James Martin et le cardinal Semeraro est qu’ils sont les défenseurs d’une nouvelle morale homosexuelle – qui ne dérange pas du tout François.

Le rêve de l’Eglise de Kasper

La propre contribution de Repoles à la série d’écrits « La théologie du pape François » était le volume « Le rêve d’une Eglise selon l’Evangile ». Les opinions de François et de Repole s’y confondent, de sorte qu’il est impossible de les distinguer avec précision. Le fait est que Repole se trouve sur une position de rupture, ce qui est particulièrement clair dans son commentaire de l’exhortation Communionis Notio « sur certains aspects de l’Eglise en tant que communion » de la Congrégation pour la doctrine de la foi de 1992. Repole atteste que le pape François, contrairement à la Congrégation pour la doctrine de la foi de l’époque, c’est-à-dire Jean-Paul II et le préfet de la foi Joseph Ratzinger, suit la ligne du cardinal Walter Kasper. Le nouvel archevêque de Turin apporte ainsi sa contribution au soutien de la « synodalité » que François impose à l’Eglise universelle.

Repole s’avère également être un disciple obéissant de Kasper, par exemple lorsqu’il souligne que les formulations doctrinales sont « toujours définitives et provisoires en même temps ». C’est pourquoi il ne peut y avoir « aucune interdiction » de « ré-exprimer les mêmes vérités d’une autre manière ». L’Eglise a toujours enseigné autrement. Les formulations dogmatiques sont définitives parce qu’elles sont le point final d’un processus de maturation et de purification. Repole considère avec Kasper que la définition dogmatique est en perpétuel flux, toujours en mouvement, mais jamais au but.

L' »humble pensée » d’une « humble Eglise », pour reprendre le titre d’un autre livre de Repole, peut également être comprise comme une « pensée modeste » ou une « pensée simple ». Selon La Nuova Bussola Quotidiana [Luisella Scrosatti, 22 février, ndt], il s’agit d’une variante de la « pensée faible » déguisée en cléricalisme. La « pensée faible » est due au philosophe, communiste et homosexuel Gianni Vattimo, qui s’appuie sur Martin Heidegger. En 2015, à Buenos Aires, Vattimo a appelé la gauche radicale à former une Internationale papiste en tant que nouvelle Internationale communiste et à se rassembler derrière le pape François.
A propos de la nomination de Mgr Repole comme nouvel archevêque de Turin, évêque de Suse et conservateur du Saint-Suaire de Turin, la Nuova Bussola Quotidiana résume ainsi :

« Dans ces conditions, l’Eglise humble devient facilement une Eglise humiliée ».

Share This